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En Irak, des restrictions sur le dollar pèsent au quotidien

Un changeur compte des dinars irakiens, dans un bureau de change de Bassora, le 12 décembre 2023. Hussein Faleh / AFP

Employé du secteur pétrolier à Bassora, Al-Harith Hassan n'arrive plus depuis plusieurs mois à retirer librement son salaire en dollar de la banque. En Irak, où les autorités luttent contre le marché noir des devises, des restrictions pèsent sur les usages du billet vert.

Un paradoxe pour le pays riche en hydrocarbures, disposant de réserves colossales en devises étrangères dépassant les 100 milliards de dollars. Mais l'émergence d'un marché de change parallèle et le combat des autorités pour renforcer la surveillance bancaire --en adéquation avec les régulations internationales de Washington-- ont déstabilisé le quotidien.

Officiellement, le taux de change est d'environ 1.320 dinars pour un dollar. Dans les bureaux de change, la monnaie locale s'échange à plus de 1.500, voire 1.600 dinars pour un dollar. "Depuis trois mois ou plus, il est très difficile de retirer des dollars à la banque", résume M. Hassan, 37 ans.

Employé dans la logistique sur un champ pétrolier du sud du pays, il gagne environ 2.500 dollars par mois. "Quand on va retirer notre salaire, ils nous en donnent une fraction seulement, par tranche".

Dernièrement, dit-il, la tendance penche de plus en plus vers le versement des salaires en dinars selon le taux officiel. "C'est un problème. Ca signifie que le salaire perd 20% de sa valeur en raison de la différence entre taux de change officiel et officieux", déplore-t-il. A partir de janvier, la Banque centrale imposera le dinar --plutôt que le dollar--  pour toute transaction commerciale et autres opérations à l'intérieur du pays.

"Souveraineté monétaire"

Si les dépôts en dollars existant peuvent être retirés normalement, promet la Banque centrale, à partir de 2024, tout virement de l'étranger sera encaissé en dinars, au taux de change officiel.

La question fait polémique, mais "ce sera la règle de base, dans le cadre de la souveraineté monétaire, même s'il y aura des exemptions", notamment les ambassades, indique à l'AFP le conseiller en politiques financières du Premier ministre, Mudher Salih.

"Nous consolidons la souveraineté monétaire. Nous ne pouvons pas accepter les opérations avec deux devises au sein de l'économie nationale", plaide M. Salih.

De même, les Hawala, système de transfert d'argent de gré à gré, sans trace bancaire, ne transfèrent plus de sommes en dollar, se limitant --officiellement-- à des virements en dinars selon le taux officiel.

Bagdad et son secteur bancaire ont adopté la plate-forme électronique SWIFT. Objectif: surveiller l'utilisation des dollars et mettre au pas une économie informelle florissante, importateurs et commerçants étant parfois tenté par l'évasion fiscale.

Le Premier ministre irakien, Mohamed Chia al-Soudani, avait reconnu qu'avec les nouvelles mesures, les quantités de devises fournies au marché avaient chuté de "200 ou 300 millions de dollars" par jour à "30, 40, 50 millions de dollars".

Un des "principaux facteurs" alimentant la demande de devises au marché parallèle reste "la contrebande de dollars vers des pays et des entités frappées de sanctions, notamment l'Iran et la Syrie", rappelle Hayder Al-Shakeri, chercheur du groupe de réflexion Chatham House.

En septembre, M. Soudani indiquait que les commerçants qui traitent avec l'Iran étaient contraints de se tourner vers le marché parallèle pour leurs devises, les sanctions empêchant justement les transferts bancaires. Il assurait toutefois que les banques centrales irakienne et iranienne discutaient d'un "mécanisme" pour "réguler le commerce", une mesure qui doit "briser l'échine du marché parallèle".

"Commerce illicite"

M. Shakeri cite aussi le "commerce illicite" de certains "produits fortement taxés", comme les cigarettes. Fin novembre, le gouvernement annonçait des facilités pour encourager les importateurs de cigarettes, de voitures, d'or et de téléphones portables à obtenir des devises via les canaux officiels.

Dans le cadre des échanges bilatéraux, les autorités encouragent aussi banques et importateurs à recourir à des devises alternatives comme l'euro, le dirham émirati, ou le Yuan chinois. "La situation financière de l'Irak est très solide", indique M. Salih, le conseiller gouvernemental, citant les réserves en devises étrangères qui ont atteint un sommet historique.

Pour protéger de l'inflation les 43 millions d'Irakiens, les importateurs peuvent obtenir des dollars au taux officiel, plus avantageux, ajoute-t-il. Cela concerne les produits alimentaires, les médicaments et les matériaux de construction.

Les voyageurs Irakiens sont aussi autorisés à retirer des dollars avant leur départ. Là encore, problème: la police a interpellé à l'aéroport plusieurs personnes en possession de dizaines de cartes de débit, utilisées pour retirer à l'étranger --au taux officiel-- des milliers de dollars, ensuite revendus au marché noir en Irak.

Employé du secteur pétrolier à Bassora, Al-Harith Hassan n'arrive plus depuis plusieurs mois à retirer librement son salaire en dollar de la banque. En Irak, où les autorités luttent contre le marché noir des devises, des restrictions pèsent sur les usages du billet vert.

Un paradoxe pour le pays riche en hydrocarbures, disposant de réserves...