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Économie - Crise

Harvard suggère de dollariser totalement l’économie libanaise

Un département de recherche au sein de Harvard a publié un rapport sur la crise économique et financière au Liban dont la première piste consisterait à dollariser totalement l'économie libanaise.

Harvard suggère de dollariser totalement l’économie libanaise

Le campus de l'Université Harvard en 2020. Photo d'archives. Maddie Meyer/AFP

Le Growth Lab de Harvard, un département de recherche pluridisciplinaire créé au sein de la prestigieuse université américaine, a publié mercredi un nouveau rapport sur la crise économique et financière au Liban, sans président depuis plus d'un an et dirigé par un gouvernement démissionnaire depuis mai 2022.

Le document détaille sur une trentaine de pages un plan de redressement « global » listant une série de quatre axes de travail qui permettraient au pays de sortir la crise, un exercice auquel se sont déjà livrés beaucoup d’experts et de responsables libanais.

La première de ces pistes consiste à dollariser totalement l’économie libanaise. « Compte tenu de la faible crédibilité du pouvoir politique du fait que l'économie et le système financier sont déjà fortement dollarisés de facto, nous estimons que la dollarisation officielle est la meilleure solution », assurent les auteurs du rapport.

Ils justifient leur approche en expliquant que le maintien d’un taux de change flottant avec une politique économique visant à maintenir le cap sur des niveaux d’inflation spécifiques à moyen terme dans une économie déjà fortement dollarisée contribuerait à entretenir l’instabilité de l’environnement macro-économique et « ralentirait » le redressement de l’économie.

Or, malgré ses attraits, la dollarisation totale d'un pays comme le Liban n'est pas sans contraintes et impliquerait notamment que son économie continue d'attirer un flux stable de devises pour éviter un effondrement, comme l'expliquait à L'Orient-Le Jour Jean-François Ponsot, professeur à l’Université Grenoble Alpes, dans un article paru en avril dernier. Les auteurs du rapport reconnaissent ce risque, ainsi que d'autres qu'ils énumèrent également - dont l'abandon de « l'autonomie financière » - , mais considèrent malgré tout que leur solution est la seule alternative viable pour le pays compte tenu des circonstances sur le plan financier et institutionnel. 

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Financiarisation des dépôts

Le deuxième pilier du plan du Growth Lab consiste à résoudre le problème de solvabilité de la Banque du Liban (BDL) et des banques du pays. Ses auteurs proposent pour cela de « convertir immédiatement 76 milliards de dollars d’engagements (donc de dettes) inscrits au bilan de la BDL et des banques » pour les mettre à la charge de l’État, tout en protégeant les dépôts inférieurs à une valeur allant entre 100.000 et 150.000 dollars.

La première étape de ce mécanisme consiste à financiariser ces engagements via des « certificats de restructuration provisoires » que les banques récupéreraient en acceptant d’oublier une partie de leurs créances vis-à-vis de la BDL. Les banques échangeraient ensuite une partie de ces mêmes certificats avec leurs plus grands déposants qui pourront alors se tourner vers l’État pour récupérer leurs dépôts sur le long terme. Ce type de solution a déjà été proposé par certains experts au Liban.

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En troisième lieu, les chercheurs du Growth Lab recommandent de restructurer la dette publique du Liban dans le cadre d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), auprès duquel le Liban tente d'obtenir une aide financière depuis 2020. La décote imposée aux créanciers sur les montants empruntés par l'État oscillerait entre 82% et 90%. La formule permettrait alors aux autorités libanaises d’approuver et d'exécuter des budgets à même d’atteindre un excédent primaire de 3 % d'ici à 2030 tout en prévoyant environ « 8 milliards de dollars de besoins de financement supplémentaires ».

L’excédent primaire équivaut aux recettes publiques moins les dépenses publiques mais sans les montants alloués au remboursement de la dette. Le Liban a fait défaut sur le remboursement de la partie en dollars de sa dette publique en 2020, laquelle pesait un bon tiers du total lorsque l’ancienne parité officielle de 1507,5 livres libanaises pour un dollar était en vigueur.

Enfin, le dernier pilier du plan de Harvard consiste à développer de nouveaux vecteurs de croissance économique, basée sur les produits à agricoles, le gaz naturel et les services à valeur ajoutée, en tirant notamment partie du développement du travail à distance dans le sillage du Covid-19. Les auteurs du rapport recommandent aussi d’investir pour moderniser et renforcer l’attractivité des infrastructures touristiques du pays.

Le Growth Lab de Harvard, un département de recherche pluridisciplinaire créé au sein de la prestigieuse université américaine, a publié mercredi un nouveau rapport sur la crise économique et financière au Liban, sans président depuis plus d'un an et dirigé par un gouvernement démissionnaire depuis mai 2022.Le document détaille sur une trentaine de pages un plan de redressement «...

commentaires (11)

Le bon sens, tout simplement.

Khoueiry Marc

15 h 25, le 01 décembre 2023

Tous les commentaires

Commentaires (11)

  • Le bon sens, tout simplement.

    Khoueiry Marc

    15 h 25, le 01 décembre 2023

  • La conclusion des élèves de Harvard seraient plausibles, seulement il y a comme un hic dans l’énoncé du problème qui les ont induits en erreur. Le Liban est gouverné par une milice armée et des corrompus qui font feu de tout bois pour faire fructifier leurs fortunes et non d’un gouvernement démissionnaire. Quelque soit la solution apportée à nos problèmes que ce soit financiers ou politiques est une mane pour eux pour en profiter avec leur familles et clans en laissant les citoyens sur le carreau. Alors une solution, chers génies de la finance?

    Sissi zayyat

    12 h 53, le 01 décembre 2023

  • Même avant l'effondrement de la livre libanaise, l'économie libanaise était fortement dollarisée. Donc de passer à l'étape suivante serait très facile. Par ailleurs, la dette libanaise est insoutenable et un haircut est indispensable. Evidemment qu'une solution de la crise est politique, mais elle est aussi économique, et le plan de restructuration du Growth Lab de Harvard est très sensée et serait bienvenue pour retrouver déjà une vie économique normale. Quant au politique, il y a aussi beaucoup à faire sur ce plan-là à commencer par déconfessionaliser et dégager la crasse politique actuelle.

    marwan el khoury

    10 h 28, le 01 décembre 2023

  • C’est le problème des technocrates. Soit ils sont myopes soit ils sont “dogmatisés” soit ils ont de mauvaises intentions. Le problème au Liban est politique, ainsi que sa solution. Ces plans sont risibles de bêtise et d’ignorance

    Mounir Doumani

    09 h 10, le 01 décembre 2023

  • L’économie libanaise est déjà dollarisée. On n’utilise plus les livres libanaises que pour payer la petite monnaie (les cents), le parking, Libanpost, et les impôts...

    Gros Gnon

    07 h 25, le 01 décembre 2023

  • Ils nous conseillent de dollariser notre economie ??? Mais, c'est precisement les dollars des Libanais que les mafieux miliciens, politichiens et banquiers ont vole. Et, aujourd'hui, la dollarisation est le 1er vecteur de blanchiment de l'argent sale et de l'argent vole. Alors ? Abrutis ou complices ???

    Michel Trad

    22 h 03, le 30 novembre 2023

  • Au fond l'idée est bonne mais le realpolitik ne le permet pas pour deux raisons essentielles. 1) Les USA voulaient assécher les USD du marché libanais pour priver les syriens et les iraniens d'en avoir accès. 2) l'Etat libanais ne peut pas imprimer de l'argent, il serait de facto incapable de payer les fonctionnaires et les autres frais.

    Céleste

    19 h 36, le 30 novembre 2023

  • Qu'ils paient leurs dettes et règlent leurs nombreux problèmes. D'ailleurs n'est -ce pas parce que le dollar est en perte de vitesse dans les pays du "sud global" qu'ils sentent le vent tourner et se cramponnent à leurs acquis? Et en premier lieu, ils feraient des économies s'ils arrêtaient de soutenir Israël dans ses crimes contre l'humanité.

    Politiquement incorrect(e)

    12 h 12, le 30 novembre 2023

  • Suite, Tout conseil venant de l’étranger reste valable comme nous ne sommes plus capables de réfléchir, nos politiciens encore moins. Pour rappel, conseil ne veut pas dire aide et subsides de l’étranger, qu’il soit libanais ou pas !

    TrucMuche

    11 h 14, le 30 novembre 2023

  • Des économistes libanais avaient tiré la sonnette d’alarme dans les années 1990 sur les dangers de la politique économique et financière que menait le gouvernement. Mais l’investisseur et/ou l’épargnant est aveugle, tout le monde était content et personne n’a voulu voir que la situation était pourrie, on appelle cela le déni ! La livre libanaise était déjà surévaluée à la fin des années 2000 mais le libanais de base disait que tout se passait bien.

    TrucMuche

    11 h 13, le 30 novembre 2023

  • Encore des experts qui viennent étaler leur science après la crise. Mais aucun de ces experts n’avait alerté les épargnants sur un éventuel sur leur épargne. C’est très facile de parler après pour dire qu’il faut voler les épargnants pour résoudre la crise. Que ces experts de Harvard se contentent de régler la question de la dette américaine et de la menace perpétuelle du défaut de paiement du gouvernement fédéral américain avant de se mêler des problèmes des autres. Mais c’est ça les américains, toujours prêts à donner des leçons aux autres avant d’être régler leurs propres problèmes

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 40, le 30 novembre 2023

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