Le Growth Lab de Harvard, un département de recherche pluridisciplinaire créé au sein de la prestigieuse université américaine, a publié mercredi un nouveau rapport sur la crise économique et financière au Liban, sans président depuis plus d'un an et dirigé par un gouvernement démissionnaire depuis mai 2022.
Le document détaille sur une trentaine de pages un plan de redressement « global » listant une série de quatre axes de travail qui permettraient au pays de sortir la crise, un exercice auquel se sont déjà livrés beaucoup d’experts et de responsables libanais.
La première de ces pistes consiste à dollariser totalement l’économie libanaise. « Compte tenu de la faible crédibilité du pouvoir politique du fait que l'économie et le système financier sont déjà fortement dollarisés de facto, nous estimons que la dollarisation officielle est la meilleure solution », assurent les auteurs du rapport.
Ils justifient leur approche en expliquant que le maintien d’un taux de change flottant avec une politique économique visant à maintenir le cap sur des niveaux d’inflation spécifiques à moyen terme dans une économie déjà fortement dollarisée contribuerait à entretenir l’instabilité de l’environnement macro-économique et « ralentirait » le redressement de l’économie.
Or, malgré ses attraits, la dollarisation totale d'un pays comme le Liban n'est pas sans contraintes et impliquerait notamment que son économie continue d'attirer un flux stable de devises pour éviter un effondrement, comme l'expliquait à L'Orient-Le Jour Jean-François Ponsot, professeur à l’Université Grenoble Alpes, dans un article paru en avril dernier. Les auteurs du rapport reconnaissent ce risque, ainsi que d'autres qu'ils énumèrent également - dont l'abandon de « l'autonomie financière » - , mais considèrent malgré tout que leur solution est la seule alternative viable pour le pays compte tenu des circonstances sur le plan financier et institutionnel.
Financiarisation des dépôts
Le deuxième pilier du plan du Growth Lab consiste à résoudre le problème de solvabilité de la Banque du Liban (BDL) et des banques du pays. Ses auteurs proposent pour cela de « convertir immédiatement 76 milliards de dollars d’engagements (donc de dettes) inscrits au bilan de la BDL et des banques » pour les mettre à la charge de l’État, tout en protégeant les dépôts inférieurs à une valeur allant entre 100.000 et 150.000 dollars.
La première étape de ce mécanisme consiste à financiariser ces engagements via des « certificats de restructuration provisoires » que les banques récupéreraient en acceptant d’oublier une partie de leurs créances vis-à-vis de la BDL. Les banques échangeraient ensuite une partie de ces mêmes certificats avec leurs plus grands déposants qui pourront alors se tourner vers l’État pour récupérer leurs dépôts sur le long terme. Ce type de solution a déjà été proposé par certains experts au Liban.
En troisième lieu, les chercheurs du Growth Lab recommandent de restructurer la dette publique du Liban dans le cadre d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), auprès duquel le Liban tente d'obtenir une aide financière depuis 2020. La décote imposée aux créanciers sur les montants empruntés par l'État oscillerait entre 82% et 90%. La formule permettrait alors aux autorités libanaises d’approuver et d'exécuter des budgets à même d’atteindre un excédent primaire de 3 % d'ici à 2030 tout en prévoyant environ « 8 milliards de dollars de besoins de financement supplémentaires ».
L’excédent primaire équivaut aux recettes publiques moins les dépenses publiques mais sans les montants alloués au remboursement de la dette. Le Liban a fait défaut sur le remboursement de la partie en dollars de sa dette publique en 2020, laquelle pesait un bon tiers du total lorsque l’ancienne parité officielle de 1507,5 livres libanaises pour un dollar était en vigueur.
Enfin, le dernier pilier du plan de Harvard consiste à développer de nouveaux vecteurs de croissance économique, basée sur les produits à agricoles, le gaz naturel et les services à valeur ajoutée, en tirant notamment partie du développement du travail à distance dans le sillage du Covid-19. Les auteurs du rapport recommandent aussi d’investir pour moderniser et renforcer l’attractivité des infrastructures touristiques du pays.
commentaires (11)
Le bon sens, tout simplement.
Khoueiry Marc
15 h 25, le 01 décembre 2023