Sean Rooney a été tué à plus de 4 000 kilomètres de son Irlande natale, alors qu'il participait à la mission internationale de maintien de la paix au Liban-Sud. La semaine dernière, son tueur présumé, un membre du Hezbollah, a été libéré par le tribunal militaire libanais. Au même moment, la même cour a émis un mandat de recherche à l'encontre de Layal Alekhtiar, journaliste libanaise de la chaîne al-Arabiya. Mme Alekhtiar n'a pas tué un soldat, ni mis à mal la diplomatie et les intérêts du Liban. Son « crime », c'est d'avoir interviewé pendant quelques minutes le porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee. Bienvenue au Liban du Hezbollah.
« Estez Avichay »
Certes, force est de constater que cette interview peut être assez problématique. Pour une grande partie de l'opinion publique, l'action de Layal Alekhtiar représente une forme de normalisation avec un État ennemi du Liban, qui plus est a tué plusieurs milliers de civils palestiniens à Gaza depuis le début de la guerre le 7 octobre dernier. Une démarche d'autant plus épineuse que la loi libanaise criminalise tout contact avec les Israéliens. On accuse également la journaliste d'avoir offert une plateforme à l'armée israélienne pour présenter sa vision des faits, sans contrepoids palestinien. On critique aussi le choix des mots de la jeune femme, qui a repris le très controversé nom officiel de « l'armée de défense israélienne ». Beaucoup l'ont même critiquée pour avoir appelé Avichay Adraee « estez » (monsieur), y voyant là un signe de respect à son égard.
En face, une partie de l'opinion publique conteste la criminalisation de cet exercice journalistique. En effet, un bon entretien peut permettre de mettre le général – ou tout autre officiel israélien – face à ses contradictions. Il suffit de voir certaines interviews sur d'autres chaînes panarabes qui ont mis à mal le narratif israélien. Après tout, c'est bien au micro d’al-Jazeera, porte-étendard de la cause palestinienne, que Danny Ayalon, haut diplomate proche du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, a maladroitement comparé l'action de son gouvernement à celle de Bachar el-Assad en Syrie. Dans son entretien, Layal Alekhtiar n'a pas manqué d'évoquer la mort de nombreux enfants aux mains de l'armée israélienne à Gaza, citant un officiel de l'ONU et mettant visiblement son invité mal à l'aise. Il ne faut pas non plus oublier que la journaliste travaille pour la chaîne saoudienne al-Arabiya et doit probablement respecter sa ligne éditoriale pour ne pas perdre son gagne-pain.
Virage liberticide
Certes, il y a matière à débat. Mais cela ne donne pas raison au Hezbollah de sortir les griffes. Dans les milieux du parti chiite, certains, dont le tristement célèbre ministre de la Culture Mohammad Mortada, ont même accusé Layal Alekhtiar de « trahison ». Un collectif d'avocats proche du Hezb s'est, quant à lui, empressé de porter plainte contre elle devant le tribunal militaire et non celui des imprimés, censé trancher sur les cas relatifs à l'exercice de métier de journaliste. La réalité, c'est que la question va au-delà d'une simple interview avec un officier israélien. Cette affaire est en effet le dernier exemple en date du virage liberticide inédit que prend le Liban depuis quelque temps, sous l'impulsion du Hezbollah. Après les homosexuels, les réfugiés syriens et les films de poupées, c'est le journalisme qui est la dernière victime des guéguerres de l'armée électronique du parti de Dieu. Preuve en est, après la fameuse interview d'Avichay Adraee, la campagne d'intimidation menée par l'armée électronique du Hezbollah visait d'autres journalistes critiques du parti, à l'instar de Dima Sadek (déjà condamnée à un an de prison par un juge proche de ces milieux). Ces figures n'ont jamais interviewé un Israélien, mais ont tout de même été accusées d'être « complices dans le massacre des enfants » de Gaza.
À l'heure où tout porte à croire qu'Israël cible sciemment les journalistes libanais et palestiniens qui couvrent la guerre à Gaza, le Hezbollah cherche lui aussi à criminaliser la critique à son encontre. En parallèle, il a tout fait pour libérer le premier suspect d'un (vrai) crime : Mohammad Ayad, le membre du parti qu'il avait lui-même remis aux autorités suite au meurtre de Sean Rooney à Aaqibiyé. Une libération qui sonne comme un message musclé à la Finul et une volonté de remettre en question la légitimité de résolution 1701 du Conseil de sécurité, que le Liban officiel dit soutenir de toutes ses forces et qui prévoit notamment le retrait du parti chiite au nord du Litani. Tant pis si cette action déstabilise encore plus la région frontalière en affaiblissant la force onusienne et augmente le risque de guerre destructrice pour le pays. Au Liban de Hassan Nasrallah, la vraie criminelle, c'est... Layal Alekhtiar !
commentaires (12)
commentaires (3) - LAYAL ALIKHTIAR EST NIEE, - POUR *L,ISTEZ* D.AVICHAY ADRAEE. - DANS UNE INTERVIEW TELEVISEE, - ET DE SIONISTE ELLE EST FRAPPEE. - BON ! ET HOCHSTEIN ? QU,EN EST-IL DE CEUX, - QUI L,ACCUEILLENT DANS LEURS BRAS HEUREUX ? - L,EX KIBBOUTZISTE EST ENCENSE MEME, - PAR L,IMBERBE ET LE BARBU. DILEMME ! - CHACUN D,EUX SE COMPORTE EN GRAND STAR. - HARO SUR LAYAL ALIKHTIAR. LA LIBRE EXPRESSION. VERITES ! EQUITE ! 15 h 00, le 21 novembre 2023
LA LIBRE EXPRESSION
15 h 10, le 21 novembre 2023