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Société - Hamas / Israël

Guerre Israël - Hamas, tension au Liban-Sud : quelques conseils pour gérer l'inquiétude et l'anxiété

Les psychologues libanais Nayla Karamé-Majdalani et Albert Moukheiber donnent quelques conseils pour traverser cette période d'incertitudes.

Guerre Israël - Hamas, tension au Liban-Sud : quelques conseils pour gérer l'inquiétude et l'anxiété

Alors que les affrontements sont quotidiens entre le Hezbollah et l'armée israélienne, nombreux sont ceux, au Liban, qui ressentent une vive inquiétude. Photo d'illustration João Sousa

Depuis le déclenchement de la guerre entre le Hamas et Israël le 7 octobre, chaque jour qui passe fait craindre un embrasement régional avec, en première ligne, l’ouverture d’un front à la frontière libano-israélienne. Bien que la diplomatie internationale multiplie les mises en garde contre tout dérapage, les discours belliqueux de part et d’autre se poursuivent. « Si le Hezbollah intervient, la dévastation sera inimaginable », disait encore, ce mardi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Dans ce contexte délétère qui vient peser sur un Liban en crise économique depuis quatre ans et se remettant à peine du traumatisme de l’explosion du 4 août 2020 au port de la capitale, nombreux sont ceux qui, à travers le pays, sont en proie à l'inquiétude, à l'anxiété, voire à l'angoisse.

Face à cette situation sur laquelle les citoyens n'ont aucun contrôle, face au flux d’informations en continu et aux images violentes qui circulent au quotidien, comment prendre soin de soi et de sa santé mentale ?

L’OLJ a posé la question à Nayla Karamé-Majdalani et Albert Moukheiber, deux psychologues libanais pratiquant respectivement au Liban et en France. Voici leurs conseils :

Agir sur son propre environnement

Vous n’allez pas bien ? C’est normal. « Dans une situation d’incertitude extrême, on a du mal à prédire et à se projeter, car on ne sait pas ce qu’il va se passer, donc on ne va pas bien », explique Albert Moukheiber. Cette incertitude suscite de l’inquiétude, basée sur un danger non pas réel mais probable : « Le danger existe, mais il faut rester dans le moment présent : maintenant, il n’y a pas de guerre (au Liban) », dit Nayla Karamé-Majdalani. Si aucun d’entre nous ne peut changer le cours des événements et leurs conséquences présentes et à venir, chacun peut agir sur son environnement proche afin de contenir ses propres inquiétudes.

Pour cela, voici quelques pistes à explorer :

- Vivre l’instant présent, continuer à mener sa vie aussi normalement que possible ;

- Élaborer un plan B : faire le plein de denrées essentielles ou envisager un logement de secours au cas où ;

- Avoir une bonne hygiène numérique : éteindre les notifications ; couper les groupes WhatsApp ; se ménager des plages horaires sans réseaux sociaux ; éviter le « doom-scrolling » (consommation compulsive d'informations inquiétantes) ; et, pour les plus déterminés, désinstaller certaines applications ;

- Ne pas rester seul : aller au travail, voir des amis, sortir, être en contact avec ses proches ;

- Avoir des activités : faire du sport, se divertir, cuisiner, lire, regarder des films, etc.

« Il faut s’occuper afin d’éviter à notre esprit de passer son temps à construire des scénarios catastrophe et de se laisser aller à des ruminations anxiogènes et inutiles », résume Nayla Karamé-Majdalani. Ces films que l’on se crée, suscités par nos peurs, peuvent parfois mener à la crise d’angoisse, soit une perte totale de contrôle. Dans ces moments-là, si l’idéal reste de consulter un spécialiste, la solution est aussi d’être entouré, car « ce sont les autres qui vont nous aider », assure Albert Moukheiber, ajoutant à sa prescription des exercices de respiration ou de relaxation comme le yoga.

Informer les enfants

Même si la réalité fait peur, donner l'espace aux enfants de parler est rassurant et constructif. « Ce qui inquiète l’enfant, c’est de ne pas avoir de réponse. Cacher la réalité le pousse à chercher des réponses auprès d'autres personnes qui n'ont pas nécessairement les capacités de contenir ses peurs et inquiétudes », explique Nayla Karamé-Majdalani. Ainsi, si un enfant interroge, il faut systématiquement lui apporter une réponse. C’est aussi l’occasion d’instaurer un dialogue plus large en fonction de son âge :

- Contextualiser, raconter par exemple l'histoire d'Israël et de la Palestine ;

- Rassurer, présenter les éventuels plans B, montrer que l’on fait preuve de prudence ;

- Ne pas demander « pourquoi tu poses cette question ? », mais tout simplement répondre ;

- Prendre au sérieux : ne pas cacher, mentir, éviter ou changer de sujet ;

- Protéger des images et vidéos violentes ;

« Si l’enfant pose une question, c’est que quelque chose dans son espace mental se passe ; il faut s’en occuper », précise Albert Moukheiber. Lorsque l’enfant cesse de poser des questions, alors l’adulte doit cesser de donner des informations. « L’enfant doit pouvoir avoir recours à ses parents. S’il obtient une réponse, et qu’il en a peur, on lui donne alors l’occasion de la partager et donc de le rassurer », résume Nayla Karamé-Majdalani.

Et quand on est loin ?

« Quand on est loin, on est moins dans l’action. Par réflexe, on va faire des choses uniquement pour se rassurer face à notre impuissance », explique Albert Moukheiber. Cela peut passer par le fait d’être constamment sur son téléphone ou de ne parler que de la situation avec tout le monde. Le mieux à faire quand on est à l’étranger avec des proches au Liban est de se ménager des plages horaires où l’on s’informe, sans s’exposer constamment à l’actualité. Maintenir le contact avec les proches va de pair avec le fait de reconnaître que, là où l’on se trouve, on ne peut « que » être disponible pour leur parler. À l’inverse, si l’on se trouve au Liban et que les proches sont à l’étranger, l’essentiel est de rassurer. Il faut répondre aux messages, éviter de laisser passer plusieurs heures sans réponse et tenter d’expliquer le plus possible. Être loin est difficile si on est trop ou peu informé : tout est une question de mesure.

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« La majorité d’entre nous a déjà vécu une guerre, tous ces réflexes sont donc adaptés à la situation actuelle », souligne Albert Moukheiber. L’idée est malgré tout de ne pas tomber dans l’hypervigilance : savoir qu’une roquette est tombée à telle heure ne donne pas davantage de contrôle sur la situation. « S’il y a une attaque, tout le monde le saura », résume Nayla Karamé-Majdalani. Et de conclure : « Les Libanais sont paradoxaux : quand il n’y a pas la guerre, ils créent la panique. Mais en pleine guerre, ils ont une incroyable capacité à faire face. »

Depuis le déclenchement de la guerre entre le Hamas et Israël le 7 octobre, chaque jour qui passe fait craindre un embrasement régional avec, en première ligne, l’ouverture d’un front à la frontière libano-israélienne. Bien que la diplomatie internationale multiplie les mises en garde contre tout dérapage, les discours belliqueux de part et d’autre se poursuivent. « Si...

commentaires (1)

Article original mais ô combien précieux pour le citoyen lambda sur le terrain. Comme on le dit, une idée ne se chasse que par une autre idée. Donc effectivement première urgence lorsqu’on est submergé par l’actu: faire une activité qui nous oblige à penser à carrément autre chose. Puis ce n’est qu’à froid qu’on peut alors revenir dessus, mais avant tout en contextualisant. Et notre qualité nationale de résilience fera le reste..

Citoyen libanais

16 h 03, le 24 octobre 2023

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Commentaires (1)

  • Article original mais ô combien précieux pour le citoyen lambda sur le terrain. Comme on le dit, une idée ne se chasse que par une autre idée. Donc effectivement première urgence lorsqu’on est submergé par l’actu: faire une activité qui nous oblige à penser à carrément autre chose. Puis ce n’est qu’à froid qu’on peut alors revenir dessus, mais avant tout en contextualisant. Et notre qualité nationale de résilience fera le reste..

    Citoyen libanais

    16 h 03, le 24 octobre 2023

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