
Un voyage de rêve. Photo DR
J’ai quitté le Liban en 1973 pour Montréal afin d’y compléter pendant cinq ans ma spécialisation en médecine, avec l’intention, bien sûr, de revenir. Deux ans plus tard, la guerre civile éclata. Je me suis dit : « Ce n’est pas grave, ça va durer quelques mois, tout va être réglé et je vais pouvoir rentrer sans problème… » 15 ans plus tard, à la fin officielle de cette guerre civile en 1990, j’étais toujours à Montréal, marié à une Québécoise. J’avais un boulot, une maison et deux beaux enfants.
Et me voilà en 2023 avec sept petits-enfants âgés entre 10 mois et 14 ans. À ma grande surprise, au début de l’année, les plus âgés de mes petits-enfants ont manifesté le désir d’aller visiter le Liban en famille. Première réaction : la panique. Comment organiser un voyage sécurisé au Liban, incluant hôtels, transport, itinéraire et activités, qui plaise aux jeunes et aux moins jeunes pour 13 personnes (six adultes, six enfants et un bébé) ? J’en ai parlé à des amis restés au Liban, ils m’ont donné le nom de Nada qui gère un site de tours guidés au Liban. J’ai pris contact avec elle…
Et le voyage peut débuter. Le 23 juin 2023, nous débarquons avec toute la famille à Beyrouth. Suite à quelques péripéties, nous sommes arrivés à 22h à la première maison d’hôtes à Chabtine, pensant nous coucher au plus vite. Eh bien non ! Un vrai festin, préparé par Nana, nous attendait dans le jardin. Croyez-le ou non, nous nous sommes régalés.
Une récolte fructueuse. Photo DR
Le lendemain, baignade à Tabarja, comme au bon vieux temps, suivi d’une tournée de Jbeil (Byblos) et de Batroun où nous avons été contaminés par l’épidémie de tuk-tuks.
J’ai sillonné le Liban pendant 26 ans sans jamais réaliser la beauté de la route de Laklouk et Aaqoura. Les bassins d’eau, alimentés par la fonte des neiges, et les sommets rocheux environnants que les jeunes (et certains moins jeunes) ont grimpés avec vaillance.
Les mêmes braves se sont improvisés spéléologues, avec casque et lampe frontale, pour explorer, avec deux jeunes guides, la grotte de Rweiss.
J’ai pu redécouvrir Baalbeck sous un autre angle : Nada a réussi, entre autres, à intéresser les plus jeunes en les faisant participer à un jeu-questionnaire : quelles sont les plus grosses pierres à l’entrée du site ; trouver la preuve que le temple de Baalbeck est resté inachevé ; mesurer en pas la longueur des trois grosses pierres situées à l’extrémité occidentale du temple.
À la sortie du temple, en guise de récompense pour les points accumulés, Nada a offert à chaque enfant un keffieh qu’ils ont porté pour le restant du voyage.
À Saghbine, les jeunes ont fabriqué et dégusté leurs propres pizzas au thym, à la viande, au fromage, au kechek, etc. dans une boulangerie artisanale tenue par une petite famille. Nous sommes repartis avec de quoi subsister longtemps.
Pour compléter leur stage agroalimentaire, les enfants ont pu traire des chèvres (avec plus ou moins de succès…), ils ont fait un tour de tracteur et sont revenus avec une récolte abondante de pommes, de pêches, d’abricots et d’amandes vertes que nous avons dégustés. Chaque famille est repartie avec un pot de confiture aux abricots cuits devant nous sur charbon de bois.
Comme ce n’était pas assez, nous avons assisté à la fabrication et avons dégusté du fromage baladi, du akkawi et du double-crème dans une fromagerie locale.
Et pour terminer en beauté cette journée gastronomique, dîner chez l’habitant à Kherbet Anafar avec au menu kebbé la’tine à base de citrouille, bourghol et noix, awarma et shish barak.
La visite du palais de Beiteddine et de son musée de foussaïfoussa’ (mosaïques) fut l’occasion pour un exercice de prononciation pour tous. Il fallait insister sur les dernières lettres qui devaient sortir du fond de la gorge.
Nous avons aussi appris un autre mot : « moucharabieh » (fenêtres en saillie avec vitraux pour les dames). Les enfants en ont fait une charade (mon premier n’est pas solide, mon deuxième n’est pas un chien, mon troisième craint les chats, mon quatrième est laissé au choix des adultes...).
La journée s’est achevée par une visite à la « Khetyara », un cèdre âgé de 2 500 ans dans la forêt du Barouk.
Pour perdre les calories accumulées la veille, Nada nous amène dans un refuge d’animaux sauvés de maltraitance par des amoureux de la nature à Maasser el-Chouf. Les enfants font, entre autres, des tours à dos d’âne et courent derrière des oies.
À Deir el-Qamar, le parfum du jasmin (yasmine) qui embaume les ruelles réveille en moi de vieux souvenirs de notre jardin à Beyrouth.
Malgré les boutiques fermées à Saïda pour la fête d’al-Adha, les enfants ont réussi à en dénicher certaines pour faire dépenser les parents en « bébelles ». Pour compenser, la visite du palais Debbané, que je ne connaissais pas, fut sérieuse et silencieuse.
Enfin, une vraie journée de vacances à Sour (Tyr) à l’occasion d’une très belle et longue baignade dans la mer Méditerranée avec une eau chaude et du sable fin…
La visite tant attendue de la grotte de Jeita fut malheureusement écourtée pour des raisons techniques et un manque de personnel. Mais la baignade à l’ATCL de Kaslik nous a ravigotés ainsi que la dégustation des petites fleurs en pâte d’amande fabriquées par les religieuses du couvent Notre-Dame des Champs à Dlebta.
Nous avons gardé la visite de Beyrouth pour la dernière journée. On ne pouvait passer à côté du drame du port. Nous avons parcouru à pied le centre-ville où l’ancien et le nouveau se côtoient, incluant le Parlement libanais et la place de l’Étoile (déserte dans une zone barricadée). Par contre, Raouché a montré la beauté de la nature. La cathédrale Saint-Georges, la mosquée al-Amine et la place des Martyrs sont des preuves de tolérance, de résistance et de coexistence.
En conclusion, nous avons fait un voyage de rêve et cela grâce à Nada, une femme polyvalente passionnée et motivée. Elle a su, avec Joëlle sa complice, mettre sur pied une entreprise de tourisme alternatif dont la vocation première est sociale et humanitaire. Elles favorisent et soutiennent les petites entreprises dans les régions et les villages, surtout celles appartenant à des femmes. Elles nous font découvrir la beauté des différentes régions du Liban, la générosité de ses habitants et leur accueil chaleureux. Merci.
Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.
commentaires (2)
"Je m'appelle Rose et cet été je suis partie en voyage au Liban. J'ai adoré ça et c'est l'un de mes voyages préférés. C'est sûr qu'au début c'était un petit peu dépaysant, ça ne ressemblait pas du tout au Québec. Je n'avais jamais vu un olivier planté dans la cour de quelqu'un auparavant. Au fils des jours mon voyage n'a fait que s'améliorer; des paysages plus beaux les uns que les autres et des activités tellement amusantes. Si vous me demandez laquelle a été ma préférée je vous répondrais sans hésiter la visite des temples de Jupiter et de Bacchus. Pendant mon voyage au Liban je ne les ai pas reconnus mais maintenant que je m'intéresse à la mythologie j'en comprend mieux l'histoire. Bref, j'ai adoré le Liban car j'ai vu et goûté à pleins de nouvelles choses, en plus, j'ai adoré voyager dans un autobus privé. Honnêtement, je vous suggère vraiment d'aller visiter le Liban."
Helou Nelly
20 h 58, le 28 septembre 2023