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Société - Liban-Nord

Bâtiments à risque à Tripoli : une chronologie des destructions

L'Orient Today explique les causes sous-jacentes au phénomène d'effondrement des bâtiments anciens de la capitale du Liban-Nord. 

Bâtiments à risque à Tripoli : une chronologie des destructions

Un bâtiment partiellement effondré à Tripoli, le 21 septembre 2023. Photo Joao Sousa

Quelque 700 bâtiments risquent de s'effondrer, pour différentes raisons, à Tripoli, a mis en garde à L'Orient Today un membre du conseil municipal de la grande ville du Liban-Nord, qui abrite le plus grand nombre d'édifices touchés par la guerre civile au Liban et n'ayant jamais été entièrement réparés, une situation qui met régulièrement les habitants à risque face aux effondrements.

Rien que sur l'année écoulée, Tripoli a connu un certain nombre d'incidents, au cours desquels des pans de bâtiments, plafonds et murs se sont effondrés sur des tripolitains, un problème qui a atteint son paroxysme en février, après le tremblement de terre dévastateur qui a frappé le sud de la Turquie et provoqué une onde de choc au Liban. Les habitants avaient fait part à L'Orient Today de leurs inquiétudes quant à l'intégrité structurelle de leurs maisons et exprimé leur crainte que les fissures apparues après le séisme n'aient pas été correctement réparées par les autorités municipales.

Voici un rappel de l'évolution du problème au cours des dernières années :

8 février 2023 : Le ministre sortant de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui, appelle les municipalités à évaluer les bâtiments et les zones touchés par le séisme. 

6 février 2023 : Omar Barakat, qui vit dans une vieille bâtisse de Tripoli, se fracture le poignet lorsqu'une partie du toit de sa maison s'effondre, alors qu'il y vérifiait une citerne. Il ne sait pas si la chute est due aux fortes tempêtes ayant frappé le Liban les jours précédents ou au tremblement de terre.


Omar Barakat, et son poignet fracturé, à Tripoli, en février 2023. Photo João Sousa

En février, le tremblement de terre en Turquie, ainsi que plusieurs séismes et répliques sismiques moins intenses qui se sont produits au Liban, ont endommagé et fissuré de nombreux bâtiments à Tripoli, selon les habitants.

8 novembre 2022 : un homme meurt lorsqu'un mur s'effondre dans le quartier d'el-Maloula.

2 novembre 2022 : Maguy Mahmoud, 16 ans, trouve la mort lorsque s'écroule le plafond de sa classe, dans une école de Jabal Mohsen. Le bâtiment, qui date de l'ère ottomane, est l'une des nombreuses structures délabrées de la ville. Peu après, la commission parlementaire des Travaux publics, des Transports, de l'Énergie et de l'Eau crée une sous-commission chargée de repérer les bâtiments qui risquent de s'effondrer.

26 juin 2022 : un immeuble de quatre étages s'effondre dans le quartier de Bab el-Tebbané, causant la mort de Joumana Diko, âgée de quatre ans. L'incident fait plusieurs blessés, dont la mère de la victime, Lina Kammoun, qui est extraite des décombres.

Octobre 2021 : deux sœurs perdent la vie dans l'effondrement du balcon d'un bâtiment résidentiel de Qobbé.

Décembre 2019 : Abdel Rahman Kakhiyé, 21 ans, et sa sœur Rama, 18 ans, meurent dans l'effondrement de l'immeuble el-Faoual à Mina, un quartier de la ville qui dispose d'une municipalité distincte. Des manifestants en colère se dirigent vers la municipalité de Mina et la résidence du maire de Mina, Abdelkader Alameddine, qu'ils accusent de négligence.

Qu'est-ce qui a été fait jusqu'à présent pour remédier à ce problème récurrent ?

Le 8 février dernier, le ministre Maoulaoui, a lancé un appel urgent aux municipalités pour qu'elles procèdent à une évaluation des bâtiments et des zones touchés par le tremblement de terre. Il leur a demandé d'identifier les bâtiments présentant des problèmes structurels, des fuites et des glissements de terrain, et annoncé son intention d'impliquer les Ordres des ingénieurs de Beyrouth et de Tripoli pour superviser les réparations ou le renforcement des constructions et des routes endommagées. M. Maoulaoui a encore demandé aux municipalités de fournir un rapport complet au Haut Comité de secours détaillant les structures atteintes non réparées et les glissements de terrain non nettoyés, ainsi qu'une estimation des coûts d'entretien.


Une vieille bâtisse de Tripoli. Photo João Sousa

Quels sont les risques ?

« Plus de 16 260 bâtiments risquent de s'effondrer dans tout le pays », a déclaré Andira el-Zouhairi, présidente de l'Association libanaise des propriétés, à notre publication anglophone, précisant que ces chiffres « approximatifs et non définitifs » avaient été enregistrés avant l'explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020. Mme Zouhairi a ajouté que 4 000 bâtiments risquent de s'écrouler dans l'ensemble du gouvernorat de Tripoli et du Liban-Nord, tandis que 10 460 sont menacés à Beyrouth.

En l'absence d'un consensus formel, ces chiffres doivent être considérés comme des approximations. Néanmoins, il existe des preuves indéniables qu'un nombre important de bâtiments présentent des défaillances structurelles, à travers le pays.

Khaled Tadmori, membre du conseil municipal de Tripoli et président de la sous-commission du patrimoine et des monuments historiques de la municipalité, a déclaré que la municipalité a trouvé « environ 700 bâtiments » qui risquent de s'effondrer dans la seule ville de Tripoli. Il a précisé que les chiffres avancés par l'évaluation étaient approximatifs.


A l'intérieur d'une vieille maison de Tripoli, en février 2023. Photo João Sousa

La municipalité de Tripoli a émis des ordres d'évacuation à l'intention de certains habitants de la région, mais en raison de la grave pénurie de logements à des prix abordables, les résidents peinent à respecter ces ordres. Certains résidents de bâtiments à risque ont été évacués, placés dans des abris ou ont reçu une aide financière temporaire pour payer leur loyer, a indiqué M. Tadmori.

Se référant à une étude « non finalisée » menée par la municipalité de Tripoli sur les bâtiments présentant un risque d'effondrement, Mme Zouhairi a précisé qu'ils « ont été classés comme insalubres et évacués ». Elle a ajouté que les bâtiments à risque, y compris les écoles et les immeubles résidentiels, se trouvent dans des zones peuplées et représentent un danger car ils sont généralement adjacents à d'autres autres.

Récupération après le tremblement de terre

Mme Zouhairi a affirmé que certains bâtiments de Tripoli ont été réhabilités, bien que « lentement », après le tremblement de terre, « mais pas de la manière dont cela aurait dû être fait - les autorités n'ont fait que du rafistolage ». « C'est pire parce qu'il est désormais plus difficile pour les architectes d'établir la distinction entre les bâtiments à risque et ceux qui ne le sont pas - le rafistolage a réduit les défauts qui auraient pu être détectés pour déterminer si un bâtiment est à risque ou pas », a-t-elle dit, en soulignant que « les fondations, la qualité du ciment, l'âge et l'emplacement de la structure doivent être examinés et faire l'objet d'un rapport ».

Selon elle, la crise économique qui sévit depuis 2019 a accru la probabilité d'effondrement des bâtiments dans la ville, en raison des dépenses élevées liées aux matériaux de construction, combinées à des revenus insuffisants.

Le changement climatique

Mme Zouhairi a évoqué, en outre, d'autres facteurs susceptibles d'avoir un impact sur la structure des bâtiments, notamment le changement climatique, qui pourrait affecter ceux de plus de 80 ans. En effet, des éléments cruciaux influençant la structure, tels que la température, les précipitations, le vent et la lumière du soleil, ont changé et les vieilles bâtisses pourraient ne pas être en mesure d'y résister. D'autre part, l'experte a dit craindre l'impact des pluies attendues à l'approche de l'hiver, « d'autant plus que les gouttières et les égouts des villes libanaises ne sont pas correctement entretenus ». Enfin, de nombreux habitants de Tripoli ne savent pas comment signaler les bâtiments à risque ou se tenir à l'écart lorsque les structures s'effondrent, a estimé Mme Zouhairi. « Souvent, les gens se rassemblent à côté d'un bâtiment sur le point de s'effondrer ».

Quelque 700 bâtiments risquent de s'effondrer, pour différentes raisons, à Tripoli, a mis en garde à L'Orient Today un membre du conseil municipal de la grande ville du Liban-Nord, qui abrite le plus grand nombre d'édifices touchés par la guerre civile au Liban et n'ayant jamais été entièrement réparés, une situation qui met régulièrement les habitants à risque face aux...

commentaires (1)

Un architecte ne sait pas évaluer les risques. C’est aux ingénieurs de faire ce travail.

Emmanuel Durand

08 h 29, le 26 septembre 2023

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Commentaires (1)

  • Un architecte ne sait pas évaluer les risques. C’est aux ingénieurs de faire ce travail.

    Emmanuel Durand

    08 h 29, le 26 septembre 2023

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