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Culture - Photo

Robe de mariée, voile et cheveux dans le viseur de Clara Abi Nader

Deux séries photographiques de l’artiste libanaise ont été exposées récemment avec succès en France et en Allemagne. Tout en préparant une exposition collective à Beyrouth début octobre, Clara Abi Nader poursuit un travail de longue haleine sur la façon dont le regard d’autrui nous modèle.

Robe de mariée, voile et cheveux dans le viseur de Clara Abi Nader

Une série photographique de Clara Abi Nader autour des cheveux. Photo DR

Fin août, la photographe libanaise installée à Paris depuis une dizaine d’années a été invitée à la galerie Art Space de Bremerhaven pour présenter son travail sur La Mariée.

Clara Abi Nader est partie d’un photoshoot réalisé avec Mohammad Abdouni en 2019, où il l’a photographiée à plusieurs reprises en robe de mariée. « En 2021, alors que la saison du mariage battait son plein au Liban, et que je ne cessais de voir des photos de fêtes grandioses, j’ai décidé de poster une des photos de mon shooting sur Instagram, curieuse de voir les réactions qu’elle allait susciter. Ce qui m’a frappée, c’est que des gens dont je n’avais pas eu de nouvelles depuis l’école primaire m’ont directement écrit, pour me féliciter, comme si j’étais enfin entrée dans un cycle qui me rendait moins étrange, j’allais poursuivre le chemin avec les enfants, l’appartement… Certains se sont réjouis que j’aie enfin trouvé l’amour, comme si le mariage en était la seule preuve », constate Clara Abi Nader, qui avait quelques appréhensions au moment de cette expérience.

Clara Abi Nader pose avec son portrait en robe de mariée. Photo DR

« Mes amis proches ont d’emblée saisi ma démarche artistique et réflexive, mais au départ, j’ai eu peur que des gens croient que j’étais en train de me moquer d’eux ou de critiquer le mariage : ce n’est pas le cas, ce que je pointe du doigt, c’est la pression sociale sur les femmes, notamment libanaises, lorsqu’elles ne sont pas mariées après 30 ans, et surtout lorsqu’elles n’en ont pas envie ! » explique la jeune femme, qui a construit une vidéo avec Mansour Aoun pour accompagner et expliciter sa série sur La Mariée, virtuelle et sans conjoint.

« Je me suis amusée à retravailler les photos du shooting avec l’idée de déconstruire l’image de la mariée. L’une d’elles est élaborée comme un puzzle, je l’ai imprimée sur du bois, et on peut changer l’expression du visage, qui passe du grand sourire à une manifestation de fatigue… ou d’ennui, je penche pour la seconde option ! » poursuit l’artiste en riant. « J’ai aussi imaginé un autoportrait où je ne suis vêtue que d’un voile, représenté sur une plaque de verre, selon le principe du cyanotype. On peut le regarder avec une loupe, qui permet de distinguer ma silhouette en arrière-plan. L’idée est de jouer avec la symbolique du voile, censé dissimuler le visage de la femme, tout en étant un tissu transparent et sensuel. Il y a aussi une grande impression centrale, qui fait ma taille, 163 cm, basée sur deux photos du shoot : la première est celle que j’ai mise sur Instagram, et sur l’autre on voit ma tête un peu penchée, elle fait penser à une poupée plutôt cassée », décrit Clara Abi Nader, à la fois amusée et désabusée. Les visiteurs allemands ont été sensibles à ce travail, les femmes en particulier. « Plusieurs d’entre elles ont évoqué la pression sociale qu’elles avaient connue, et certaines m’ont confié qu’elles regrettaient de s’être mariées ! C’était touchant de voir à quel point ce sujet est délicat dans toutes les sociétés », constate l’artiste.

Les cheveux, comme du linge étendu sur un fil

Le week-end du 2 et 3 septembre, Clara Abi Nader a exposé une autre de ses séries au Cellier de Clairvaux, à Dijon, dans le cadre du festival féministe Les Effrénées. « Mon projet “On Hair (& women)” a débuté en 2014, il concerne des portraits de femmes mais aussi de personnes trans et non binaires, qui ont perdu leurs cheveux à la suite d’une maladie ou d’un traumatisme. L’idée est d’incarner l’importance du cheveu dans la construction de l’identité. J’ai grandi dans un contexte où les longs cheveux noirs, lisses et brillants étaient valorisés, ce n’était pas du tout mon style, et en traitant un sujet qui me tenait à cœur, j’ai essayé d’inclure le plus de personnes possible », précise la photographe, qui s’est aussi intéressée au parcours des personnes rencontrées.

« J’ai voulu comprendre ce qui a été vécu par ces personnes, et de quelle façon leur vie professionnelle, sociale, affective a été touchée. À partir de ces échanges que j’ai enregistrés, j’ai réalisé des vidéos qui accompagnent l’accrochage de manière sonore. Certaines photos sont prises dans la rue, de dos, pour préserver l’anonymat. Ce projet est toujours en cours et je souhaite élargir le plus possible l’origine des personnes représentées », prévoit l’artiste, qui a opté pour un accrochage simple et léger, comme du linge étendu sur un fil, pour laisser ses photos flotter, « afin de les accompagner à dévoiler un traumatisme, sans honte ni peur ».

Des clichés de Clara Abi Nader seront exposés au Liban dans le cadre d’une exposition collective, autour du livre Le Liban n’a pas d’âge, édité par Bernard Chauveau en 2021. Le vernissage aura lieu le 3 octobre, au cours du festival du livre, à la Bibliothèque orientale, et l’exposition se poursuivra jusqu’ au 17 novembre. « Je présenterai 3 images de paysages de la côte libanaise, tirées de mon travail “Au Retour” qui a déjà été exposé plusieurs fois. L’une d’elles a été prise à Selaata, une localité industrielle de bord de mer. Au loin, des palmiers, puis une terre vierge qui semble brûler, avec en arrière-plan la fumée des usines qui remplit le ciel. Une autre représente Tabarja et ses serres de bananiers, derrière des fils de fer qui semblent rappeler que l’espace côtier est cadenassé », évoque la photographe qui affectionne les projets au long cours, et dont le travail est accessible sur Instagram et sur son site.

Une vue de l’exposition « On Hair (& women) » à Dijon. Photo DR

Fin août, la photographe libanaise installée à Paris depuis une dizaine d’années a été invitée à la galerie Art Space de Bremerhaven pour présenter son travail sur La Mariée. Clara Abi Nader est partie d’un photoshoot réalisé avec Mohammad Abdouni en 2019, où il l’a photographiée à plusieurs reprises en robe de mariée. « En 2021, alors que la saison du mariage...

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