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Environnement - Repère

Piles, médicaments, textiles... : comment s'en débarrasser au Liban ?

On aurait tort de penser que les ordures ménagères sont toujours bénignes : voici un inventaire non exhaustif des produits potentiellement à risques et comment s’en débarrasser.

Les déchets électroniques, un vrai casse-tête des temps modernes. Photo d'illustration Bigstock

Pollution des sols, eau insalubre, air vicié… La bombe à retardement des déchets ménagers est mondiale, mais au Liban elle est particulièrement inquiétante, faute d’infrastructures adaptées et de sensibilisation. Des foyers et bureaux sortent des produits parfois toxiques, inflammables, corrosifs… qu’il vaudrait mieux ne pas retrouver dans la nature, et qui finissent dans les décharges officielles ou sauvages. Voici un aperçu de ces types de déchets qui méritent une attention particulière, avec certaines solutions présentes au Liban, souvent le fruit d’initiatives privées ou associatives.

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Déchets électroniques, piles et batteries

- Quelle dangerosité ? Ces articles incluent les ordinateurs ou téléphones usagés, les appareils électroniques de tous types, sans compter bien sûr les piles en fin de vie et les batteries des voitures individuelles. Selon Samar Khalil, experte en gestion environnementale, le risque qui découle de ces déchets est lié aux métaux lourds (lithium, mercure…) et autres produits très toxiques et/ou inflammables qu’ils contiennent, et qui représentent un risque environnemental et sanitaire certain s’ils se libèrent dans la nature. Ils peuvent contaminer l’eau, le sol ou les autres détritus dans les décharges, ou alors libérer des relents toxiques en cas d’incinération sauvage, représentant un risque aigu de maladies respiratoires.

- Quel est le traitement recommandé ? Au niveau des politiques nationales, Samar Khalil évoque certaines mesures à prendre à l’importation, qui privilégient la reprise de ces appareils en fin de vie par les pays producteurs. On peut également les démanteler et les recycler sur place, en prenant les précautions nécessaires, ce qui requiert une certaine spécialisation.

- Quelles solutions existent au Liban ? Il existe des ONG et des entreprises qui accueillent ce type de déchets actuellement dans leurs locaux comme Ecoserv ou encore Arcenciel, Lebanon Waste Management, L’Écoute, Live Love Recycle ou ReFuse. Yalla Return collecte également les déchets électroniques pour les revendre. Ces produits sont généralement démantelés et recyclés sur place, ou encore exportés. Gaby Kassab, fondateur d’Ecoserv, met cependant en garde contre la vente de tels déchets directement à des ferrailleurs, qui ne sont intéressés que par le métal, d’où le danger de voir les autres composantes jetées sans précaution dans la nature, voire incinérées à l’air libre.

Médicaments et déchets de traitements médicaux

- Quelle dangerosité ? Samar Khalil fait valoir que certains composants de médicaments périmés – comme ceux des antibiotiques par exemple – s’ils se retrouvent dans la nature, peuvent devenir très nocifs ou polluants, notamment lorsqu’ils intègrent à nouveau la chaîne alimentaire. Certains traitements médicaux administrés à domicile produisent quant à eux des résidus potentiellement contagieux, ou encore toxiques.

- Quel est le traitement recommandé ? Certains pays consommateurs prévoient des politiques de retour au producteur, souligne Samar Khalil. Des bennes spéciales sont généralement placées dans les pharmacies, à l’intention de ces médicaments périmés. Dans les pays producteurs, ils sont le plus souvent incinérés. D’autres mesures de prévention existent, comme en Inde, où les médicaments sont généralement vendus sans emballages, ce qui permet au consommateur d’acheter uniquement la quantité prescrite. Dans le cas des résidus de traitement (pour maladies chroniques, cancers …) administrés à la maison, il faut également les envoyer à des centres spécialisés pour traitement.

- Quelles solutions existent au Liban ? Pour ce qui est des médicaments périmés, il n’existe pas vraiment de solution encore au Liban. La société Cedar Environmental a développé une technologie qui permet d’utiliser les pilules dans la construction de structures semblables à du béton, mais n’a pas encore obtenu le permis du ministère de la Santé. Arcenciel se charge du traitement par décontamination des déchets hospitaliers générés par les hôpitaux, mais n’accueille ni les médicaments périmés ni les résidus de traitements administrés dans les maisons. Samar Khalil préconise de les disposer séparément et d’une manière sûre, en tentant de les décontaminer à la maison, à l’aide d’eau de javel par exemple, et en plaçant les objets tranchants comme les seringues dans des conteneurs en plastique, afin d’éviter les risques.

Aucune solution viable pour les médicaments périmés au Liban. Photo d'illustration Bigstock

Encombrants, métaux et pneus

- Quelle dangerosité ? Certains meubles usagés, les appareils électroménagers en fin de vie et autres encombrants peuvent contenir des matières plus ou moins dangereuses et toxiques suivant leur composition, selon Samar Khalil. Par ailleurs, leur taille complique le processus de traitement et d’enfouissement. Les pneus sont malheureusement souvent incinérés à l’air libre, pratique fréquente durant les manifestations, et sont source d’une fumée extrêmement toxique et dangereuse pour la santé.

- Quel est le traitement recommandé ? Les meubles, grands appareils électroménagers ou autres gros objets pourraient être réhabilités et réutilisés. Il convient donc de s’assurer, selon Samar Khalil, qu’ils ne sont pas totalement irrécupérables avant de les jeter. Les meubles, par exemple, peuvent être démantelés et leurs composantes utilisées séparément. Les pneus peuvent eux aussi être démontés et recyclés en d’autres objets usuels en caoutchouc.

- Quelles solutions existent au Liban ? Jusqu’à il y a 15 mois environ, les encombrants étaient acheminés vers une décharge spécialement conçue à cet effet, située à Bsalim, aujourd’hui saturée et fermée, selon une source gouvernementale. Actuellement, ils se retrouvent, comme quasiment la totalité des déchets ménagers (les capacités de l’État en matière de tri et de traitement étant quasiment nulles), dans les décharges officielles ou illégales. Cependant, des ONG et entreprises locales peuvent récupérer et recycler certains gros appareils, tel Ecoserv, mais aussi des métaux industriels, comme Live Love Recycle. Les métaux sont également récupérés par d’autres organisations ou entreprises comme Lebanon Waste Management, Refuse ou Arcenciel. Au Liban, il existe aussi un circuit de collecte informel à travers des ferrailleurs qui revendent les métaux à l’étranger.

Des pneus usagés transformés en produits usuels en caoutchouc. Photo fournie par Petro Rubber

Pour ce qui est des pneus, selon diverses sources, leur recyclage en usine (à Nabatiyé et au Hermel) reste problématique puisqu’il se base sur leur incinération (pour la récupération des métaux ou pour la fabrication de carburant). La société Petro Rubber, basée à Joun (Sud), se distingue toutefois en utilisant des machines de découpage et de déchiquetage des pneus qu’elle rachète à des grossistes pour fabriquer des granules en caoutchouc et des tapis de gymnastique.

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Produits ménagers chimiques et huiles usagées

- Quelle dangerosité ? On ne se rend pas compte du nombre de produits chimiques utilisés sans aucune méfiance dans les foyers, et qui sont pourtant sources de danger en cours d’utilisation (matières toxiques, corrosives, inflammables …) et lors de l’enfouissement en décharge. Le chlore, l’eau de javel et même l’alcool font partie de ces denrées, rappelle Samar Khalil. Lâchés dans la nature, ces produits libèrent des substances toxiques pour l’environnement et la santé, vu le risque de contamination des sols et de l’eau, ainsi que de l’air en cas d’incinération sauvage. Quand les matières liquides toxiques sont jetées dans l’évier, elles se retrouvent dans les réseaux d’eaux usées : à ce niveau, l’absence de stations de traitement suffisantes au Liban est préjudiciable, puisqu’elles finissent dans les cours d’eau.

Les huiles alimentaires ou de moteur usagées ne devraient pas se retrouver dans la nature sans traitement : le risque de l’huile de cuisine est plus environnemental que sanitaire, car elle affecte la faune marine ou fluviale. Les huiles résultant des vidanges sont récupérées par les stations d’essence ou des garages de mécanique, qui ne disposent pas toujours des moyens nécessaires (ou n’ont pas la prise de conscience suffisante) pour s’en débarrasser de manière sûre.

- Quel est le traitement recommandé ? Autant les produits ménagers chimiques que les huiles usagées doivent être stockés séparément et envoyés pour traitement à des centres spécialisés, préconise Samar Khalil. Elle ajoute qu’à l’AUB, où elle est responsable de la gestion environnementale, des conteneurs spéciaux ont été prévus à cet effet, et que les produits sont collectés par type puis exportés conformément aux normes internationales.

- Quelles solutions existent au Liban ? Certaines ONG et entreprises accueillent ce genre de produits, comme Lebanon Waste Management qui recycle les huiles usées. Refuse collecte les huiles de cuisine et de voiture et les revend à de petites industries pour la fabrication du savon ou autre. Live Love Recycle les récupère pour les exporter à des industries de fabrication de biofuel.

Textiles

- Quelle dangerosité ? Les déchets textiles sont actuellement un problème mondial majeur, depuis l’essor de ce qu’on appelle « la fast fashion ». Les textiles peuvent aussi contenir des produits chimiques dans leurs teintes, ou encore du plastique, autant de substances pouvant se libérer dans la nature avec le temps, et contribuer à la pollution des sols et de l’eau.

- Quel est le traitement recommandé ? Dans le cas des déchets textiles, la prévention est encore plus cruciale que la perspective de traitement, affirme Samar Khalil. Elle préconise d’opter pour des achats moins nombreux et d’une qualité plus respectueuse de l’environnement. Sinon, il faut songer au don d’habits, à la réutilisation des tissus et au recyclage.

- Quelles solutions existent au Liban ? Certaines ONG, entreprises ou même designers récupèrent des habits usagés pour en faire du upcycling (transformation en un produit à forte valeur ajoutée). Dans le domaine du recyclage et de la réutilisation des habits usagés, l’association la plus spécialisée est FabricAid : selon sa responsable marketing Loulia Halwani, près de 80 % des habits collectés (via 300 bennes à travers le Liban) sont revendus à très bas prix dans des points de vente situés en zones marginalisées. Le reste est acheminé vers des ateliers de couture ou revendu en boutique.

Déchets végétaux

Les déchets végétaux, parfaits pour un compostage de qualité. Photo tirée du site de Compost Baladi

- Quelle dangerosité ? Les résidus qui découlent du jardinage, de l’élagage en forêt ou de l’agriculture ne posent pas de problème particulier au niveau environnemental ou sanitaire mais leur volume vient s’ajouter aux décharges déjà saturées. Le risque d'incendies existe également.

- Quel est le traitement recommandé ? Ces déchets organiques sont parfaits pour le compostage. S’ils ne sont pas contaminés par d’autres matières toxiques, ces résidus sont susceptibles d’être transformés en enrichisseur de sol de grande qualité.

- Quelles solutions existent au Liban ? Il existe au Liban des ONG spécialisées comme Compost Baladi qui offre des formations au compostage à domicile, tout comme la possibilité de déposer gratuitement les déchets organiques à son centre de Hazmiyé. Cedar Environmental et Terre-Liban apportent, elles, des solutions de compostage aux municipalités. S’agissant des particuliers, la première peut recueillir leurs déchets, tandis que la seconde leur propose des consultations sur le compostage chez soi. 

Pollution des sols, eau insalubre, air vicié… La bombe à retardement des déchets ménagers est mondiale, mais au Liban elle est particulièrement inquiétante, faute d’infrastructures adaptées et de sensibilisation. Des foyers et bureaux sortent des produits parfois toxiques, inflammables, corrosifs… qu’il vaudrait mieux ne pas retrouver dans la nature, et qui finissent...

commentaires (2)

Merci pour cet article utile!

Gros Gnon

12 h 28, le 10 septembre 2023

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Commentaires (2)

  • Merci pour cet article utile!

    Gros Gnon

    12 h 28, le 10 septembre 2023

  • Vous oubliez l'essor des imprimantes 3D à résine chez les particuliers, qui génèrent beaucoup de déchets (matière inutilisée, essuies-tout maculés de résine, gants tachés, alcool etc) dont l'immense majorité se retrouve soit à la poubelle, soit dans les cuvettes.

    Ca va mieux en le disant

    16 h 18, le 09 septembre 2023

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