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Culture - Portrait

Aleph ou la générosité du talent

Suite à son énorme succès au Canada en mai dernier, et à un concert à l’Olympia de Paris, Aleph, pianiste, compositeur et arrangeur a enchanté l’audience du festival de Byblos cet été avec des sons et des mélodies envoûtantes interprétées avec son groupe de 13 musiciens. Retour sur son parcours.

Aleph ou la générosité du talent

Aleph au piano, un talent qui " lui vient de Dieu . Photo DR

Si à l’âge de 20 ans Aleph (aujourd’hui 43 ans) décide de choisir ce pseudonyme comme nom de scène, c’est d’abord, explique l’artiste, « pour renvoyer à la première lettre de l’alphabet arabe (comme son nom de famille, Abi Saad) ensuite pour servir d’entrée en matière au public étranger ». En effet, la musique qu’offre ce pianiste émérite est essentiellement orientale mais réunit des univers musicaux divers, du jazz et du flamenco, mixés à des sonorités égyptiennes ou tunisiennes. Aleph s'est concentré non seulement sur la musique fusion du monde, mais aussi sur la pop, l'ethnique, le bel canto et bien d'autres genres. Dans le cadre du festival de Byblos, Aleph a offert le 8 août dernier son concert, accompagné à l’harmonica d’Antonio Serrano, à la double basse de Yesly Heredia, à la batterie d’Ukpe, à la guitare de Valli, à la percussion de Bandolero et Charlie Fadel, au Kanoun Jihad Assaad, au nay l’artiste Raed, Chadi Saad à l’accordéon, à la darbouka Samer Afif, sans oublier les performances de la grande danseuse de flamenco Karen Lugo et de la chanteuse Jana Salameh.

Le talent, un don de Dieu

Dans l’Évangile selon Matthieu, la parabole des talents raconte que le maître, avant de partir pour un long voyage, donne à chacun de ses trois serviteurs un « talenta », pour les mettre à l’épreuve et voir à son retour ce que chacun en aura fait. Ainsi la parabole illustre l'obligation pour l’homme de ne pas gâcher les dons reçus de Dieu et de s'engager, même s'il y a risque, à faire grandir ce talent. Cette parabole illustre parfaitement les convictions d’Aleph qui confie : « Je suis croyant et mon talent est d’abord et certainement un don de Dieu et non un effort personnel. Ce talent, bien sûr je l’ai reçu comme un cadeau du ciel mais c’est à moi que revient la tâche de le faire fructifier et d’être en communion avec le divin. » Être croyant pour Aleph ne réside pas uniquement dans les prières et les visites aux lieux sacrés, c’est aussi être dans le partage, c’est accepter de donner et de prendre du plaisir à travers ce partage. Il avoue : « Avant d’entrer sur scène, je n’ai jamais le trac au contraire, c’est un rendez-vous sacré que j’attends, je suis toujours prêt musicalement et mentalement, je m’octroie une minute de prière. Il arrive souvent que le public participe et c’est là un grand moment de bonheur pour moi. Quant à l’inspiration, ajoute Aleph il en existe deux formes ou techniques pour la composition. On peut composer sur l’instrument en tentant des sonorités, sauf que pour moi cela se passe autrement. »

Aleph ne se contente pas du piano qui peut quelquefois le limiter par les sons qu’il offre, comme son talent son inspiration est divine. Il avoue sentir les vibrations d’une mélodie lui venir de loin. « Je la capte dans son essence, je l’écris en notes et je la traduis plus tard sur le piano, une fois qu’elle a fait son chemin dans mon esprit, dit-il. Comme si à la vue d’un beau paysage ou d’un joli rêve l’envie de les traduire en dessin nous venait. La mélodie de Into the rain a ainsi vu le jour un jour où je marchais dans la rue et que tout à coup il s’est mis à pleuvoir », raconte l’artiste. Est-ce le clapotis des gouttelettes cognant sur les pavés ou le cliquetis de l’averse s’abattant sur les parapluies ou sur les pare-brise des voitures, est-ce le souffle du vent qui accompagnait la pluie ou le crissement des feuilles sous ses pas ? Aleph l’ignore, mais il sait une chose, c’est à ce moment-là que l’inspiration lui vient. Et lorsqu’il arrive au studio encore mouillé de ces notes qui lui sont tombées du ciel, il les couche sur un papier et la magie opère. Ce n’est pas par hasard qu’Aleph est un grand cuisinier : « Lorsque je cuisine tout le monde a droit à mes repas, les voisins, les amis, la famille. » Comme dans sa musique qui est cosmopolite, il aime essayer toutes les cuisines du monde et s’attarde beaucoup sur la présentation.

« Les Pianos du Coeur »

Si Aleph a baigné depuis son enfance dans la musique c’est d’abord grâce à sa mère grande mélomane qui laissait les chansons de Feyrouz et de Zaki Nassif se mélanger à celles de Brel et de Reggiani dans l’espace sonore de la maison. De temps en temps, fusait un air de tango ou une valse. Pianiste par oreille, elle initiera son fils à cet instrument qu’elle affectionne. C’est ainsi qu’il découvre la musique à l'âge de 3 ans et qu’il commence à son tour à jouer sans avoir appris le solfège. Lorsqu'on lui offre un petit piano en bois, il tentera de retrouver des airs familiers de son enfance, persévérera et finira par découvrir ce qui lui manquait : le « quart de ton », base de la musique orientale. Ses parents décident alors qu’il méritait enfin son premier « vrai » piano.

En temps de guerre, les écoliers avaient déserté l’école et se retrouvaient coincés entre 4 murs. Aleph et sa famille fuient vers la montagne où il passera tout son temps dans l'atelier de son oncle Michel Ramia, compositeur qui maîtrisait plus de huit instruments et qui aura une grande influence sur son apprentissage. Avec tous les instruments de musique à sa disposition, c’est une partie de sa formation qu’il accomplit, accompagné de sa cousine Carla Ramia qui chantait l'arabe à un âge précoce. Même si Aleph est un autodidacte, il reconnaît que ses détours académiques ont fourni à son art les bases classiques et techniques nécessaires. Généreux et croyant de par sa nature, Aleph soutient de nombreuses associations caritatives. Il a participé à l'organisation de nombreux événements de collecte de fonds pour la Croix-Rouge libanaise, The Children Cancer Center, Tamana, Emm el-Nour, Teach a Child, Rotary et bien d'autres. En 2014, il fonde Les Pianos du Cœur qui réunit des pianistes du monde entier pour partager une scène, le but de ce projet étant d'offrir tous les fonds à une association à but non lucratif.

« L’essentiel n’est pas seulement de rêver mais de savoir vivre son rêve au présent », confesse Aleph. Très reconnaissant pour ce que la vie lui a offert, il avoue avoir eu beaucoup de chance. « Mon talent est un cadeau de Dieu », ajoute-t-il à nouveau en conclusion.

Un artiste généreux. Ici sur les marches du Casino du Liban. Photo DR

Bio express

A 8 ans, Aleph interprète une chanson d'Oum Koulsoum pour la fête de la Musique. A 10 ans, il joue avec un orchestre tunisien à la Citadelle de Byblos et à 11 ans, il commence à composer sa propre musique. A 14 ans, il donne son premier concert solo, interprétant les Mazurkas de Chopin dans son propre arrangement et à l'âge de 18 ans, il donne son premier concert dans le théâtre de son collège (Collège St-Joseph Aintoura) où il interprète ses propres compositions. Il a étudié le solfège et l'harmonie à l'Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK). Sorti major de promotion en théorie musicale, il a poursuivi par un diplôme en écoute musicale et harmonie au Conservatoire de Kharkiv (Ukraine). Il est aujourd'hui un pianiste Steinway.

Si à l’âge de 20 ans Aleph (aujourd’hui 43 ans) décide de choisir ce pseudonyme comme nom de scène, c’est d’abord, explique l’artiste, « pour renvoyer à la première lettre de l’alphabet arabe (comme son nom de famille, Abi Saad) ensuite pour servir d’entrée en matière au public étranger ». En effet, la musique qu’offre ce pianiste émérite est essentiellement orientale...

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