Il y a une limite à la quantité de chaleur et d’humidité que le corps humain peut supporter, et le dérèglement climatique promet d’augmenter les épisodes de « thermomètre mouillé », potentiellement mortels.
Plus encore qu’en chaleur absolue, dont les records tombent régulièrement, la capacité de résistance s’évalue en fonction du concept de « température humide » ou « thermomètre mouillé ».
Même une personne jeune et en parfaite santé risque de mourir après six heures à 35 degrés en température au « thermomètre mouillé » (Wet Bulb Globe Temperature – TW), indice qui prend en compte à la fois la chaleur et l’humidité, selon des recherches.
À ce stade, l’humidité contenue dans l’air chaud empêche l’évaporation de la transpiration – principal outil du corps pour abaisser sa température –, pouvant entraîner un coup de chaleur, une défaillance d’organes, voire la mort.
Une température de 35 degrés au « thermomètre mouillé » a été atteinte une douzaine de fois dans le monde jusqu’ici, principalement en Asie du Sud et dans le golfe Persique, explique Colin Raymond, chercheur de la Nasa.
Ces épisodes n’ayant jusqu’ici jamais dépassé deux heures, aucun « événement de mortalité massive » n’y a été lié, note cet expert, principal auteur d’une étude parue en 2020.
Mais alors que les températures continuent d’augmenter – juillet 2023 a été le mois le plus chaud jamais enregistré sur Terre –, les épisodes de « thermomètre mouillé » vont se multiplier, avertissent les scientifiques.
La fréquence des pics de chaleur humide a plus que doublé dans le monde depuis 1979 et les températures « dépasseront régulièrement 35° TW » dans différentes parties du globe si le réchauffement mondial
atteint +2,5°C, selon les travaux de Colin Raymond.
L’Asie du Sud et du Sud-Est, le golfe Persique, le golfe du Mexique et certaines parties du continent africain sont les régions les plus exposées.
Désormais principalement calculé via les données de chaleur et d’humidité, l’effet de « thermomètre mouillé » était initialement mesuré en plaçant un chiffon humide sur un thermomètre et en l’exposant à l’air.
Cela a permis de mesurer la vitesse à laquelle l’eau s’évaporait du tissu, comme la transpiration de la peau. La limite théorique de survie humaine de 35° au « thermomètre mouillé » représente 35°C avec une humidité de 100 %, ou 46°C avec 50 % d’humidité.
Pour tester cette limite, des chercheurs de l’université de Pennsylvanie, aux États-Unis, ont évalué les températures de jeunes en bonne santé dans une chambre thermique.
Les participants atteignaient leur « limite environnementale critique » – soit lorsque leur corps était incapable d’empêcher leur température interne de continuer à grimper – à 30,6° au « thermomètre mouillé ».
Cinq à sept heures…
Il faudrait entre cinq et sept heures avant que de telles conditions n’atteignent « des températures vraiment, vraiment dangereuses », précise Daniel Vecellio, qui a travaillé sur l’étude.
Joy Monteiro, chercheur basé en Inde qui a récemment publié une étude dans Nature sur le « thermomètre mouillé » en Asie du Sud, souligne que la plupart des vagues de chaleur meurtrières dans la région étaient jusqu’alors bien en dessous du seuil des 35 degrés TW. Mais les limites d’endurance varient fortement d’une personne à l’autre, a-t-il expliqué.
Les jeunes enfants sont moins capables de réguler leur température corporelle, donc plus à risque.
Les plus vulnérables restent cependant les personnes âgées, dotées de moins de glandes sudoripares et déjà davantage victimes des canicules.
Les personnes devant travailler à l’extérieur sont également plus en danger.
La possibilité ou non de refroidir occasionnellement son corps – par exemple dans des espaces climatisés – joue aussi. Sans compter l’accès à des toilettes, car les personnes qui en sont privées boivent souvent moins d’eau et se déshydratent plus.
Les recherches de Colin Raymond montrent aussi que le phénomène climatique El Niño a accru l’effet « thermomètre mouillé » par le passé. De retour depuis peu, ce grave épisode météorologique, cyclique, fera sentir ses pleins effets vers la fin de cette année et perdurera l’année suivante.
Les pics de « thermomètre mouillé » sont aussi étroitement liés aux températures océaniques de surface, précise le chercheur. Or les océans ont battu la semaine dernière un nouveau record mondial de température, supérieur au précédent de 2016, selon l’observatoire climatique de l’Union européenne, Copernicus.
Daniel Lawler/AFP