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Moyen-Orient - FOCUS

Avec le limogeage de gouverneurs locaux, Mahmoud Abbas en quête de légitimation

L’organisation, au bord de l’effondrement financier, se cherche une nouvelle légitimité populaire en renouvelant ses rangs. 

Avec le limogeage de gouverneurs locaux, Mahmoud Abbas en quête de légitimation

Le président palestinien Mahmoud Abbas au cours d'une réunion avec le secrétaire d'État américain Antony Blinken à Ramallah, en Cisjordanie, le 31 janvier 2023. Ronaldo Schemidt/AFP

Ils sont au total douze gouverneurs sur seize à être révoqués en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza. Le bureau du président de l’Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas a entre autres annoncé qu’il formerait un comité pour proposer des remplaçants. En jeu, la reconquête d’une légitimité auprès de ses sympathisants et des autres Palestiniens de Cisjordanie occupée, dont la confiance en l’AP s’érode sensiblement, sur fond de luttes intestines entre les différentes factions politiques palestiniennes. Plus des trois quarts des Palestiniens souhaitent la démission de leur président tant en Cisjordanie qu’à Gaza, selon certaines estimations. Car, aux yeux des Palestiniens, la solution à deux États, dont Mahmoud Abbas se fait le porte-étendard, n’est plus prise au sérieux alors qu’Israël poursuit sa colonisation des territoires occupés. Dans un gouffre financier, l’Autorité palestinienne reste en outre dépendante économiquement d’Israël, avec lequel elle collabore également sur le plan de la sécurité. 

Le mirage du sang frais

Naplouse, Jénine, Gaza… Certaines villes concernées par le rappel des gouverneurs sont le théâtre depuis plusieurs mois de l’émergence de groupes indépendants de l’AP, celle-ci s’étant révélée impuissante face aux raids quasi quotidiens effectués par les forces israéliennes. L’Autorité, qui régit les territoires occupés depuis les accords d’Oslo passés entre l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et Israël, traverse une grave crise de légitimité à cause notamment de la fragmentation du paysage politique palestinien et la concurrence d’autres partis que le Fateh, comme le Hamas qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007.

La décision d’injecter du sang frais à l’establishment politique de l’Autorité palestinienne dans ses provinces intervient aussi au moment où celle-ci cherche à s’accorder avec les autres factions. En juillet dernier, Ismaïl Haniyé, chef du Hamas, et Mahmoud Abbas se sont rencontrés dans la ville côtière égyptienne d’al-Alamein, rejoints par les chefs des autres factions palestiniennes, à l’exception du Jihad islamique qui a boycotté la réunion. La formation d’un comité sur la réconciliation interpalestinienne avait été annoncée, laissant néanmoins les observateurs sceptiques quant aux avancées attendues. « Dans la bande de Gaza, les gouverneurs du nord de Gaza, de Gaza, de Khan Younès et de Rafah ont été mis à la retraite par décret présidentiel », a indiqué jeudi l’agence de presse palestinienne WAFA. Seules trois régions, dont Ramallah, siège de l’AP, ne sont pas concernées par ces limogeages.

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Pourtant, la légitimité du Fateh et de son chef Mahmoud Abbas, 87 ans, dont le mandat devait initialement se terminer en 2009, fait l’objet de critiques parmi les Palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Ceux-ci n’ont pas connu depuis 2006 d’élections nationales, qui avaient vu alors le Hamas s’imposer à Gaza. Et alors que la présidence de Mahmoud Abbas touchait à sa fin, le Conseil national palestinien avait finalement annoncé son extension indéfinie pour éviter une crise politique. Si les désaccords règnent autour de l’organisation de prochaines élections, la tenue du scrutin prévu en 2021 avait quant à elle été finalement annulée en raison de la lutte interne au sein du Fateh, qui avait vu deux courants défier le parti de l’intérieur. Selon un rapport établi en février 2023 par International Crisis Group, la crise que traverse l’Autorité reste largement tributaire des dissensions au sein de la principale formation politique palestinienne : « Le parti (Fateh, NDLR) manque de cohésion, même dans ses échelons supérieurs, car Abbas a monté ses lieutenants les uns contre les autres pour consolider sa propre position. » 

Gouffre financier, dépendance israélienne

Cette désunion se double de difficultés financières qui pèsent sur la popularité du gouvernement palestinien. Fin juin, l’AP discutait de la possibilité de se déclarer en faillite. Ces derniers mois, de nombreux fonctionnaires de l’Autorité n’ont reçu que 80 % de leur salaire. En cause, une réduction de l’aide internationale et la déduction mensuelle d’environ 11 millions de dollars sur les impôts palestiniens par Israël depuis 2019, en rétorsion aux aides versées par Ramallah aux familles des prisonniers auteurs d’attentats anti-israéliens.

Et à mesure que ses caisses s’amoindrissent, la mainmise financière d’Israël sur l’Autorité se fait plus criante, fondée sur des engagements israéliens envers les États-Unis. Car, depuis 1994, le Protocole de Paris, ensuite intégré aux accords d’Oslo, instaure une union douanière entre Israël et les territoires palestiniens. Israël prélève sur les importations palestiniennes la TVA et les droits de douane, ensuite reversés à Ramallah. Des taxes qui constituent la plus importante source de revenus de l’Autorité, environ 70 % de ses recettes. Ce qui place depuis l’économie palestinienne sous la dépendance directe d’Israël, y compris pour le fonctionnement même des institutions de l’Autorité. 

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Des engagements israéliens d’autant plus mis à mal par le gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël, qui a prêté serment au début de l’année. Début août, le radiodiffuseur israélien Kan rapportait que le ministre des Finances, l’ultranationaliste Bezalel Smotrich, refusait d’approuver un accord israélien visant à retarder le paiement des dettes fiscales de l’AP qui s’élèvent à environ 500 millions de dollars. Une position qui lui aurait valu un désaccord avec le Premier ministre, qui voit dans cette mainmise financière un moyen de neutraliser l’émergence des autres factions. Durant la réunion du cabinet de sécurité du dimanche 6 août, Benjamin Netanyahu aurait réaffirmé que « les promesses doivent être tenues – en particulier envers les Américains ». Mais la sujétion des finances de l’Autorité à l’État d’Israël ne s’arrête pas là. Et depuis son entrée au gouvernement, les coups de force de Bezalel Smotrich se multiplient. En janvier, le ministre avait déjà signé un décret pour rediriger 40 millions de dollars de recettes fiscales de l’AP, en réaction à son action en justice internationale contre Israël.

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