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Moyen-Orient - REPÈRE

Les enjeux du premier exercice militaire conjoint entre les Émirats et la Chine

L’opération reflète à la fois la volonté de la Chine d’installer son influence dans le Golfe et celle des Émirats de diversifier ses partenariats stratégiques.

Les enjeux du premier exercice militaire conjoint entre les Émirats et la Chine

Le président chinois Xi Jinping et le prince héritier d'Abou Dhabi, Mohammad ben Zayed al-Nahyane au palais présidentiel d'Abou Dhabi, le 20 juillet 2018. Karim Sahib/AFP

Pour la première fois, des exercices militaires aériens conjoints entre les Émirats arabes unis et la Chine vont avoir lieu. Le ministre chinois de la Défense a annoncé lundi dans une déclaration la tenue prochaine de l’exercice « Falcon Shield 2023 ». Une opération qui sera suivie de près par les États-Unis, qui voient d’un mauvais œil le resserrement des liens, notamment sécuritaires, entre la Chine et ses partenaires stratégiques du Golfe.

Les faits

• Les exercices militaires prévus concernent les forces aériennes de la Chine et des Émirats arabes unis (EAU). Ils se tiendront au nord-est de la Chine, dans le Xinjiang.

• Li Shangfu, ministre chinois de la Défense, a précisé que les exercices auront pour objectif d’« approfondir les échanges pragmatiques et la coopération entre les deux armées, et à renforcer la compréhension et la confiance mutuelles », sans donner plus de détails sur les modalités des opérations.

• Aucune date n’a encore été précisée pour le début de l’opération, mais elle devrait avoir lieu au courant du mois d’août.

Le contexte

• Les exercices annoncés entrent dans la ligne de la coopération sécuritaire entre les EAU et la Chine. Abou Dhabi avait par exemple déjà annoncé son intention de signer un contrat d’achat de 12 avions L-15 et 36 chasseurs supplémentaires du même type à Pékin en février 2022. Un an plus tard, le ministre émirati de la Défense a annoncé le lancement d’un laboratoire de recherche et développement conjoint dans le domaine militaire avec l’Empire du Milieu.

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Abou Dhabi teste les limites de Washington

• Profitant de ce qui était vu comme un désengagement américain du Moyen-Orient, l’influence de la Chine a progressé dans la région du Golfe ces dernières années. La présence chinoise revêt avant tout une portée commerciale et économique, mais également militaire ou encore politique. En mars dernier, Pékin s’est ainsi fait le médiateur des négociations entre les deux ennemis jurés de la région, l’Arabie saoudite et l’Iran, permettant la signature d’un accord de normalisation sous son égide le 10 mars dernier. Xi Jinping a également participé à un sommet historique entre son pays et le Conseil de coopération du Golfe à Riyad, en décembre dernier.

• La coopération avec la Chine constitue une pomme de discorde entre les EAU et les États-Unis. Fin 2021, un contrat d’achat de F-35 américains a été annulé face aux craintes de Washington de voir la fédération choisir Huawei pour déployer la 5G sur son territoire, ce qui pourrait poser un risque d’espionnage. Par ailleurs, les services de renseignements américains soupçonnent Pékin de vouloir construire une base militaire secrète dans le port de Khalifa, à quelques kilomètres d’Abou Dhabi, à proximité de leur base aérienne de Dhafra.

• De leur côté, les EAU ont annoncé fin mai avoir retiré deux mois plus tôt leur participation à une alliance maritime conduite par les États-Unis au Moyen-Orient, suite à une « évaluation de la coopération sécuritaire effective », selon un communiqué du ministère émirati des Affaires étrangères. Une déclaration toutefois démentie par les États-Unis, qui invoquent la liberté de rotation des troupes impliquées dans les forces combinées.

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Le silence des pays musulmans face au sort des Ouïghours en Chine

• La province du Xinjian, où se tiendront les premiers exercices militaires conjoints entre Pékin et Abou Dhabi, renferme de nombreux camps de « redressement » pour la communauté musulmane des Ouïghours. La Chine y est accusée par de nombreuses organisations internationales de violations des droits humains contre cette minorité. Par souci de ne pas froisser Pékin, qui se targue de ne pas conditionner ses relations à la question des droits humains, le dossier des Ouïghours a longtemps été passé sous silence par les pays arabes.

Les enjeux

• La relation entre les EAU et les États-Unis, alliés historiques, semble s’être délitée ces derniers mois. Mohammad ben Zayed s’est notamment froissé face à la réponse tardive de ses partenaires américains à la suite d’attaques de drones par la milice yéménite houthie, soutenue par l’Iran, dont son pays a été victime en début d’année dernière. Washington s’est également rapproché de l’Arabie saoudite, avec laquelle les EAU sont en compétition pour le leadership régional et pour préparer leur économie à l’ère postpétrole.

• En diversifiant leurs partenariats stratégiques, les EAU assument une position périlleuse. Puisque les États-Unis n’ont pas édicté de lignes rouges pour limiter un partenariat militaire entre la Chine et les EAU, ces derniers en testent les limites. Mais en réalité, ils restent très dépendants des Américains en matière de sécurité. La flotte aérienne des EAU est composée en partie d’équipements américains, dont des hélicoptères d’attaque AH-64 et des systèmes antimissiles Thaad. Ce sont également les États-Unis qui ont permis d’intercepter la plupart des missiles envoyés par les forces houthies sur Abou Dhabi et Dubaï l’année dernière.

• Si le partenariat militaire avec la Chine donne aux EAU un certain pouvoir de négociation face aux États-Unis, il atteint toutefois ses limites au vu de la proximité de Pékin avec la République islamique iranienne. Les deux pays ont notamment signé en 2021 un pacte de coopération commerciale et stratégique sur 25 ans. Pour Abou Dhabi, l'Iran est toujours considéré comme une menace, malgré le rétablissement des relations diplomatiques l’année dernière. Dans ce qui semble être un geste de défiance, Téhéran a ainsi conduit mercredi un exercice militaire surprise sur des îles disputées aux EAU.

Pour la première fois, des exercices militaires aériens conjoints entre les Émirats arabes unis et la Chine vont avoir lieu. Le ministre chinois de la Défense a annoncé lundi dans une déclaration la tenue prochaine de l’exercice « Falcon Shield 2023 ». Une opération qui sera suivie de près par les États-Unis, qui voient d’un mauvais œil le resserrement des liens, notamment...

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