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Culture - Le drame du 4 août

Quand l’art bat le rappel des troupes… pour le 4 Août

En cette troisième commémoration de la double explosion au port, qui a dévasté en 2020 la moitié de la capitale libanaise ainsi que la vie de ses habitants, des artistes libanais (mais pas que !) reprennent à travers des créations musicales, visuelles et d’animation spécialement conçues pour l’occasion, le flambeau du souvenir et de l’hommage aux victimes. Mais aussi celui de la revendication d’une justice réparatrice. « L’Orient-Le Jour » a sélectionné quatre œuvres particulièrement éloquentes.


Quand l’art bat le rappel des troupes… pour le 4 Août

Une image du projet de mémorial « Aux âmes du port » de Pierre Abboud. Photo DR

– Prokop Boutan et Balsam Abo Zour, entre folk, dabké et récits de journalistes

Voilà un titre qui s’aventure loin des sentiers battus de la variété occidentale. Directement inspiré des tragiques événements qu’a traversé ces dernières années le pays du Cèdre, Beirut in the Air (A City Levitating) sort le vendredi 4 août 2023 sur les plateformes de streaming. Signé Prokop Boutan, un musicien folk et producteur français, ce single en anglais est accompagné d’un vidéo-clip réalisé par la peintre et plasticienne libanaise Balsam Abo Zour.


Le motif de la dabké utilisé dans le clip vidéo de "Beirut In The Air". Photo DR

« Je pourrais présenter Beirut in the Air comme Bob Dylan présentait en 1964 Who Killed Davey Moore ? : “This is a story I took from the newspaper, nothing has been changed, except the words”, déclare son auteur-compositeur et interprète, expliquant que sa chanson est née d’une discussion qu’il a eue avec des artistes et journalistes libanais expatriés suite à la meurtrière explosion au port de Beyrouth. « Je les ai rencontrés par le biais de ma sœur qui les connaissait du Liban où elle a vécu. La conversation que j’ai eue avec eux, et ce qu’ils m’ont confié de leur désarroi à voir leur pays imploser, m’a particulièrement marqué. J’ai eu envie de leur exprimer, à travers cette composition, ma solidarité, de leur dire qu’ils avaient été entendus et qu’ils continueront à l’être. Pour l’écriture des paroles, je me suis appuyé sur des articles de presse et des ouvrages, tels que le Journal d’un effondrement de l’auteur libanais francophone Charif Majdalani – que je remercie d’ailleurs pour son magnifique texte qui m’a beaucoup inspiré au point que j’ai même intégré son propre personnage d’auteur dans ma chanson.

Mais Beirut in the Air ne serait pas la même sans la patte artistique de Balsam Abo Zour que j’ai rencontrée aux Pays-Bas, et avec qui j’ai poursuivi la conversation commencée avec ses compatriotes en France, assure Prokop Boutan. Précisant : « Le titre et le clip sont le résultat de notre travail en commun. De la collaboration entre une plasticienne et un compositeur, entre une chanson et une danse. Car plutôt qu’une illustration classique avec juste des images collant à la thématique de crise, Balsam a préféré opter pour une autre approche, permettant d’ajouter une nouvelle dimension à la chanson, en utilisant le motif de la dabké. Cette danse traditionnelle libanaise était dans le passé principalement exécutée lors des grandes festivités pour le damage du sol des maisons. » Une farandole symbolisant la communion et la construction, qui dans ce vidéo-clip enrobe les paroles de Beirut in the Air d’une subtile note d’espoir… 


– Pierre Abboud, un projet de mémorial pour « les âmes du port »

« J’ai toujours voulu transformer à travers mon art ce qui est laid et triste en beau et utile », affirme Pierre Abboud, qui a été parmi les premiers à investir les places de la révolte à Beyrouth en 2019 et 2020 avec ses sculptures et installations réalisées à partir d’éléments de récupération. Cet artiste et architecte d’intérieur libanais, qui vit et travaille à Dubaï depuis de nombreuses années, n’hésite pas à prendre l’avion dès qu’il en a l’occasion pour revenir dans son pays participer aux manifestations et porter à travers ses créations publiques les revendications de ses compatriotes. Voulant rendre hommage aux victimes du 4 août 2020, il a imaginé un monument à leur mémoire, dont il partage la conception des maquettes sur son fil Instagram, dans l’espoir qu’il puisse un jour – « Quand il y aura des responsables à la tête de l’État », confie-t-il à L’OLJ – être érigé sur le lieu même de la terrible tragédie. Il s’agit d’une fresque géante en dentelle de métal qui, fixée à la partie des silos encore préservée, déroulerait sur toute la surface initiale de l’édifice explosé, les visages de « toutes ces âmes nobles qui ont perdu la vie dans cette tragédie », explique-t-il. Pour visualiser son idée de cette « œuvre à l’échelle d’un pays », Pierre Abboud a réalisé, parallèlement aux dessins et conceptions techniques, deux vidéos d’animation d’une émouvante grâce. Sa manière à lui d’inciter ses compatriotes « à ne jamais oublier » et à poursuivre le combat pour que justice soit rendue aux « âmes du port ». Un projet qui mérite d’être soutenu… 



– Chrystelle, une chanson (de là-bas) pour Beyrouth

C’est une petite chanson, une mélodie douce et simple, aux paroles d’une émouvante sincérité qui parle « de » Beyrouth, qui parle « à » Beyrouth, et qui ne manquera pas d’interpeller tous ceux qui s’en sont éloignés ces dernières années, lassés de ses crises et de son instabilité, mais qui finissent toujours par en ressentir le manque.

La pochette du single « Alors je reste » de Chrystelle dédié à Beyrouth. Photo DR

« Ça fait 3 ans que je t’ai pas vue/ ô toi ma nouvelle inconnue/ Je ne sais plus comment sont tes rues/ si je m’y sentirais perdue/ ça fait 3 ans que je suis partie / Ici tout est lisse, tout est gris/ De ton soleil mon paradis qu’en reste-t-il aujourd’hui »… Cette petite ode à Beyrouth est née, il y a quelques semaines, un soir de nostalgie sous la plume de Chrystelle, une autrice-compositrice et interprète libano-française qui vit à Paris depuis l’été 2006, mais qui, jusqu’à l’explosion du 4 août 2020, revenait régulièrement au Liban. Ex-Chrys Nammour du groupe français Hushh, ex-Marie Madeleine dans le spectacle musical Jésus de Pascal Obispo (aux côtés de Mike Massy), connue aussi pour Paris se relève, la chanson qu’elle avait elle-même composée et interprétée au lendemain de l’attaque du Bataclan en 2015, l’artiste trentenaire était en train de boucler la préparation de son second album solo à venir lorsque ce 11e titre s’est imposé à elle, spontanément, « comme une fulgurance », confie-t-elle à L’Orient-Le Jour

Intitulé Alors je reste, Chrystelle y égrène, a capella de sa voix pure, les doutes, la nostalgie et l’envie de retrouver sa ville natale, mais aussi la peur de ne plus la reconnaître et d’être rattrapée par les traumatismes du passé… Une chanson presque murmurée sur le ton de la confidence qu’il lui fallait partager en cette 3e commémoration de la tragédie de Beyrouth, en la lançant dès ce mois d’août en single sur les plateformes de téléchargement.



– Quand Maya Zankoul raconte le « Boom » dans un film d’animation

Une fête d’anniversaire se déroule dans une maison typiquement libanaise, comme celles qui font la renommée de Gemmayzé et des quartiers anciens de Beyrouth. On y célèbre les cinq ans d’une petite fille heureuse de vivre, entourée de ses parents et grands-parents quand une énorme déflagration retentit bouleversant à jamais le destin de cette famille et de cette enfant… Comment raconter, aux petits comme aux grands, la tragédie de toute une ville, le traumatisme subi par une grande partie de ses habitants, la perte mais aussi le courage et la résilience d’un peuple déterminé à ne jamais baisser les bras face aux infortunes ?


Une image tirée du film d'animation de Maya Zankoul. Photo DR

La graphiste Maya Zankoul, auteure de nombreux albums illustrés, et son mari, le musicien et réalisateur Tony Yammine, également fondateur de Wezank, une boîte de production de vidéos sur YouTube, ont choisi la voie du film d’animation. Leur court-métrage intitulé Peek-A-Boom et réalisé dans la foulée de l’explosion au port en 2020, après avoir fait le tour des festivals de films internationaux où il a été multiprimé (remportant entre autres le prix du meilleur film d’animation aux Paris Short Festival, Amsterdam Short Festival et au North Hollywood CineFest en 2021 ainsi qu’au Harlem Film Festival en 2022) vient enfin de sortir sur YouTube.

Un film de cinq minutes qui, à travers une animation époustouflante et un récit profondément émouvant, expose à un public international l’un des événements parmi les plus dévastateurs survenus dans notre pays. Quand l’art garde vivace la mémoire…


– Prokop Boutan et Balsam Abo Zour, entre folk, dabké et récits de journalistesVoilà un titre qui s’aventure loin des sentiers battus de la variété occidentale. Directement inspiré des tragiques événements qu’a traversé ces dernières années le pays du Cèdre, Beirut in the Air (A City Levitating) sort le vendredi 4 août 2023 sur les plateformes de streaming. Signé Prokop...

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