Un « Foor’n », à Bruxelles, pour l’amour de la bonne kaaké chaude bien de chez nous

Qui aurait pensé qu’un architecte qui accumulait les plans et projets de construction au Liban et qu’une ex-employée de banque à Zurich seraient un jour aux fourneaux ? Et pourtant, le destin a de drôles de tours et le Libanais sait prendre la vague, surfer dessus et saisir les rênes de son destin.

Tout a commencé donc pour ce couple lorsque la crise économique et sociale (du jamais vu dans aucun autre pays) a touché de plein fouet les Libanais bouleversant, pour beaucoup, leurs plans et leur style de vie. Chez les Fleifel, il était hors de question de rester les bras croisés. Leurs enfants, devenus grands, avaient déjà quitté la maison familiale. Comment faire pour continuer à travailler, à créer ? Lorsque Bruxelles leur a tendu la main, ils ont vite saisi l’opportunité. Après quelques recherches, ils ont remarqué que ce produit –la galette- qui peut faire office de petit déjeuner et de plat complet n’existait pas encore dans la région bruxelloise.

Rania et Ghassan Fleifel devant leur Foor'n. Photo DR

Titiller les papilles

La kaaké chaude et tendre, au ventre dodu et aux bras fins qui s’entrelacent, agrémentée de graines de sésame, allait être la vedette principale de leur Foor’n. Durant une année et alors que les travaux se font, Ghassan Fleifel accomplit un stage chez un boulanger au Liban pour bien apprendre l’art de la kaaké, car il s’agit bien d’un art. Pendant plus d’un mois, il s’exerce à manier la grande pelle et à l’introduire dans le four, à cuisiner la galette en la rendant mi- croquante, mi tendre. Après cet apprentissage, il fait venir le four spécial à galettes du Liban à Bruxelles et ce sera à son tour d’entraîner d’autres aide-boulangers pour le seconder dans le fonctionnement de son entreprise. Le tout avec la complicité de son épouse, toujours prête à le soutenir dans ses décisions. « Elle est formidable dit-il. Sans elle, je ne sais pas ce que j’aurais fait. Elle est capable d’inventer des recettes de toutes pièces en une nuit, de faire les mélanges les plus audacieux pour fourrer les galettes ».

« De la labneh, au fromage blanc, akkawi ou halloumi aux graines de nigelle ou même kachkaval jaune, agrémentés de concombre, de tapenade d’olives, de tomates ou de grenades, tantôt salées, tantôt sucrées (halaweh et confiture) et avec en plus cerise sur le gâteau la kneffeh du samedi, il y en a pour tous les choix et tous les goûts », renchérit Rania. Et de poursuivre : « Nous avons nos propres fournisseurs établis à Bruxelles. Nous avons également eu la chance de rencontrer un ancien apprenti qui travaillait chez le pâtissier Hallab et qui nous a initiés à la kneffeh. Nous veillons à ce que ce soit la meilleure qualité possible car seule la qualité signifie durabilité ».

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Le terroir revisité

Un autre secret que les Fleifel préservent pour que cette entreprise dure, c’est leur présence permanente. Rania et Ghassan sont toujours là au Foor’n avant 10h30, l’heure d’ouverture, et jusqu’au soir pour assurer l’accueil du client. Si lui garde un œil sur le four auprès des apprentis qui veillent au service, Rania passe de table en table pour s’assurer que les clients sont satisfaits, pour conseiller une autre galette ou proposer un arôme nouveau. « Le client aime être accueilli par un visage familier, convivial et souriant. Ça le rassure, confie-t-elle. Au début, nos clients étaient essentiellement des employés des bureaux voisins, venus à leurs heures de break s’attabler, consommer sur place une petite kaaké salée ou sucrée ou l’emporter. Mais petit à petit, des familles sont arrivées accompagnées de leurs enfants ».

Une ambiance conviviale. Photo DR

Rania et Ghassan espèrent bientôt élargir le menu, « tout en restant dans une liste d’ingrédients adaptés à la galette. Pas de viande, de poulet ou de chawarma, mais peut-être de la kariché et une autre palette de fromages et de confitures. Nous pensons également, aux deux formats existants, créer des petites galettes à emporter dans une boîte pour des soirées ».

Dans cette petite boulangerie de kaak aux couleurs chaudes orangées, en harmonie avec celles du feu du four et des grandes pelles en bois qui décorent le mur -la décoration est également de Ghassan Fleifel-, l’ambiance, familiale et amicale, est animée et le travail rapide. Tout le monde semble se connaître, les clients sont installés sur des banquettes autour d’une petite table et la discussion, informelle, se fait en croquant à belles dents dans cette galette dorée qui ramène les douces effluves d’un terroir non oublié et si délicieusement revisité.