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Moyen-Orient - FOCUS

Qui est la Brigade de Babylone, cette milice « chrétienne » pro-iranienne en Irak ?

Soutenu par Téhéran et dirigé par un Irakien chaldéen sous sanctions américaines, le groupe armé tente de régner par la force sur la communauté chrétienne.

Qui est la Brigade de Babylone, cette milice « chrétienne » pro-iranienne en Irak ?

Rayan al-Kildani, chef de la Brigade de Babylone (à dr.) avec Abou Mahdi al-Mouhandis, ancien numéro deux d’al-Hachd ach-Chaabi, assassiné aux côtés de Qassem Soleimani par une frappe de drone américain, le 3 janvier 2020, à Bagdad. Photo Twitter/@Ykaliany

Cette fois, ce fut la pression de trop. Le patriarche chaldéen Louis Raphaël Sako, influent cardinal et architecte du voyage du pape François en Irak en 2021, a annoncé qu’il quittait le patriarcat de Bagdad pour s’installer dans un monastère au Kurdistan autonome, le 15 juillet. La raison ? La révocation du décret de reconnaissance légale, qui lui conférait une immunité religieuse et l’administration des biens de l’Église. Ce statut agissait comme une garantie de sécurité dans un pays dominé par les milices pro-iraniennes, qui continuent de semer la violence après des décennies de conflit. Le président de la République, Abdel Latif Rachid, a révoqué le décret le 3 juillet, sous prétexte qu’il n’était pas conforme à la Constitution. Il avait été émis en 2013 par l’ancien chef de l’État Jalal Talabani.

Le patriarche chaldéen y a surtout vu la main de la Brigade de Babylone, une organisation militaire pro-iranienne qu’il a accusée d’avoir orchestré une campagne « intentionnelle et offensive » contre lui, après la décision du président, dénonçant un « jeu immonde ». Avec l’enjeu du leadership chrétien en toile de fond, le chef de la brigade, Rayan al-Kildani, et le cardinal Sako se livrent depuis longtemps une guerre des mots. Le leader militaire a maintes fois accusé le religieux, critique notoire des milices en Irak, de s’immiscer dans la politique et de prendre des positions pro-américaines, appelant au retrait de ses habits d’Église. De son côté, Louis Raphaël Sako condamne Rayan al-Kildani comme un chef de milice qui ne représente pas les intérêts des chrétiens, dissociant publiquement l’Église du groupe. La révocation du décret a été prononcée après une réunion entre ce dernier et le président irakien, selon le média kurde Rudaw

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L’accusation du patriarche Sako intervient alors que la Brigade de Babylone tente de régner par la force sur les chrétiens d’Irak. Tout d’abord, en se présentant comme une milice de cette communauté, fondée par le chaldéen Rayan al-Kildani, dont le frère Osama dirige les opérations militaires. Mais en réalité, elle fait partie des Unités de mobilisation populaire (Al Hachd ach-Chaabi), une coalition d’une soixantaine de milices armées et financées par l’Iran, formée en 2014 pour combattre l’État islamique et considérée comme une force publique légitime. La Brigade de Babylone compte quelque 300 ou 400 membres, en majorité chiites, selon Michael Knights, chercheur au Washington Institute. « D’après les estimations, on compte à peu près 20 chrétiens parmi les éléments armés, poursuit ce spécialiste des milices irakiennes, qui a tiré ce chiffre de ses entretiens. Les milices soutenues par l’Iran ont décidé de recruter des chefs de guerre de cette communauté et de les utiliser comme figure de proue pour prendre le contrôle d'une partie des plaines de Ninive. » Quelque 45 000 chrétiens vivent dans cette région du nord de l’Irak, sur une population estimée entre 300 000 et 500 000 de fidèles – soit environ 1% des Irakiens, selon l’Œuvre d’Orient.

« Une fausse organisation chrétienne »

Pour éliminer toute concurrence et renforcer son étiquette communautaire, la Brigade de Babylone cherche aussi à absorber les membres chrétiens d’autres groupes armés. Comme les Unités de protection de Ninive (UPN), une troupe de 500 hommes créée en 2015 pour défendre les assyriens et les chaldéens contre l'État islamique. À Hamdaniya, en 2021, l’UPN a été réorganisée contre son gré en sous-unité des Babyliyoun. « Ils essaient de passer d'une fausse organisation chrétienne à une unité qui compte beaucoup de membres de cette communauté pour forcer les fidèles à les rejoindre ou les soutenir, détaille Michael Knights. Mais la réalité est qu'ils seront toujours contrôlés par un cadre de coordination chiite à Bagdad et qu'ils auront toujours des liens étroits avec la Force al-Qods du Corps des gardiens de la Révolution islamique ». La milice a d’ailleurs été créée par la Brigade de l’Imam Ali, étroitement liée à l’Organisation Badr, un mouvement islamiste chiite irakien actif depuis la guerre Iran-Irak (1980-1988).

C’est d’ailleurs dans cette même plaine de Ninive, déjà éprouvée par le régime brutal de l’État islamique, que la Brigade de Babylone a commis la plupart de ses exactions après la libération de Mossoul. La milice a pillé les maisons, les églises et les monastères pour en revendre les biens dans le sud du pays, d’où sont originaires une majorité de ses combattants, rapporte encore Michael Knights. Elle a saisi des terres agricoles, extorqué les habitants, harcelé les femmes, comme le relève le Trésor américain, qui a placé son chef sous sanctions en 2019 pour de graves atteintes aux droits de l’homme. Rayan al-Kildani avait été filmé en train de couper l’oreille d’un détenu menotté. « La 50e brigade (des Unités de mobilisation populaire, la Brigade de Babylone) serait le principal obstacle au retour des personnes déplacées dans la plaine de Ninive », note le département américain. « C'est un effort pour garder les intérêts kurdes, turcs et occidentaux hors de cette région », complète Michael Knights.

Mainmise politique

Le Mouvement de Babylone, parti politique affilié au groupe armé, s’est aussi imposé par la force au Parlement irakien, écrasant toute concurrence autour des cinq sièges réservés aux chrétiens. Ils en occupent quatre depuis les élections de 2021, contre deux à celles de 2018. « La milice a pu contrôler les isoloirs lors de ces élections, ce qui explique ce résultat élevé », recadre cependant Michael Knights. « Ils peuvent aussi intimider les candidats alternatifs jusqu’à les faire renoncer, donc ils ont une capacité très importante à empêcher les concurrents d'émerger pour ces votes chrétiens », poursuit le chercheur.

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Face à la Brigade de Babylone, qui accroît chaque jour sa mainmise sur la communauté chrétienne, le patriarche Sako apparaissait comme un dernier rempart. Il est l’une des rares personnes à encore exprimer publiquement son opposition aux milices en Irak. « Son départ signale que Bagdad n'est plus un endroit sûr, même pour un chrétien de haut rang, le plus haut responsable religieux chrétien d'Irak, souligne Michael Knights. En attaquant Sako, la Brigade de Babylone commence à attaquer le dernier point de résistance, qui est l'Église ». Selon le chercheur, les communautés sunnite et kurde se voient, elles aussi, de plus en plus contraintes par les ordres des milices. « Et Le gouvernement de Mohammad Chia al-Soudani, lui, ne fait rien pour leur tenir tête. » 

Cette fois, ce fut la pression de trop. Le patriarche chaldéen Louis Raphaël Sako, influent cardinal et architecte du voyage du pape François en Irak en 2021, a annoncé qu’il quittait le patriarcat de Bagdad pour s’installer dans un monastère au Kurdistan autonome, le 15 juillet. La raison ? La révocation du décret de reconnaissance légale, qui lui conférait une immunité...

commentaires (9)

Belle Ninive, j’espère que tes habitants naturels reprendront le pouvoir sans tomber dans le piège du prédateur iranien qui rôde depuis des siècles autour de Mossoul , longtemps défendue par de braves familles syriaques et Assyro-Chaldéennes établies depuis le début du christianisme sur cette terre. Les assyriens sont nombreux en Europe et USA , Que font-ils pour empêcher l’influence néfaste iranienne ?

Wow

12 h 07, le 21 juillet 2023

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Commentaires (9)

  • Belle Ninive, j’espère que tes habitants naturels reprendront le pouvoir sans tomber dans le piège du prédateur iranien qui rôde depuis des siècles autour de Mossoul , longtemps défendue par de braves familles syriaques et Assyro-Chaldéennes établies depuis le début du christianisme sur cette terre. Les assyriens sont nombreux en Europe et USA , Que font-ils pour empêcher l’influence néfaste iranienne ?

    Wow

    12 h 07, le 21 juillet 2023

  • TANTUM RELIGIO POTUIT SUADERE MALORUM... Encore et toujours!

    Georges MELKI

    07 h 57, le 21 juillet 2023

  • Yallah Sissi... encore !

    Ca va mieux en le disant

    19 h 34, le 20 juillet 2023

  • Alors l'OlJ ? Des qu'on post contre Antoun Sehnaoui , la milice de Jund al Rab et Talouzian , votre censure devient bien severe.....

    Michel Trad

    14 h 01, le 20 juillet 2023

  • Voilà ce qu’attendait les chrétiens libanais avec le CPL. Une milice chrétienne pro iranienne, n’est ce pas un oxymore qu’aucun chrétien au monde ne peut concevoir vu les projets de ces fanatiques qui ne jurent que par leur seul dieu qui est la domination où qu’ils se trouvent et de préférence par la force lorsque leurs alliés se rendent à l’évidence qu’ils ne les tolèrent que parce qu’ils leur facilite la tâche d’asservir la communauté à travers eux afin de dominer pour ensuite les envoyer paître une fois leur but atteint. Nous avons le meilleur exemple avec le très intelligent gendron qui a payé cher son alliance et qui continue de manigancer pour obtenir ne serait ce que des miettes pour continuer d’exister dans leur ombre afin de les servir aux dépens des chrétiens qu’il a toujours dit vouloir protégé alors qu’il les a détruit en bonne et due forme. On le croyait repenti, le voilà qui se remet à l’œuvre espérant qu’il sera leur calif préféré pour satisfaire leur projet d’achever son pays.

    Sissi zayyat

    10 h 57, le 20 juillet 2023

  • Les chrétiens néo-safavides sont au grand Israël chiite ce que les chrétiens sionistes sont au grand Israël juif. Ils sont les uns comme les autres ce que les dhimmis étaient au califat. Soumis aux hommes plutôt qu’à Dieu. Exactement ce que les disciples de saint Jean Maroun de toutes les générations ont toujours refusé d’être. Et non seulement les disciples de saint Jean Maroun mais tous les chrétiens morts pour défendre le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ, à commencer par les millions de martyrs de la Rome païenne pour terminer aux Christeros morts au cri de vive le Christ Roi.

    Citoyen libanais

    08 h 28, le 20 juillet 2023

  • Juste une petite précision sémantique qui a son importance... Concernant Mahdi Al-Mohandis, ne s'agissant pas d'un crime de droit commun mais d'un fait de guerre, on ne dit pas qu'il a été assassiné, mais plutôt éliminé ! (ou retourné à la terre, ou réduit en poussière, ou atomisé, comme vous préférez)

    Ca va mieux en le disant

    00 h 59, le 20 juillet 2023

  • Le CPL irakien, lol…

    Gros Gnon

    00 h 24, le 20 juillet 2023

  • Voilà le vrai visage des milices pro iraniennes

    Tania

    00 h 18, le 20 juillet 2023

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