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Politique - Appel

Affaire Dima Sadek : halte aux dérives contre la liberté d’opinion

Affaire Dima Sadek : halte aux dérives contre la liberté d’opinion

Dima Sadek au tribunal de Beyrouth le 4 novembre 2015, alors qu'elle s'apprête à comparaître devant un juge dans le cadre d'une plainte déposée par le Hezbollah. Photo Patrick Baz/AFP

Une journaliste, en l’espèce notre consœur Dima Sadek, vient d’être condamnée par un tribunal pénal à un an de prison ferme pour un délit d’opinion. Nous, groupe de médias libanais – de la presse écrite, de l’audiovisuel ou du numérique–, avons voulu par cet appel faire part de notre indignation face à ce que nous considérons comme un verdict particulièrement sévère et injustifié. Un jugement qui confirme l’existence d’une dérive observée depuis quelques années au niveau des pouvoirs libanais vers davantage d’étouffement « légal » des libertés : une bien triste évolution dans un pays qui s’est longtemps targué d’être un phare de la promotion et la défense de ces libertés au sein d’une région où pullulent les gouvernements liberticides de tous acabits. Et cela d’autant que le vaste espace de communication offert aujourd’hui par internet requiert désormais une approche plus précise et équitable de la notion de « délit d’opinion ».

Dans ce texte, nous voulons mettre l’accent sur trois points essentiels :

Premièrement, il n’est pas question ici de nous prononcer sur le fond de l’affaire et notamment sur le point de savoir si la journaliste en question s’est rendue coupable ou non d’un acte légalement répréhensible et qui mérite sanction. Notre souci est, dans ce cadre, uniquement de relever que la peine prononcée est inhabituellement sévère pour ce type de délit, ce qui en soi confirme le durcissement intempestif constaté dans le comportement des pouvoirs sur la question des libertés : une tendance dont nous condamnons tous les aspects.

Deuxièmement, il existe au Liban un cadre judiciaire adéquat pour les délits de presse ou de diffamation commis par des journalistes et des travailleurs dans les médias. Il s’agit du tribunal des imprimés. Nous constatons qu’à la faveur d’interprétations souvent subjectives ou même abusives de certaines règles de procédure, il est de plus en plus fréquent de voir que des affaires de ce type sont déférées devant des juridictions statuant en matière pénale. Cela constitue très souvent, dans l’esprit des lois, une violation claire du principe qui est à l’origine de la création du tribunal des imprimés et qui, indubitablement, vise à protéger la liberté d’expression plutôt qu’à la criminaliser.

Troisièmement, nous considérons que le verdict sévère prononcé dans le cadre de l’affaire qui nous intéresse est d’autant plus injustifié et absurde qu’il survient à l’heure même où le Liban devient un paradis d’impunité et que cela se passe le plus clairement du monde devant les yeux des Libanais et de la communauté internationale. Des enquêtes avortées ou entravées, notamment sur des crimes d’ampleur terrifiante (qu’il s’agisse des assassinats politiques, des crimes financiers ou encore de la tragédie du 4 août 2020) aux jugements que nul ne se soucie d’exécuter ; des mandats non suivis d’effet aux querelles minant le corps judiciaire, du viol quotidien de la Constitution à l’interminable délitement de l’État de droit à tous les niveaux, le Liban et sa justice offrent un spectacle désolant à l’intérieur duquel le verdict en question prend des proportions de farce tragique.

Face à ce nouvel outrage de la part des pouvoirs publics, nous exprimons notre indignation la plus totale et réclamons avec fermeté et insistance que des mesures soient immédiatement prises pour inverser le cours des choses et œuvrer à recréer un cadre protecteur pour la liberté d’opinion et d’expression dans ce pays.

Signataires (par ordre alphabétique) : al-Jadeed, al-Joumhouriya, al-Markaziya, al-Modon, an-Nahar, LBCI, Lebanon Files, L’Orient-Le Jour, L’Orient Today, MTV, Nida’ al-Watan, Voix du Liban.

Une journaliste, en l’espèce notre consœur Dima Sadek, vient d’être condamnée par un tribunal pénal à un an de prison ferme pour un délit d’opinion. Nous, groupe de médias libanais – de la presse écrite, de l’audiovisuel ou du numérique–, avons voulu par cet appel faire part de notre indignation face à ce que nous considérons comme un verdict particulièrement sévère et...

commentaires (17)

Je n’ai pas tout dit sur la liberté de presse (le choix des sujets, des personnes…) mais je peux parler de régression de la liberté, car d’une censure ou autocensure à l’autre, c’est la régression qui m’est insupportable, et je garde à l’esprit, et j’ai l’esprit serein, que des groupes de presse, sans les nommer bien sûr, ont un projet politique. C’est leur droit, bien sûr, d'avoir un projet politique, au mépris parfois de l’opinion du lecteur. Je regrette de le dire, mais constater à l’ère des réseaux sociaux, qu'aucune "avancée sensible" en matière de liberté d’expression, c'est la régression, et c’est bien connu, "qui n’avance pas recule"…

Nabil

16 h 06, le 20 juillet 2023

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Commentaires (17)

  • Je n’ai pas tout dit sur la liberté de presse (le choix des sujets, des personnes…) mais je peux parler de régression de la liberté, car d’une censure ou autocensure à l’autre, c’est la régression qui m’est insupportable, et je garde à l’esprit, et j’ai l’esprit serein, que des groupes de presse, sans les nommer bien sûr, ont un projet politique. C’est leur droit, bien sûr, d'avoir un projet politique, au mépris parfois de l’opinion du lecteur. Je regrette de le dire, mais constater à l’ère des réseaux sociaux, qu'aucune "avancée sensible" en matière de liberté d’expression, c'est la régression, et c’est bien connu, "qui n’avance pas recule"…

    Nabil

    16 h 06, le 20 juillet 2023

  • AVEC DIMA CERTES. ALLAH YIHMIYA. - JE VOUDRAIS VOIR L,OLJ RESPECTER LES LIBRES EXPRESSIONS DE SES ABONNES DANS LE FORUM ET ARRETER CETTE INSULTANTE ET HUMILIANTE CENSURE, PAREILLE AUX EXACTIONS DES POUVOIRS ETATIQUES SINON PIRE CAR LE FAIT D,UN MEDIA QUI SE TARGUE ETRE LE DEFENSEUR DE LA LIBRE EXPRESSION.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 46, le 20 juillet 2023

  • La liberté d'expression est tout ce qui nous reste dans ce Liban otage de l'impérialisme milicien. C'est ce que nous devons défendre à tout prix. De tout cœur avec Dima Sadek, la vraie résistante.

    CAMAYOU / INEOS

    11 h 20, le 20 juillet 2023

  • C’est bien vrai . Elle est absolument et sans aucun doute votre consœur

    Henoud Wassim

    10 h 34, le 20 juillet 2023

  • C’est donc à l’initiative de l’Orient-Lejour, qu’un ""…groupe de médias libanais – de la presse écrite, de l’audiovisuel ou du numérique–, avons voulu par cet appel faire part de notre indignation…"", à l’exception d’un concurrent, "Ici Beyrouth", l’autre voix francophone de la presse. Que l’Orient-Le jour (qu’aucun de ses journalistes, si ma mémoire est encore bonne, n’est inquiété pour le moindre délit d’opinion) organise à l’avenir un colloque sur la liberté d’opinion pour que ses lecteurs y participent, s’ils le désirent. Mais qu’on ne se leurre pas, le Liban est le théâtre permanent d’un conflit armé, et dans un pays en guerre, on ne peut parler de liberté de presse, mais je n’irai pas jusqu’à écrire de propagande. Alors de quoi la journaliste Sadek est-elle coupable pour être sévèrement condamnée ? Un journaliste, in fine, n’est qu’un employé d’une maison d’édition pour que son "employeur" ne prenne les "mesures" avant que la justice s’en mêle. Alors que penser de la démission d’un éditorialiste, "de sa propre initiative", mais sans quitter le journal (juin 2019), Ziyad Makhoul pour ne pas le nommer (suite sans doute à un conflit au sein de la rédaction) pour sa liberté de ton (je le prenaient pour le Voltaire des temps modernes). Il annonçait la crise actuelle (dévaluation de la monnaie, la position du Gouverneur… et la révolution d’octobre) par un édito (fin septembre 2018). Pour moi, lecteur, dans ces deux cas de figure, la liberté de presse est très limitée…

    Nabil

    18 h 29, le 19 juillet 2023

  • Bonjour OLJ, ne faut-il pas faire une pétition en ligne?

    PPZZ58

    17 h 48, le 19 juillet 2023

  • La presse et la politique font parfaite symbiose. Ni les uns ni les autres n'iront jamais en prison pour leurs méfaits et l'un comme l'autre sert d'interêts dépassant bien leur personne

    m

    16 h 17, le 19 juillet 2023

  • Toute condamnation de la liberté d’expression dans un pays régi par des mafieux et des chefs de guerre ne fera qu’emplifier le mouvement d’opposition à cette mafia. Le Liban ne sera jamais ni la Syrie des Assad, ni la Russie de Poutine, ni la Corée du Nord. À ceux qui croient maintenir les rênes du pays, salut! Par ailleurs Ziad Assouad devrait se présenter devant les tribunaux pour propos appelant à la séparation et division du pays.

    Le borgne

    14 h 20, le 19 juillet 2023

  • Il ne peut y avoir séparation des pouvoirs dans un pays aussi corrompu où les pouvoirs se tiennent par la barbichette !

    Carlos El KHOURY

    13 h 09, le 19 juillet 2023

  • Le jugement contre Dima Sadek est un scandale. Il est très certainement politiquement motivé, et donc totalement inacceptable. Quand aurons nous enfin des juges intègres et indépendants?

    Akote De Laplak

    12 h 47, le 19 juillet 2023

  • La prison ferme, où même la prison tout court, n'a jamais résolu les problèmes sociaux. C'est en fait la pire des choses, à mon avis. Ceci dit, je trouve personnellement que le journalisme au Liban se permet beaucoup plus que la simple liberté d'expression. Les Libanais subissent "un lavage de cerveau " quotidien, qui est mu par une volonté politique perverse. Parmi les réformes requises, je crois qu'il faudrait considérer réformer le secteur médiatique. Dans l'état où il est, jamais on n'arrivera à même un début de formation d'une nation.

    Raed Habib

    12 h 25, le 19 juillet 2023

  • Ce pays est devenu totalitaire et fasciste depuis la prise en main par des populistes en place dès 2005 et qui se sont renforcés au pays depuis plus de dix ans. What did you expect ?

    TrucMuche

    11 h 50, le 19 juillet 2023

  • L’OLJ pourrait s’allier au diable si ce dernier s’érige contre G.Bassil.

    Hitti arlette

    11 h 06, le 19 juillet 2023

  • Je trouve bizarre et même paradoxal que l’équipe de l’OLJ s’indigne du verdict du tribunal sur l’affaire de Dima Sadek, accusée pourtant de diffamation, et que dans le même temps elle censure les commentaires des lecteurs pour bien moins que ça

    Hitti arlette

    11 h 03, le 19 juillet 2023

  • A mon tour, moi lecteur de l’OLJ m’insurge contre la censure par les dits modérateurs de plusieurs commentaires des lecteurs en se cachant derrière la fameuse charte. En réalité, les commentaires sont censurés soit parce que le modérateur manque de subtilité pour bien le comprendre ou bien parce sue ce modérateur est de mauvaise humeur. On lit souvent des commentaires extrêmement agressifs alors que d’autres beaucoup plus fins sont censurés. Donc OLJ si vous défendez la liberté d’expression, commencez à l’appliquer dans vos publications

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 52, le 19 juillet 2023

  • Inacceptable. , c est une ingérence flagrante politique dans l appareil judiciaire. Cad. Un pays totalitaire fasciste.

    Robert Moumdjian

    00 h 11, le 19 juillet 2023

  • Je m'oppose fermement à la condamnation de cette journaliste. D'un point de vue pragmatique, elle ne changera pas grand chose dans ce pays. Il faut toutefois permettre à toutes les voix de s'exprimer pour permettre au débat d'exister

    Georges Olivier

    00 h 07, le 19 juillet 2023

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