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Société - Droits de l’homme

Le Liban « très proche de l’abolition de la peine capitale »

La conférence de Amman sur les condamnations à mort a mis en valeur le combat d’Antoinette Chahine et de feu Walid Slaïby.

Le Liban « très proche de l’abolition de la peine capitale »

Ogarit Younan au cours de l’hommage consacré à Walid Slaïby, pendant la conférence de Amman pour l’abolition de la peine de mort. Photo Antoine Ajoury

C’est un tonnerre d’applaudissements et une ovation debout que la militante et activiste libanaise contre la peine de mort et la torture, Antoinette Chahine, a reçus à la fin de son témoignage poignant – au cours d’une conférence organisée à Amman les 11 et 12 juillet par l’organisation ECPM (Ensemble contre la peine de mort) – sur son expérience en prison, son procès inique, sa condamnation à mort puis son acquittement qui l’ont poussée depuis à poursuivre sa lutte infatigable pour la défense des droits de l’homme.

Aujourd’hui ambassadrice de l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture et la peine de mort), membre honoraire d’Amnesty International, Antoinette Chahine estime qu’elle a désormais une mission, celle de lutter contre les procès injustes, contre la torture et surtout contre l’application de la peine de mort.

Son calvaire a commencé en 1994 et s’est poursuivi jusqu’en 1999. Durant ces cinq années, elle a été condamnée à la peine capitale en 1997 dans l’affaire de l’attentat contre l’église Notre-Dame de la Délivrance de Zouk, puis finalement acquittée deux ans plus tard.

Elle revient ainsi sur les tortures physiques et morales qu’elle a dû endurer. Pour elle, « la soif est encore plus dure que la douleur ». Elle se rappelle surtout de la souffrance de sa mère qui l’a soutenue sans faiblesse. Elle revient en outre sur sa persistance à ne pas faiblir et signer un faux témoignage contre son frère et d’autres membres des Forces libanaises, qui aurait entraîné l’inculpation et la mise à mort d’innocents.

Pour Amal Faqih, directrice générale de Human Rights and Democracy Media Centers in Palestine (Shams), « l’expérience et le message d’Antoinette Chahine sont un modèle pour tous les militants des droits de l’homme de la région et pour les abolitionnistes ». « Ta force et ton courage nous poussent à poursuivre notre combat », ajoute-t-elle.

Ovation debout pour l’activiste libanaise Antoinette Chahine à la conférence de Amman pour l’abolition de la peine de mort. Photo Antoine Ajoury

Hommage à Walid Slaïby

La conférence de Amman a en outre rendu un vibrant hommage à Walid Slaïby, disparu en mai 2023 des suites d’une longue maladie. Son nom et celui de sa compagne de vie et de lutte, la sociologue Ogarit Younan, sont indissociables du combat qu’ils ont mené ensemble pour le droit à la vie et la non-violence, illustré notamment dans leur lutte pour l’abolition de la peine capitale au Liban.

Son engagement a débuté d’une manière assez médiatisée en 1998, quand deux condamnés à mort devaient être pendus à Tabarja, sur la place publique. Malgré une atmosphère électrique, une foule qui huait les criminels et applaudissait leur exécution, Walid Slaïby et Ogarit Younan accompagnés d’une poignée de militants pacifistes tout de noir vêtus ont réussi à déployer une affiche sur laquelle était écrit « Le deuil pour les victimes du crime et pour celles de la peine capitale ».

Depuis, le fondateur de l’Association libanaise pour les droits civils (LACR) est considéré comme le principal architecte du moratoire sur la peine de mort qui dure depuis 19 ans au Liban, sur impulsion de l’Union européenne. C’est grâce à lui que le pays du Cèdre est depuis 2004 désormais classé parmi les pays abolitionnistes de facto. Par ailleurs, en 2020, le Liban s’est prononcé pour la première fois de son histoire en faveur du moratoire au cours de l’Assemblée générale de l’ONU, aux côtés de 122 autres États.

À part la Turquie qui a aboli de jure la peine capitale, le Liban est le seul pays arabe et du Proche-Orient qui est considéré comme l’ayant abolie de facto. Alors que des pays de la région figurent dans le top cinq des États ayant le plus mis à mort des condamnés en 2022, à savoir l’Iran, l’Arabie saoudite et l’Égypte, les autorités libanaises ont réussi à maintenir le moratoire malgré plusieurs crises qui ont secoué le Liban durant ces vingt dernières années. Parmi ces crises, les combats contre les jihadistes de l’État islamique à la frontière est (2014-2017), mais aussi la bataille dans le camp palestinien de Nahr el-Bared au Liban-Nord (2007), où plusieurs soldats libanais ont été tués, et les affrontements meurtriers à Abra, près de Saïda (2013), contre les partisans du cheikh salafiste Ahmad el-Assir. Par ailleurs, de nombreux crimes crapuleux et des féminicides ont été commis au cours de ces dernières années, entraînant souvent des appels à l’exécution des meurtriers. Dans ce contexte, de nombreux juges ont continué à rendre des jugements où la peine capitale est prononcée contre les accusés, en vertu de la loi. Ils sont autour de 80 actuellement. Cependant, les peines sont restées sans exécution.

Le Liban très proche de l’abolition

Sachant que ce moratoire peut être réversible à tout moment, les militants abolitionnistes s’activent sans relâche pour que les quelque 41 dispositions légales qui punissent des crimes de la peine de mort soient complètement abrogées, ou du moins une grande partie d’entre elles, qui ne sont pas considérées comme des crimes graves.

« De nombreux groupes parlementaires soutiennent l’abolition de la peine capitale », assure Ogarit Younan, estimant que deux tiers des députés de tous bords et de toutes confessions ont officiellement confirmé être contre la condamnation à mort, mais selon elle, n’osent pas faire le premier pas. L’activiste affirme en outre qu’un projet de loi signé par dix élus est prêt à être présenté au Parlement dès que la situation politique le permet. « Le Liban est très très proche de l’abolition de la peine capitale », conclut-elle, optimiste.

C’est un tonnerre d’applaudissements et une ovation debout que la militante et activiste libanaise contre la peine de mort et la torture, Antoinette Chahine, a reçus à la fin de son témoignage poignant – au cours d’une conférence organisée à Amman les 11 et 12 juillet par l’organisation ECPM (Ensemble contre la peine de mort) – sur son expérience en prison, son...

commentaires (3)

La France a aboli la peine de mort .Un observateur impartial dirait que les crimes sont plus nombreux et plus barbares . Au Liban tout le monde possède une arme . En France seuls les assassins sont armés.Il n'y a que le retour de la peine qui inversera la tendance!

Yves Gautron

20 h 35, le 17 juillet 2023

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Commentaires (3)

  • La France a aboli la peine de mort .Un observateur impartial dirait que les crimes sont plus nombreux et plus barbares . Au Liban tout le monde possède une arme . En France seuls les assassins sont armés.Il n'y a que le retour de la peine qui inversera la tendance!

    Yves Gautron

    20 h 35, le 17 juillet 2023

  • La peine capitale peut être abolie là où les lois sont en vigueur. Au Liban, bien que non appliquée depuis une cinquantaine d'années, cette décision pourrait multiplier les crimes.

    Esber

    19 h 03, le 17 juillet 2023

  • La torture pratiquée sans discontinuer est bien pire que la peine capitale. Au moins la mort met un point final aux douleurs. Jacques Vergès a octroyé une valeur supérieure à la dignité d'un humain qu'à sa vie.

    Céleste

    10 h 45, le 17 juillet 2023

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