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Sport - Tennis

Daniel Jade, le prodige libanais devenu champion de France

Le jeune Franco-libanais de 14 ans a remporté avec brio la finale de ses premiers championnats de France, ce lundi à Roland-Garros, quelques mois après sa naturalisation. Une étape de plus vers son ascension fulgurante vers les sommets du tennis tricolore dont il est désormais l'une des plus grandes promesses.

Daniel Jade, le prodige libanais devenu champion de France

Daniel Jade posant avec le trophée de finaliste du tournoi des Petits As, après sa finale disputée face à Mark Ceban en janvier dernier, à Tarbes. Photo fournie par la famille de Daniel Jade

À peine entré dans le giron du tennis français, Daniel Jade a déjà fait son trou. La formule aurait presque l’air d’un euphémisme tant l’adolescent surclasse la concurrence depuis son arrivée dans l’Hexagone il y a bientôt deux ans.

Ce lundi matin, sur le court 14 de Roland-Garros, il a fait honneur à son nouveau statut de n° 1 français de sa catégorie (13/14 ans) en surclassant le dernier adversaire qui se dressait sur la route de son premier titre de champion de France.

Le score est sans appel : 6/0, 6/0, « deux bulles », comme on dit dans le milieu, en à peine 45 minutes. Un match à sens unique qui est à l’image de ses quatre tours précédents, lors desquels Daniel n’a pas perdu un seul set. Mieux, il n’a jamais concédé plus de deux jeux lors d’une même manche. Le tout en raflant quelques heures plus tard, en compagnie de son adversaire en finale du simple Jules Rimbaud, le titre en double en renversant la rencontre.


Daniel Jade posant avec sa médaille reçue après sa victoire en finale des championnats de France de tennis junior, lundi à Roland-Garros. Photo fournie par la famille de Daniel Jade

Et lorsqu’on regarde les images, on comprend mieux pourquoi. Du haut de son mètre 77, mis en relief par son catogan, Daniel met déjà une tête à son concurrent du jour. Quelques kilos de muscles aussi, comme en témoigne son gabarit aux contours bien distincts.

Cette maturité saisissante pour un jeune homme de 14 ans se reflète tout autant dans son tennis. Le visage serein, le jeune 1/6 développe son jeu avec calme et précision en faisant reculer son adversaire derrière sa ligne grâce à son lift de coup droit, que la terre battue propulse au-dessus de l’épaule de Jules, son « ami » sur et en dehors des courts.


Normand d’adoption

« Ce n’est jamais facile de jouer contre un ami, mais parfois, au tennis, on est obligé de le faire, confie Daniel Jade, joint par L’OLJ. Je m’étais dit, en rentrant sur le terrain, que je devais jouer comme si c’était contre un autre adversaire et qu’après, tout redeviendrait normal après le match. »

En plus de sa puissance et de sa technique qui sautent aux yeux dès les premiers coups de raquette, ce mental d’acier est, d’après Olivier Halbout, président de la Ligue de tennis de Normandie, dans laquelle Daniel évolue depuis deux ans, son arme principale sur le court : « Daniel est un des rares garçons qui sont plus forts en compétition qu’à l’entraînement, affirme-t-il. C’est un guerrier, il ne lâche jamais rien. Il a un contrôle de ses émotions qui est surprenant pour son âge, et c’est ce qui le rend meilleur que les autres. »

Olivier Halbout est loin d’être le seul habitant de la région normande à se montrer dithyrambique à l’égard du jeune homme. Il n’y avait qu’à lire la teneur de la vague de commentaires publiés sous les diffusions en direct de la finale sur les réseaux sociaux de la Fédération française de tennis.

« Partout où Daniel passe en Normandie, une vraie vague d’affection se déverse sur lui, ajoute le président. On peut dire que le peuple normand a vraiment adopté Daniel et son grand frère tant ils ont laissé une forte empreinte dans le cœur des gens. »


Daniel Jade lors d'un entraînement sur la terre battue de Roland-Garros. Photo fournie par la famille de Daniel Jade

L’histoire d’amour entre les frères Jade et leur région d’adoption a commencé à l’été 2021, date à laquelle Daniel et William, de deux ans son aîné, ont quitté le Liban pour poser leurs raquettes dans le nord de la France. Mais il faut remonter encore quelques décennies en arrière pour comprendre celle qui unit la famille Jade et le tennis.

Celle-ci débute en 1978, au moment où leur père Sami quittait lui aussi le Liban en guerre, alors âgé de 11 ans, avec ses parents. Ces derniers s’installent alors dans le 16e arrondissement de Paris, qui a parmi ses nombreuses qualités celle de border le plus prestigieux complexe tennistique de l’Hexagone : Roland-Garros.

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C’est donc tout naturellement que le jeune Sami s’amourache de la petite balle jaune et développe une fascination pour Björn Borg puis pour Yannick Noah, dernier Français en date à avoir été sacré sur l’ocre parisienne, en 1983.

De quoi lui susciter quelques rêves de carrière tennistique, avant de se consacrer plutôt aux pistes d’athlétisme puis de s’adonner à son métier de chirurgien plasticien une fois rentré au Liban.

Mais loin de lui l’idée de ranger sa raquette. Avec sa progéniture, il retourne sur les courts dès que William, son fils aîné, atteint l’âge de taper dans la balle : « J’ai commencé par initier William au tennis dès l’âge de quatre ans, et il s’est tout de suite accroché, raconte Sami Jade. En revanche, Daniel n’était pas très intéressé par le tennis à l’époque, il était plutôt attiré par le foot. Au début, on l’a laissé faire, car j’estime qu’il ne faut jamais forcer un enfant à pratiquer un sport. Puis il a fini par se rendre compte que son frère et moi passions de beaux moments ensemble, et il nous a rejoints spontanément. »


De gauche à droite, Elyse, Daniel, Sami et William Jade, lors d'un tournoi de l'équipe de France aux Championnat d’Europe des nations (Winter Cups) à Duren en Allemagne en février 2023. Photo fournie par la famille de Daniel Jade.

« Après l’explosion, on s’est dit qu’on ne pouvait plus les laisser ici »

À force de les voir progresser, les parents de William et Daniel confient leurs deux tennismen en herbe à un professeur particulier. Ces derniers rejoignent très vite les sélections nationales de jeunes de la fédération libanaise et remportent l’un comme l’autre le titre de champion du Liban à plusieurs reprises.

Mais très vite, tout le monde se rend compte que les terrains du Liban ne sont plus assez larges pour le talent des frères Jade qui approchent de l’adolescence : « Lorsqu’on avait l’occasion de voyager à l’étranger pour les faire participer à des compétitions internationales ou à des stages d’été, les gens nous répétaient souvent que c’était dommage que Daniel ne soit pas plus exposé. Car, en restant au Liban, il était clair qu’il n’avait pas beaucoup de chances de grandir par rapport à d’autres joueurs dans le monde », concède Sami Jade.

Le déclic, ou plutôt la tragédie, qui va précipiter le départ des deux frères vers l’Hexagone, comme celui de milliers de leurs compatriotes, a lieu le 4 août 2020. « Après l’explosion du port, je me suis dit : “Il faut faire quelque chose, on ne peut pas les laisser ici”, poursuit le paternel. C'était une réflexion à laquelle nous pensions depuis le début de la crise économique et politique que nous subissons depuis 2019. Chose qui a été encore plus exacerbée par la pandémie de Covid-19. Ma femme, Elyse, qui était, et qui est toujours d’ailleurs très impliquée dans le projet du point de vue soutien affectif et mental, surtout pour les enfants, a été d’accord avec cette décision. C’est à ce moment-là que j’ai commencé mes recherches en France, en commençant par la Normandie, car nous avons de la famille qui vit là-bas. »


Daniel raquette à la main à l'âge de 5 ans, au Liban. Photo fournie par la famille de Daniel Jade

Quelques mois plus tard, les deux garçons plient bagage en direction du nord de la France, plus précisément dans l’Eure, au Vaudreuil, où résident leur oncle et leur tante. « Ça fait forcément un choc de passer du Liban à la Normandie, relate Daniel. Et ce n’est jamais facile de quitter son pays natal. Mais une fois qu’on s’est installé et qu’on a intégré un centre d’entraînement, c’était incroyable. Les conditions de vie et d’entraînement sont bien meilleures pour nous ici. »

Loin d’être dépaysés par la côte normande, ils brillent dès leur galop d’essai lors d’une tournée estivale dans le Calvados. Ils ne mettent pas longtemps à taper dans l'œil de la direction technique nationale du tennis français, interloquée par l’étonnante précocité de ces joueurs libanais. Surtout celle du plus jeune qui enchaîne pas moins de seize succès d’affilée.

« C’est le club de Mont-Saint-Aignan (où Daniel et William sont inscrits, NDLR) qui est d’abord venu vers nous, explique Olivier Halbout. Puis, lorsque nous sommes allés le voir, on l’a rapidement inscrit à un tournoi du circuit européen. Vu qu’il n’était pas encore classé, on a réussi à lui obtenir une “wild card” (une invitation, NDLR) et il est allé au-delà de nos espérances puisqu’il a remporté le tournoi. C’est là qu’on s’est rendu compte qu’on avait une pépite brute entre les mains », conclut-il.

C’est alors que Daniel intègre à l’âge de 12 ans le cursus intitulé « double excellence », mêlant le tennis aux études, au sein de la Ligue de Normandie qui a mis tous les moyens qu’elle pouvait avoir à sa disposition pour favoriser le développement de son nouveau prodige. Un investissement que les dirigeants normands n’ont pas longtemps hésité à consentir devant les qualités tennistiques évidentes des deux frères, mais aussi compte tenu de la très bonne entente liée avec leur famille.

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Puis tout est allé très vite. Initialement estimé à 15/3, Daniel a gravi un à un les échelons sous l’égide de son entraîneur Robin pour être aujourd’hui classé 1/6. Un rang qui fait de lui le numéro 1 français dans sa catégorie d’âge des 13/14 ans.

« C’était un projet fou et, bien sûr, ça a été très dur pour nous de laisser partir nos garçons, surtout pour moi », avoue leur maman, Elyse Jade qui excerce comme pédodontiste, dont le cabinet est toujours basé au Liban, tout comme celui de son mari. « Mais William et Daniel étaient prêts, et il était de notre devoir de parents d'être pragmatiques et de leur donner toutes les chances de réussir », ajoute-elle.

« C’était important pour nous de rester ensemble, ajoute Daniel à propos de son frère William, également classé 1/6 et faisant partie des 20 meilleurs joueurs français de sa génération née en 2006. On est très très proches l’un de l’autre. On joue ensemble depuis qu’on est tout petits et on s’entend d’autant mieux qu’on partage tous les deux la même passion. Ça nous tire vers le haut. »

Toujours collés l’un à l’autre depuis leur enfance, les deux frères seront toutefois séparés à partir de la saison prochaine, dans la mesure où Daniel rejoindra bientôt le pôle espoir de Poitiers pour poursuivre son ascension. «C’est sûr que ça ne va pas être facile de le quitter », concède Daniel. Mais c’est la meilleure décision que je pouvais prendre pour continuer à progresser. » « Je continuerai de l’appeler tous les jours », rassure-t-il.


Daniel Jade serrant le poing après un point gagné lors d'un match du tournoi des Petits As, en janvier dernier à Tarbes. Photo fournie par la famille de Daniel Jade

Si la décision d’expatrier Daniel et William fut difficile, elle est désormais ponctuée d’une issue particulièrement heureuse puisque l’intégralité de la famille a été gratifiée de la nationalité française en décembre dernier, une procédure facilitée par l’intervention du ministre des Affaires étrangères.

« C’est une grande fierté de pouvoir représenter la France en compétition, décrit Daniel, qui précise que cela ne représente en rien un renoncement de ses origines libanaises. Le fait d’avoir été naturalisé m’ouvre plein de portes, comme celles de représenter la France en compétitions et de jouer contre les meilleurs dans les championnats de France. C’est une grande fierté pour moi. »

À mesure qu’il enchaînait les titres et empilait les trophées, Daniel a logiquement fini par s’aligner au départ du tournoi le plus prestigieux au monde en catégorie junior, celui des « Petits As », qui s’est tenu à Tarbes l’hiver dernier.

Dans le sillage de Rafael Nadal, Richard Gasquet ou encore Andy Murray, il s’est hissé jusqu’en finale de la compétition, où il a toutefois été battu par l’Anglais Mark Ceban. Petit clin d'œil du destin, Daniel évoluait encore sous pavillon libanais pendant la compétition, puisque le décret officialisant sa naturalisation n’avait pas encore été publié au moment de son inscription enregistrée quelques mois plus tôt.

À peine entré dans le giron du tennis français, Daniel Jade a déjà fait son trou. La formule aurait presque l’air d’un euphémisme tant l’adolescent surclasse la concurrence depuis son arrivée dans l’Hexagone il y a bientôt deux ans.Ce lundi matin, sur le court 14 de Roland-Garros, il a fait honneur à son nouveau statut de n° 1 français de sa catégorie (13/14 ans) en...

commentaires (6)

bravo ! ça fait tellement plaisir !!

lila

14 h 33, le 23 juin 2023

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Commentaires (6)

  • bravo ! ça fait tellement plaisir !!

    lila

    14 h 33, le 23 juin 2023

  • Bravo ! Félicitations !

    WARDE Nada

    13 h 51, le 22 juin 2023

  • Une belle fierté pour notre Liban…Dieu sait s’il en a besoin.

    Charles Ghorayeb

    06 h 28, le 22 juin 2023

  • Bravo pour cet exploit. Quelle bonne nouvelle ! et croisons les doigts pour la suite.

    Marionet

    23 h 44, le 21 juin 2023

  • Roland Garros est a Boulogne pas dans le XIVe arrondissement

    Tabet Ibrahim

    16 h 46, le 21 juin 2023

  • QUELLE BELLE HISTOIRE SURTOUT POUR LES PARENTS. ON POURRA JAMAIS IMAGINER LE DEGRÉ DE BONHEUR CHEZ LES PARENTS. BRAVO

    Gebran Eid

    13 h 31, le 21 juin 2023

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