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Après le Qatargate, un nouvel organisme pour renforcer l'éthique dans l'UE

Le drapeau de l'UE sur un bâtiment officiel. Photo d'illustration AFP

Bruxelles a présenté jeudi son projet de nouvel organisme chargé d'établir des standards éthiques pour les institutions européennes, une avancée promise avant même le scandale du "Qatargate" et qui est jugée très insuffisante par des experts et des eurodéputés.

La présidente de la Commission Ursula von der Leyen s'était déjà engagée à créer une telle structure avant le début de son mandat en 2019. Le projet avait été retardé mais a trouvé un nouvel élan après le scandale de corruption présumée qui a éclaté en décembre 2022 et ébranlé le Parlement européen.

"La démocratie ne peut prospérer que si les citoyens font confiance aux institutions (...) En Europe, les gens ne distinguent pas si un scandale est né dans l'une ou l'autre institution. Pour rester crédibles, il faut des normes éthiques communes", a déclaré la vice-présidente de la Commission Vera Jourova, en charge des valeurs et de la transparence. Elle a appelé à fixer des règles "claires, compréhensibles et transparentes" d'ici les élections européennes de juin 2024. Selon un sondage Eurobaromètre publié mardi, seuls 35% des Européens se disent satisfaits de la lutte anticorruption au sein de l'UE.

La structure proposée par l'exécutif européen serait chargée d'élaborer des règles éthiques communes dans une série de domaines: déclarations de patrimoine et d'intérêts, activités extérieures pendant et après le mandat, cadeaux, invitations et voyages, distinctions honorifiques, rencontres avec des lobbyistes...

Ces standards s'imposeraient aux responsables politiques de neuf institutions de l'UE. Ils concerneraient notamment l'ensemble des commissaires européens --mais pas les fonctionnaires qui relèvent déjà d'un règlement commun--, les eurodéputés (mais pas leurs assistants parlementaires), le président du Conseil européen, les ministres du pays occupant la présidence tournante du Conseil de l'UE.

Les institutions visées incluent également la Cour de justice de l'UE, la Cour des comptes, la Banque centrale européenne, le Comité des Régions et le Comité économique et social. La Banque européenne d'investissement pourra s'y ajouter ultérieurement.  Ces organisations seraient légalement contraintes d'aligner leurs propres règles au moins au niveau des standards fixés, et seraient tenues responsables de leur application, y compris de sanctions et de poursuites juridiques en cas de violations, a expliqué Mme Jourova.

De fait, "l'organisme éthique", composé de représentants des institutions concernées et de cinq experts indépendants, n'aura pas de pouvoir d'enquête ni de sanctions.

"Changement cosmétique"

"Les bases juridiques étaient fragiles" pour de tels pouvoirs, a indiqué Vera Jourova, pointant aussi la nécessité d'une solution susceptible d'être adoptée rapidement d'ici les élections de 2024. Le projet de la Commission, qui sera désormais négocié entre les institutions concernées, est accueilli par de vives critiques, ses détracteurs réclamant une autorité indépendante aux pouvoirs d'enquête et de sanction étendus.

"La proposition est extrêmement décevante, sous-calibrée et sans souffle" et "ne suffira pas à rétablir la confiance dans l'UE", car "le Qatargate montre que l'autorégulation des politiciens et fonctionnaires ne fonctionne pas", a réagi l'eurodéputé Daniel Freund (Verts). Cet élu allemand est l'auteur d'un rapport adopté par le Parlement européen en 2021, qui proposait un organisme ayant le pouvoir d'enquêter et de recommander des sanctions.

"Il serait totalement incompréhensible que les institutions continuent à se contrôler elles-mêmes", abonde l'eurodéputé Renew (centristes et libéraux) Gilles Boyer. Son groupe affirme ne pas pouvoir soutenir "un organe d'éthique vide de substance". Les Socialistes & Démocrates (S&D) ont déploré "une occasion perdue" et un "+organisme éthique+ indigne de son nom".

L'organisme éthique "apparaît affaibli au point de devenir un simple changement cosmétique", déplore Alberto Alemanno, professeur de droit européen à HEC Paris. "Ce n'est pas une structure inoffensive, il y aura des mécanismes pour s'assurer que les institutions appliquent efficacement les standards", au risque sinon d'être poursuivie par la justice européenne, s'est cependant défendue Mme Jourova.

La médiatrice de l'UE, Emily O'Reilly, s'est inquiétée des moyens modestes prévus: Mme Jourova a indiqué mardi que l'organisme serait doté de trois employés et 600.000 euros de budget annuel. Mais tout sera question de mise en oeuvre, a averti Mme O'Reilly. Changer les mentalités "prendra du temps" et le nouvel organisme "ne sera pas une solution immédiate", a estimé la responsable irlandaise.


Bruxelles a présenté jeudi son projet de nouvel organisme chargé d'établir des standards éthiques pour les institutions européennes, une avancée promise avant même le scandale du "Qatargate" et qui est jugée très insuffisante par des experts et des eurodéputés.

La présidente de la Commission Ursula von der Leyen s'était déjà engagée à...