
Le ministre sortant de la Justice, Henri Khoury, lors d'une conférence de presse le 30 mai 2023 à Beyrouth. Photo Nabil Ismaïl
Le ministre sortant de la Justice, Henri Khoury, a défendu mardi, lors d'une conférence de presse, le choix des avocats français qui représentent les intérêts du Liban dans l'affaire de la saisie préventive par la justice française des biens en France du gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé. "Je suis attaché à ce choix", a-t-il indiqué, faisant valoir que "ces deux avocats continuent d'exercer leurs fonctions (dans le cadre de l'affaire Salamé). Le but de leur travail est de protéger les droits de l'Etat libanais".
Le choix des deux pénalistes, Emmanuel Daoud et Pascal Beauvais, avait été critiqué vendredi par le gouvernement qui avait demandé, lors d'un Conseil des ministres, que d'autres noms soient proposés, ce à quoi M. Khoury s'oppose. Le ministre, proche du Courant patriotique libre (CPL, aouniste) et de l'ancien président Michel Aoun, fait partie des ministres qui boycottent les réunions du cabinet sortant en période de vacance présidentielle.
Ces deux avocats de renom avaient été choisis en mars dernier par la cheffe du Contentieux de l’Etat Hélène Iskandar, pour représenter le Liban dans l'affaire Salamé en France. Ils ont consenti à offrir leurs services à titre gratuit, et ont conclu début avril des contrats avec le ministre de la Justice, qui les a aussitôt transmis au Conseil des ministres pour les valider par décret.
Réuni vendredi dernier en présence de 17 de ses membres seulement, le Conseil des ministres avait décidé de reconsidérer ce choix d’avocats, et de charger M. Khoury de présenter de nouveaux noms. Motif invoqué dans le procès-verbal de la réunion du gouvernement, que L'Orient-Le Jour a consulté : l'avocat Emmanuel Daoud serait lié à une organisation "soupçonnée de véhiculer des idées sionistes".
"Emmanuel Daoud est catholique, son père est algérien et sa mère française. Il a défendu le militant palestinien Salah Hammouri", a indiqué le ministre de la Justice mardi pour justifier son choix. "Pascal Beauvais, lui, a pris part à plusieurs colloques au Liban. Il a défendu les Yazidis en Syrie et en Irak", a-t-il poursuivi.
"Essayer de trouver des juristes qui acceptent de travailler gratuitement nous a pris à peu près un an. Ce choix a été effectué en présence de la cheffe du contentieux", a ajouté M. Khoury. Il a par ailleurs rappelé que la justice française devrait rendre son verdict le 4 juillet prochain dans l'affaire Salamé. "Si nous n'y sommes pas, les autorités libanaises devront en assumer la responsabilité", a lancé le ministre.
Report du Conseil des ministres
Peu après la conférence de presse du ministre de la Justice, le bureau de presse du Premier ministre sortant Nagib Mikati a annoncé le report de la réunion du gouvernement prévue mercredi pour débattre du choix des pénalistes français et à laquelle le chef de l'exécutif avait invité M. Khoury, qui avait décliné l'invitation.
"Après que le ministre de la Justice a annoncé son intention de ne pas assister à la réunion prévue demain (mercredi), le Premier ministre a décidé de la reporter. Il appelle le ministre à reconsidérer ses prises de position car l'exposition (du sujet) dans les médias ne peut pas remplacer le Conseil des ministres, qui devra au final trancher dans cette affaire", indique un communiqué.
"Nagib Mikati considère que personne ne tient autant que lui à protéger les intérêts du Liban, notamment en ce qui concerne l'affaire (Salamé) devant la justice française", poursuit le texte. Le communiqué du chef du gouvernement accuse par ailleurs le ministre de la Justice de "paralyser le travail des institutions constitutionnelles", et menace de faire porter à M. Khoury "la responsabilité de tout dommage susceptible d'affecter les intérêts de l'Etat". "Il est encore temps de prendre une décision convenable", ajoute le texte.
Khoury réfute les accusations de Mikati
La réaction de M. Khoury ne s'est pas fait attendre. Dans un communiqué, le ministre a indiqué que le chef du gouvernement sortant l'avait contacté pour l'informer de sa décision d'ajourner la réunion du cabinet afin d'examiner les CV des avocats Emmanuel Daoud et Pascal Beauvais, que le ministre a envoyés ce jour à la présidence du Conseil. M. Khoury a également réfuté les accusations de M. Mikati : "La responsabilité constitutionnelle, légale et morale, incombe à celui qui bloque la désignation des avocats français", a-t-il critiqué, assurant "ne pas accepter que l'Etat libanais ne soit pas représenté dans des procès à l'étranger".
Ciblé par plusieurs enquêtes au Liban et en Europe concernant la façon dont il s’est constitué un riche patrimoine immobilier, le gouverneur de la BDL est sous le coup d'une notice rouge d'Interpol consécutive à un mandat d'arrêt international émis par la justice française. De plus, le Liban a été informé verbalement par l'Allemagne mardi dernier d'un mandat d'arrêt contre Riad Salamé "pour corruption, faux et usage de faux, blanchiment d'argent et détournement de fonds", selon l'agence Reuters.
Le ministre sortant de la Justice, Henri Khoury, a défendu mardi, lors d'une conférence de presse, le choix des avocats français qui représentent les intérêts du Liban dans l'affaire de la saisie préventive par la justice française des biens en France du gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé. "Je suis attaché à ce choix", a-t-il indiqué, faisant valoir que "ces deux...
commentaires (5)
La mafia ne veut décidément rien laisser au hasard, c’est étrange de se sentir prisonnier dans son propre pays…
Sam
08 h 08, le 31 mai 2023