L'aide en dollars du HCR aux réfugiés syriens est un "grand crime à l'encontre du Liban", selon le ministre Hajjar

Le ministre libanais sortant des Affaires sociales, Hector Hajjar, a critiqué vendredi l'octroi en dollars à partir de fin mai des aides fournies aux réfugiés syriens au Liban par le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), disant ne pas avoir été notifié officiellement de cette décision, et l'a appelé à revenir sur cette décision qui, selon lui, nuit au pays.

Lors d'une conférence de presse au ministère dans le quartier de Badaro, à Beyrouth, M. Hajjar a déclaré : "Mercredi, j'ai appris par les services de renseignement qu'il y avait un mouvement inhabituel devant les distributeurs de billets de la Banque Libano-Française dans la Békaa", où les réfugiés peuvent retirer leurs aides. "Or, nous n'avons pas été consultés à ce sujet, alors que nous sommes le ministère concerné. Il y a certes eu des discussions autour de ce dossier, mais aucune décision n'avait été prise. Nous n'avons reçu aucun document officiel à ce sujet", a-t-il ajouté, qualifiant l'initiative du HCR "de grand crime à l'encontre du Liban"

Le HCR avait annoncé, mardi, que les réfugiés syriens pourront retirer leurs aides en espèces en dollars d’ici à la fin du mois de mai. Les paiements étaient jusqu’à présent effectués en livres libanaises, qui ont été très fortement dévaluées depuis le début de la crise économique au Liban en 2019.

"Qui des autorités libanaises a donné son aval ?", a demandé le ministre, un proche du Courant patriotique libre (CPL, aouniste) qui appelle au retour des réfugiés en Syrie. "Je ne veux pas entrer en conflit avec le Premier ministre ou le gouvernement. Je tends également la main au HCR, mais cela ne veut pas dire que nous laisserons tomber notre souveraineté", a-t-il encore dit.

M. Hajjar a également appelé à "revenir sur cette décision erronée". "Le Liban a intérêt à ne pas dollariser ces aides et à obtenir les données du HCR sur les réfugiés", a ajouté le ministre, engagé dans un bras de fer avec cette institution de l'ONU qui refuse de fournir ses données aux responsables libanais.

M. Hajjar a en outre appelé au versement des aides aux réfugiés en Syrie, afin de les inciter à rentrer. Les aides étaient déjà versées par le HCR en dollars, mais converties par les autorités libanaises en livres pour leur versement aux réfugiés, créant un manque à gagner dû au taux de change volatile de la monnaie nationale par rapport au billet vert. 

Plus tôt dans la journée, le ministre des Affaires sociales a rencontré le Coordinateur spécial adjoint de l'ONU pour le Liban, Imran Riza, avec lequel il a abordé la dollarisation des aides. M. Riza s'est ensuite réuni avec le Premier ministre sortant Nagib Mikati au Grand Sérail pour discuter du même dossier. 

Selon les estimations des autorités libanaises, plus de deux millions de Syriens ont trouvé refuge au Liban depuis le début du conflit syrien en 2011, alors que l'ONU évoque 830.000 réfugiés syriens enregistrés auprès de l'organisation. Leur présence est perçue par les différents protagonistes libanais comme un enjeu démographique, économique et sécuritaire majeur, d’autant que le pays traverse une crise socio-économique grave.

Avec la dollarisation des aides, une famille recevant une aide alimentaire et non alimentaire en espèces recevra – selon le programme auquel elle est inscrite – 25 dollars par famille pour les besoins non alimentaires et/ou 20 dollars par membre de la famille pour les besoins alimentaires, avec un plafond de cinq membres. Ainsi, une famille de cinq membres ou plus recevra au maximum 125 dollars par mois. Les ressortissants libanais et les réfugiés palestiniens au Liban bénéficiant d’aides financières en espèces du HCR peuvent, eux, depuis la fin de l’année 2022, encaisser les montants versés en dollars ou en livres, selon l’organisation onusienne.

Ces aides s'ajoutent à celles octroyées aux Libanais, notamment par la Banque mondiale, qui a accordé 300 millions de dollars supplémentaires afin de verser des fonds en dollars à 160.000 foyers défavorisés.