La chaise présidentielle serait-elle une responsabilité ou une propriété ?
Si c’est une propriété, aurait-elle un intérêt général ? Ou serait-elle secrètement la dernière pièce d’un puzzle relatif à un intérêt privé ? Une demi-année s’est écoulée, et après plus de dix réunions parlementaires, aucun accord à cause d’un défaut de quorum constant qui plonge la présidence dans le néant.
Cette vacance présidentielle ne résulte pas majoritairement de la juridicité des séances parlementaires et de leur conformité à la Constitution, mais plutôt de la politisation de la mission confiée aux députés.
Le choix de Michel Moawad connaît beaucoup d’opinions différentes. Tout d’abord, il est favorable aux partisans des Forces libanaises. La raison est plus circonstancielle que légitime : René Moawad a été le premier président post-Taëf, et la demande principale de la communauté internationale et notamment de l’Arabie saoudite réside dans le respect des accords de Taëf, mais cela diverge avec les demandes du camp aouniste qui veut se détacher à tout prix du système politique actuel.
Ceci serait-il une façon déguisée de conserver la place des aounistes au palais présidentiel ?
Outre l’aspect circonstanciel, les Forces libanaises ne tireraient-elles pas des avantages à l’issue de l’élection de Moawad ?
Ce titre de « candidat de l’opposition » donné à Michel Moawad serait donc considéré par le Hezbollah comme un opposant aux armes du parti chiite et ne pourra jamais recevoir ses voix.
D’un autre côté, les députés du mouvement d’octobre 2019 sont eux aussi d’accord à l’exception de Paula Yacoubian qui s’exprime en disant : « Si on refuse de voter pour Sleiman Frangié, comment pouvons-nous accepter de voter pour Michel Moawad ? Ce n’est pas une question de personne, mais de principe. » Là encore cette candidature reste ambiguë.
Serait-il alors un candidat consensuel ou un candidat imposé ? Le plus souvent, le Liban « reçoit » un président consensuel, venant de l’extérieur sans que quelqu’un n’ait son mot à dire.
Qui est concerné par ce choix consensuel ? Est-ce que certains politiciens seraient-ils donc exclus ? Là réside le jeu de Nabih Berry qui attend de voir qui est prêt à baisser les bras et se détacher de son plan afin de faire primer le plan de l’autre. Il s’est lui-même prononcé à ce sujet en disant : « Je me suis conformé à la Constitution et aux lois en vigueur, et j’ai rempli mes devoirs en tant que président de la Chambre, loin de tout message politique à qui que ce soit », mais il n’y a que le coupable qui cherche à se justifier.
Normalement ce qui distingue un candidat d’un autre c’est son « background » international.
Cependant, à l’heure actuelle, même l’extérieur tourne le dos à la présidence libanaise : la Russie est préoccupée par l’Ukraine, l’Amérique constate bien que le Liban lui procure plus de mal que de bien et laisse donc le podium au Hezbollah qui, lui, ne compte pas se détacher de sa position et ne votera jamais pour Moawad.
En évoquant Moawad, nous entendons la qualification de « seul candidat crédible », cette crédibilité doit être définie : l’élection présidentielle libanaise a toujours été divisée en trois catégories : une « élection surprise » avec un président consensuel, une « élection déjà vu » avec un conflit 8 Mars-14 Mars, ou bien une « élection familiale » de descendance. Quelle catégorie remplit Moawad ?
De plus, Joseph Aoun n’est pas une candidature constitutionnellement possible et même s’il l’était Gebran Bassil l’aurait refusé, et Sleiman Frangié d’un autre côté ne satisfait que quelques membres et ne sera probablement jamais élu vu qu’un compromis sur sa candidature est impossible.
Un citoyen libanais affirme : « Sleiman Frangié est trop penché vers le camp du 8 Mars et c’est un ami de Bachar el-Assad, dont le régime a détruit le Liban et tué des Libanais, sa candidature n’est même pas un sujet de discussion. »
Ainsi, les voix qui restent sont celles des Forces libanaises, des Kataëb et du Parti socialiste progressiste, insuffisantes afin d’atteindre le quorum.
Dans une conférence tenue à l’Université Saint-Joseph, Moawad affirme : « La situation actuelle au Parlement est plutôt une prise de position des députés et non pas une volonté de changement. » Il ajoute : « Il y a des groupes qui tiennent uniquement à montrer leurs différences plutôt que de réaliser une entente commune. » Moawad se considère représentant de l’État : « Personne n’a une baguette magique pour régler les problèmes du Hezbollah, mais on aura un président qui représente l’État, personne ne représente l’État, il y a des gens qui représentent des milices, des communautés. »
Mais est-il vraiment un représentant de l’État ? Comment Moawad compte-t-il maintenir des relations avec le monde arabe sans l’accord de l’Iran ou plutôt sous la menace de l’Iran ?
Les Libanais se réveilleront-ils un jour avec un « président surprise » ?
Que ce soit par le report des séances parlementaires, les votes blancs, les candidats politisés ou consensuels, ainsi que l’influence internationale, il est clair que les députés élisent donc un président pour le peuple, sans que le peuple ne soit concerné.
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