Quelques dizaines de proches des victimes de la double explosion au port de Beyrouth du 4 août 2020 ont manifesté jeudi devant le palais de justice, appelant les autorités à poursuivre l'enquête sur ce drame, suspendue depuis plusieurs mois. Présent au sit-in, le père de l'une des victimes a accusé la classe politique d'avoir "crucifié la justice", alors que plusieurs responsables politiques, judiciaires et sécuritaires sont poursuivis par le juge d'instruction près la Cour de justice, en charge de l'affaire, Tarek Bitar.
L'instruction est suspendue depuis février, après que Tarek Bitar a fait l'objet d'accusations du procureur général près la cour de cassation, Ghassan Oueidate, d'usurpation d'identité, alors qu'il venait de reprendre en janvier le contrôle de l'enquête. Celle-ci était en effet à l'arrêt depuis plus d'un an en raison de recours déposés contre le juge Bitar par des responsables cités à comparaître. Lors de sa reprise de l'enquête, le magistrat avait notamment lancé des poursuites à l'encontre de Ghassan Oueidate. En réaction, le procureur avait ordonné la libération des 17 suspects détenus sans procès depuis août 2020.
Interrogé par notre journaliste sur place Claude Assaf, Nazih Adem, père de Krystel Adem, l'une des victimes, a accusé la classe politique de "crucifier la justice pour enterrer la vérité". "Nous ne menons pas ce combat en notre nom seulement, mais parce qu'il s'agit d'une cause nationale, que nous soutenons pour les générations futures. Si ce crime reste impuni, nous risquons de voir d'autres victimes" de l'incurie au Liban, a-t-il déclaré. "Même ceux qui ont été libérés à tort (par Ghassan Oueidate, NDLR) ne sont pas à l'abri de la justice. Ils seront poursuivis même de l'autre côté de la terre", a-t-il poursuivi, affirmant que la détermination des proches des victimes "se renforce au fur et à mesure que le temps passe".
Les manifestants présents sur les lieux brandissaient des photos de leurs proches décédés. La déflagration, survenue dans un hangar contenant des centaines de tonnes de nitrate d'ammonium laissées sans surveillance depuis des années, a fait plus de 200 victimes.
Présente au sit-in, Cécile Roukoz, sœur de l'une des victimes a déclaré : "Nous ne nous lasserons pas, nous sommes venus demander que les choses reprennent là où elles se sont arrêtées". Elle indique que les proches des victimes sont venus rencontrer le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) Souhail Abboud pour lui demander d'interroger Tarek Bitar dans le cadre des accusations d'usurpation de pouvoir lancées contre lui par Ghassan Oueidate. "S'il trouve que le juge Bitar est coupable, qu'il lui retire l'enquête, mais sinon il faut le laisser poursuivre son instruction", a-t-elle ajouté.
De son côté, William Noun, qui a perdu son frère Joe, un pompier, dans la double explosion, a affirmé que ce sit-in vise à "faire pression" sur la justice et le barreau afin que soit "enfin tournée la page de la négligence" dans le suivi judiciaire sur cette affaire.
Les plus commentés
Naïm Kassem : Priorité au cessez-le-feu, le reste n'est qu'un détail
Quand Netanyahu invite les Libanais à s'entre-tuer
Ciblée par une campagne d’accusations de trahison, une journaliste libanaise fait l’objet d’un mandat de recherche