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Au procès de la rue Copernic, les mémoires morcelées de témoins de 1980

Des pompiers s'affairent sur les lieux de l'explosion devant la synagogue, rue Copernic, le 3 octobre 1980. Photo Archives AFP

"Environ 1,70m" ou plus petit, cheveux "blonds" ou "noirs", avec ou sans moustache. Quarante-trois ans après l'attentat de la rue Copernic, des témoins encore en vie ont tenté mercredi devant la cour d'assises spéciale de Paris de recoller leurs souvenirs morcelés du poseur de bombe présumé.

Vigile d'un supermarché, policiers, réceptionniste d'un hôtel, employés d'un magasin de moto: tous ont en commun d'avoir croisé la route de l'homme soupçonné d'avoir déposé la bombe qui a fait quatre morts près de la synagogue de la rue Copernic à Paris, le 3 octobre 1980. Ce suspect, qui voyageait sous la fausse identité chypriote d'un dénommé Alexander Panadriyu, et Hassan Diab, unique accusé de ce procès auquel il a refusé de comparaître, ne font-ils qu'un, comme le soutient l'accusation ?

Hassan Diab, universitaire libano-canadien de 69 ans réfute depuis le début tout lien avec Panadriyu et l'attentat, affirmant qu'il passait à cette époque ses examens à l'université de Beyrouth. Plus de quatre décennies après les faits, l'exercice que propose la cour aux dix témoins souvent interloqués est périlleux. A l'image de leur propre chevelure clairsemée et blanchie avec les années, "le temps a passé", glissent ces hommes et cette femme, témoignant à la barre ou à distance.  Chacune de leurs auditions commence par la même question du président, Christophe Petiteau: peuvent-ils dire aujourd'hui "à quoi ressemblait" Alexander Panadriyu ?

"De mémoire"
Romayne B., réceptionniste à l'hôtel où le suspect a logé quinze jours avant l'attentat, passant une partie de la nuit avec une prostituée aujourd'hui décédée, s'excuse presque de n'en avoir "absolument" aucun souvenir. "Cela fait loin", constate à son tour Pierre V., qui lui a vendu la moto utilisée pour poser la bombe rue Copernic. "De mémoire", il dirait que l'acheteur avait de "longs cheveux blonds", "le visage émacié" et avait "payé en dollars américains". C'est ce dernier détail qui l'a marqué.

Pierre V. pense qu'Alexander Panadriyu s'exprimait bien en français. Reprenant son audition de l'époque, le président note qu'il avait dit qu'il le "parlait assez mal". Philippe G., vigile dans un magasin où Panadriyu avait volé une pince coupante le 27 septembre 1980, le "bousculant" en voulant fuir, doit se faire rafraîchir la mémoire. Ses souvenirs, encore très "vifs" quand il avait été réentendu en 2010, se sont depuis estompés. Il avait décrit le suspect comme mesurant "1,70m", portant les cheveux "mi-longs" et des "lunettes genre Ray Ban", lui rappelle le président. Désormais Philippe G. se souvient avoir dit qu'il avait "le type soixante-huitard". Plutôt "Quartier latin", lit Christophe Petiteau, déclenchant quelques rires dans la salle.  Après le vol à l'étalage avec violences, Alexander Panadriyu avait été emmené au commissariat du XIVe arrondissement pour une audition consignée sur procès-verbal, avant de repartir libre avec la pince d'électricien, qui a probablement servi à confectionner la bombe.

Trois des policiers qui ont été à son contact, aujourd'hui retraités, livrent à la cour une description différente de cet "individu", "plutôt arrogant" pour l'un, "très coopératif" pour un autre, avec lunettes ou sans, porteur ou pas d'une fine moustache.

"Statique"
La cour leur présente tour à tour les quatre portraits-robots qu'ils ont participé à établir en 1980. Pierre V. avait déjà été frappé qu'"aucun ne se ressemblait". Et 43 ans après, "c'est difficile à dire, là c'est statique".  D'ex-policiers croient reconnaître Alexander Panadriyu sur le portrait-robot d'un homme aux cheveux bruns courts, une moustache plus épaisse. L'enquête avait démontré qu'il s'agissait en fait d'un autre membre du commando, qui avait loué une voiture mais qui n'a jamais pu être formellement identifié.

A défaut de pouvoir se tourner vers lui, la cour diffuse des photographies d'Hassan Diab entourant l'attentat, mêlées à d'autres membres présumés du commando. Des témoins pensent pouvoir l'identifier sur ces images en noir et blanc, à son "regard" ou son "menton". Un autre est embarrassé par le passeport d'Hassan Diab en 1980, "une photocopie de photocopie" en convient le président. Le magistrat cherche à les rassurer : ce sera à la cour de se pencher "sur les dissemblances et ressemblances" de tous ces portraits.

Fin du procès le 21 avril.

"Environ 1,70m" ou plus petit, cheveux "blonds" ou "noirs", avec ou sans moustache. Quarante-trois ans après l'attentat de la rue Copernic, des témoins encore en vie ont tenté mercredi devant la cour d'assises spéciale de Paris de recoller leurs souvenirs morcelés du poseur de bombe présumé.Vigile d'un supermarché, policiers, réceptionniste d'un hôtel, employés d'un magasin de moto:...