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Société - Entretien

Imad el-Achkar à « L’OLJ » : Au Liban, les écoles secondaires ne fonctionnent plus qu’à 60 %

Le directeur général de l’éducation espère une décision concernant le bac libanais d’ici à la fin avril.

Imad el-Achkar à « L’OLJ » : Au Liban, les écoles secondaires ne fonctionnent plus qu’à 60 %

Le directeur général du ministère de l’Éducation p.i., Imad el-Achkar, à son bureau. Photo A. M.-H.

À la veille des vacances pascales qui marquent la fin du deuxième trimestre scolaire, les élèves de l’école publique n’auront bénéficié dans le meilleur des cas que de 45 jours d’enseignement dans des conditions normales et d’une quinzaine de jours de classe postgrève, marqués par une abstention record des professeurs. Bien moins que les élèves du secteur privé qui ont bénéficié de 120 jours de classe au moins jusque-là. À l’issue d’une grève des enseignants de deux mois pour revendications salariales sur fond d’effondrement record de la livre libanaise, certaines écoles publiques n’ont toujours pas ouvert leurs portes, alors que la question du bac se fait pourtant pressante. Le directeur général du ministère de l’Éducation p.i., Imad el-Achkar, fait le point pour L’Orient-Le Jour.

Les syndicats d’enseignants ont levé la grève le 6 mars. Quelle est la situation dans les écoles publiques ?

Le retour des enseignants après deux mois de grève s’est fait en rangs dispersés, malgré l’appel des syndicats à la reprise des cours. Dans l’enseignement de base, primaire et complémentaire, qui scolarise 238 000 élèves, la reprise concerne 93 % des établissements, tandis que les 170 000 petits Syriens enrôlés dans le cursus de l’après-midi sont retournés à l’école.

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Le problème réside dans l’enseignement secondaire qui ne fonctionne qu’à 60 % seulement. Des établissements n’ont pas ouvert leurs portes, des enseignants sont toujours en grève ou font seulement acte de présence. Cela prive les 62 000 élèves du secondaire d’une bonne partie du programme et instaure l’inégalité entre les élèves. La situation des élèves de terminale est particulièrement grave, car ils traversent une année charnière. L’absence des professeurs menace leur fin d’études scolaires et leur avenir.

Pourquoi la reprise est-elle si chaotique et pourquoi des enseignants poursuivent-ils la grève ?

Le versement des allocations de productivité par le ministère de l’Éducation a encouragé les enseignants à reprendre le travail. Les allocations s’élèvent à 100 dollars par mois sur les trois premiers mois scolaires pour le personnel cadré. Pour les contractuels, il est proportionnel au nombre d’heures enseignées par semaine, à la condition que le nombre d’heures représente au moins 30 % de l’horaire complet. En versant ces allocations, le ministère de l’Éducation a respecté ses engagements.

Si la colère des enseignants gronde toujours, c’est parce que leurs trois autres revendications sont restées lettres mortes. À commencer par les indemnités quotidiennes de transport, équivalentes à 5 litres d’essence par jour. Une demande encore à l’état de projet de décret, qui attend d’être avalisée par le conseil de la fonction publique et par le Conseil d’État avant d’être officialisée par le Conseil des ministres. Sans oublier la couverture médicale et le retrait des salaires par le biais de la plateforme Sayrafa, à un taux avantageux.

L’adoption de ces trois revendications n’est pas du ressort du ministère de l’Éducation. Nous poursuivons le dialogue avec les enseignants et frappons à toutes les portes pour trouver les financements nécessaires.

Quel est le sort des examens officiels, du baccalauréat libanais particulièrement ?

Nous avons adressé un questionnaire aux directions d’établissements scolaires publics, par le biais du Centre de recherche et de développement pédagogiques (CRDP). Les données collectées nous permettront de savoir où les élèves de terminale et de troisième, classes des examens officiels, en sont dans le programme. Nous devrions être fixés d’ici à la fin avril. Parallèlement, nous invitons les directions à intensifier les cours et à compenser les heures ratées.

L’école publique a-t-elle perdu des effectifs avec l’aggravation de la crise ?

Cette année, avec la multiplication des grèves d’enseignants, l’école publique a perdu 13 % d’élèves de l’enseignement de base et plus de 18 % d’élèves du secondaire. Une partie s’est orientée vers l’enseignement technique. Une autre vers l’école privée. Et nous comptons une proportion de décrochage scolaire dont nous ne connaissons pas encore l’ampleur, sachant que l’année dernière nous avons observé 13 % d’abandon scolaire.

La perte d’effectifs risque de se répercuter sur le nombre d’enseignants. Aujourd’hui, l’école publique compte au total 57 000 professeurs cadrés et contractuels, et membres administratifs. Cela représente un enseignant pour 7 élèves dans l’enseignement de base et un enseignant pour 5 élèves au secondaire, contre un enseignant pour 14 élèves dans le secteur privé. Mais en même temps, des enseignants ont pris leur retraite, d’autres ont quitté une profession qui ne leur permet plus de vivre, d’autres encore ont pris une année de congé. Je crains que d’ici à 10 ans, nous ne manquions de professeurs.

Notre objectif est de nous conformer aux normes internationales, mais nous devrons éviter les zones de vide éducatif, particulièrement en milieu rural, peu peuplé.

Le ministère de l’Éducation pourrait-il profiter de la crise pour engager les réformes attendues ?

Nous n’avons pas d’autre choix, car les pays donateurs conditionnent toute aide aux réformes adoptées. C’est dans ce cadre que nous avons entamé le processus au sein de l’éducation.

La première réforme, dans le cadre du Fonds d’éducation pour la résilience de la transition (TREF) en partenariat avec l’Unicef notamment, est une modalité d’aide innovante pour renforcer la gouvernance, la transparence, l’efficacité et les résultats d’apprentissage des enfants dans le secteur de l’éducation. Elle consiste à modifier radicalement les modalités d’encaissement des fonds attribués à l’éducation. Le ministère ne reçoit plus les fonds. Les soutiens extérieurs se déroulent désormais avec le concours de donateurs, d’organismes de contrôle et d’audits extérieurs. Sur la base de ce nouveau projet, l’Unicef a directement transféré 14 millions de dollars aux caisses des écoles publiques, afin de soutenir et développer ces institutions.

La seconde réforme a pour objectifs l’optimisation des ressources éducatives, cadrées et contractuelles, et la fusion d’établissements scolaires. Nous avons déjà fermé une école publique à Bourj Hammoud et transféré ses élèves à Sin el-Fil, à cause d’un enseignement médiocre et d’effectifs trop peu nombreux. D’autres fermetures sont envisagées de même que la redistribution des enseignants. Il est aussi important de vérifier que les titulaires travaillent au maximum de leurs capacités et de corriger certaines aberrations, comme le recours à certains contractuels pour 2 heures par semaine, par exemple.

À la veille des vacances pascales qui marquent la fin du deuxième trimestre scolaire, les élèves de l’école publique n’auront bénéficié dans le meilleur des cas que de 45 jours d’enseignement dans des conditions normales et d’une quinzaine de jours de classe postgrève, marqués par une abstention record des professeurs. Bien moins que les élèves du secteur privé qui ont...

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