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Moyen-Orient - Éclairage

Pourquoi Israël intensifie ses frappes en Syrie

Alors que l’État hébreu multiplie ses attaques aériennes contre des cibles pro-Téhéran en Syrie, la République islamique, qui a promis de réagir, s’applique dans le même temps à poursuivre ses efforts diplomatiques dans la région.

Pourquoi Israël intensifie ses frappes en Syrie

Des Iraniens lors de la procession funéraire à Téhéran de deux membres du corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) tués vendredi lors d'une frappe attribuée à Israël en Syrie, le 4 avril 2023. Atta Kenare/AFP

Il s’agit de la quatrième attaque attribuée à Israël en Syrie en moins d’une semaine, selon l’agence d’État syrienne SANA. Une frappe aérienne imputée à l’État hébreu aurait tué hier deux civils dans les environs de Damas ainsi qu’un « nombre indéterminé de combattants pro-iraniens », selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Des frappes qui se sont multipliées au cours des dernières semaines. La dernière en date intervient deux jours après la précédente, qui avait blessé au moins cinq soldats syriens dans la province de Homs, selon les autorités du pays. Toujours selon l’OSDH, l’État hébreu aurait mené dix attaques de ce type depuis le début de l’année. Israël, qui revendique rarement les attaques qui lui sont attribuées en Syrie, n’a pas immédiatement commenté. Martelant qu’il ne souhaite pas faire de ce pays la tête de pont de Téhéran et de son allié, le Hezbollah, l’État hébreu vise régulièrement des positions qui leur sont affiliées. Des camions transportant des armes et des équipements en provenance d’Iran sont notamment pris pour cibles à la frontière syro-irakienne.

Crainte d’un affrontement direct

« Cette vague de frappes aériennes israéliennes semble différente des précédentes, commente Anton Mardasov, chercheur non résident au programme syrien du Middle East Institute (MEI). Apparemment, l’Iran tente de déployer ses moyens nationaux de défense aérienne en Syrie, en plus des radars déjà déployés, afin de les intégrer avec les moyens de défense aérienne syriens dans un seul ordre de combat. » Cette recrudescence de raids israéliens a lieu tout juste trois semaines après l’annonce de l’État hébreu – qui a d’abord dissimulé l’information pendant près de 60 heures –, selon laquelle un homme soupçonné d’avoir infiltré le territoire depuis le Liban aurait fait détoner un engin explosif dans le nord du pays. Plusieurs rumeurs ont laissé entendre que ce dernier aurait agi avec le Hezbollah ou en collaboration avec l’une des organisations palestiniennes au Liban.

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Selon le Haaretz, Israël chercherait à riposter à cette faille sécuritaire en menant une campagne de frappes contre des cibles pro-iraniennes en Syrie « par crainte qu’un affrontement direct avec le Hezbollah au Liban ne dégénère en guerre ». À l’heure où une crise politique interne secoue l’État hébreu, où des raids de l’armée tuant quasi quotidiennement des Palestiniens menacent de faire basculer la situation à tout moment dans une confrontation, le pays souhaiterait à tout prix éviter une instabilité généralisée sur son territoire. Surtout, « alors que les gardiens de la révolution islamique (CGRI, armée idéologique de Téhéran, NDLR) ainsi que le Hezbollah ont transféré de l’argent aux Palestiniens de Cisjordanie pour les encourager à commettre des attentats », soutient le Haaretz. Certains observateurs n’excluent cependant pas que la guerre de l’ombre que se livrent l’État hébreu et la République islamique ne déborde au-delà de la Syrie. « Nous pouvons nous attendre à ce qu’Israël étende ses opérations en Syrie et fasse probablement pression sur le Hezbollah aussi au Liban alors que Téhéran se rapproche de la capacité de fabriquer une arme nucléaire », suggère Nicholas Heras, chercheur au Newlines Institute for Strategy and Policy.

Avancée du programme nucléaire iranien

Car ces développements interviennent après la récente découverte, fin février, de traces d’uranium enrichi à 83,7 % dans la centrale nucléaire souterraine iranienne de Fordo, soit juste en deçà du seuil des 90 % nécessaires pour produire l’arme nucléaire. Des avancées qui préoccupent largement Washington et ses alliés régionaux, tandis que l’État hébreu déclarait avoir considérablement amélioré sa préparation à une éventuelle frappe contre des sites nucléaires iraniens. « La République islamique est soumise à une pression intense en Syrie parce que les Israéliens tentent de signaler à Téhéran qu’il y aura des conséquences si l’Iran poursuit son renforcement militaire sur le territoire syrien, souligne Nicholas Heras. Israël tente également de travailler en tandem avec les États-Unis, en appliquant la pression militaire sur les Iraniens, tandis que Washington conserve sa position en Syrie, compliquant ainsi les efforts d’expansion iraniens ».

Pour mémoire

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Signe des inquiétudes des États-Unis, l’administration Biden aurait commencé, en janvier, à discuter avec ses partenaires européens et israéliens d’une proposition d’accord intérimaire avec Téhéran qui prévoirait un allègement des sanctions occidentales contre le gel iranien de certaines parties de son programme nucléaire, ont révélé à Axios dix responsables israéliens, des diplomates occidentaux ainsi que des experts américains. Une approche qui aurait été rejetée jusqu’à présent par la République islamique qui n’exige rien de moins que ce qui est compris dans le deal de 2015, ont précisé les sources, alors que les négociations pour un retour à l’accord de Vienne sont au point mort.

Zone grise

Ayant signé le 10 mars dernier, sous l’égide de la Chine, un accord de normalisation avec son rival saoudien dont les liens étaient coupés depuis 2016, l’Iran entend désormais sortir de l’isolement dans lequel souhaite l’enfermer Israël. La République islamique accentue en outre ses efforts pour obtenir des gains diplomatiques en vue de resserrer ses liens avec d’autres puissances arabes au Moyen-Orient. Dans une perspective de désescalade régionale, sa riposte vis-à-vis de l’État hébreu pourrait se tourner vers le renforcement de sa dissuasion plutôt que vers une confrontation directe avec son ennemi. Ainsi, dimanche, Téhéran aurait prétendument été à l’origine du drone abattu par l’État hébreu au-dessus de son espace aérien, qui y serait entré depuis la Syrie. Une possible réaction mesurée suite à la mort, vendredi à Damas, de deux officiers du CGRI auxquels des milliers d’Iraniens ont rendu hommage hier lors de leurs funérailles. Selon Abdolrasool Divsallar, chercheur au Middle East Direction Program de la European University Institute, cité par al-Jazeera, Téhéran pourrait donc chercher à maintenir ses actions dans une « zone grise » de réponses asymétriques et indirectes.

Si la République islamique privilégierait cette approche, elle n’aurait pas la capacité d’agir autrement. Ce qui expliquerait par exemple le silence actuel de Moscou, parrain de Damas qui contrôle l’espace aérien. « L’attitude distante de la Russie, comme auparavant, est liée à une réticence à s’impliquer dans la confrontation régionale entre Israël et l’Iran, ainsi qu’à un possible scepticisme à l’égard de l’intégration des moyens de défense aériens syriens avec ceux de l’Iran, souligne Anton Mardasov. La livraison, le déploiement et l’intégration clandestins de défenses aériennes, en particulier celles à moyenne portée, nécessitent en effet beaucoup d’efforts. »

Il s’agit de la quatrième attaque attribuée à Israël en Syrie en moins d’une semaine, selon l’agence d’État syrienne SANA. Une frappe aérienne imputée à l’État hébreu aurait tué hier deux civils dans les environs de Damas ainsi qu’un « nombre indéterminé de combattants pro-iraniens », selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Des...

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