Sur Facebook, lundi, a circulé une info suivant laquelle un contrat de gré à gré aurait été conclu entre le Grand Sérail et la compagnie de nettoyage C-Plus pour l’entretien des jardins et du bâtiment. Pour certains internautes, la nouvelle a fait scandale.
« 14.430 dollars par mois, contrat de gré à gré, dans un pays en faillite, pour nettoyer les jardins du Grand Sérail, siège du Conseil des ministres que personne ne visite, même pas les ministres ! Nettoyer le jardin des Tuileries (...) ne coûterait pas autant ! » a écrit Lina Hamdan, ancienne candidate aux législatives à Beyrouth II, sur son compte Facebook. L’Orient-Le Jour a pu consulter une copie du contrat liant C-Plus et la direction générale de la présidence du Conseil des ministres datant du 16 février 2023.
Qu’en est-il réellement ?
Dans le contrat, le montant mensuel est de 1,443 milliard de livres libanaises (soit 13 460 dollars calculé au taux de 107 200 sur le marché libre). « Il est vrai que le montant est en livres, mais j’ai voulu indiquer la somme en dollars pour montrer que le chiffre est aberrant », explique Lina Hamdan. Le règlement de la somme se fait en monnaie nationale par virement bancaire, affirme l’avocat Aymane Jezzini, représentant de la société C-Plus, contacté par L’OLJ. « Une fois la somme transférée à notre compte, au vu de la situation des banques, nous ne parvenons pas à l’encaisser en totalité », rapporte-t-il. La somme indiquée est celle revue à la hausse par le Sérail. « Avant, il nous payait moins et en livres aussi », indique l’avocat de C-Plus. Ni la compagnie ni notre source au sein de l’Autorité des marchés publics ne nous a communiqué le montant précédent.
Est-ce bien un contrat de gré à gré ?
Le communiqué de presse de C-plus dément qu’il s’agisse d’un contrat de gré à gré, indiquant qu’il date de 2018 et est renouvelé chaque année. Ayant aussi pu consulter le contrat, comme l’indique Lina Hamdan, la mention de « gré à gré », c’est-à-dire sans appel d’offres, y est bien mentionnée. Une source de la présidence du Conseil des ministres assure que le contrat est réglementaire, arguant du fait qu’il a été publié sur la plateforme des marchés publics (relevant de la Direction des adjudications), ce que notre publication a pu vérifier. La source précitée s’est contentée de nous diriger vers le communiqué de presse de la société C-Plus, « n’ayant pas plus de détails à communiquer ».Interrogée à ce propos, une source au sein de l’Autorité des marchés publics explique que « le contrat est en fait basé sur l’article 46, alinéa 4, qui permet, pour des raisons de sécurité et d’État, d’être effectué de gré à gré ».
Que devrait couvrir la somme ?
Selon Me Jezzini, la société C-Plus a été engagée pour nettoyer les bâtiments et entretenir le jardin du Sérail, ainsi que les asperger de pesticides. Elle s’occupe également de fournir les détergents et produits hygiéniques comme le savon, le gel pour les mains, les mouchoirs en papier, etc. « C’est aussi pour régler les salaires des 47 employés engagés pour nettoyer le Sérail et ses bâtiments. La zone à couvrir fait 40 000 mètres carrés », continue l’avocat. Une source au sein de l’Autorité des marchés publics nous a confirmé que la société C-Plus s’occupe, en plus du jardin du Sérail, comme indiqué dans le contrat, « du nettoyage du Sérail, y compris la salle du Premier ministre ».
Pourquoi C-Plus demande-t-elle à être payée en « dollars frais » ?
La société a publié un communiqué de presse affirmant que la somme en livres ne suffit plus à couvrir ses dépenses et qu’elle travaille à perte à cause de la fluctuation constante de la monnaie nationale face au dollar. « Nous devons payer nos employés et régler tous les produits en cash, aucun fournisseur n’accepte les chèques bancaires. C’est pour cela que nous demandons que le contrat soit revu et que l’on soit payés en dollars frais », explique Me Jezzini. L’entreprise a demandé au Sérail de s’entendre sur un montant à payer en dollars frais, à défaut de quoi elle devrait mettre un terme à ses services. Le Sérail refuse jusque-là la requête.
De scandale en scandale
10 h 08, le 02 avril 2023