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Culture - Initiative

Quatre précurseurs exposés à la LAU, comme une petite leçon d’histoire de l’art libanais

Une vingtaine d’œuvres, dont certaines rares, des quatre grands précurseurs de l’art moderne et de l’art abstrait libanais – César Gemayel, Omar Onsi, Moustapha Farroukh et Saliba Douaihy – sont exposées au sein de la Lebanese American University (LAU), sous la curation du Dr Tony Karam.

Quatre précurseurs exposés à la LAU, comme une petite leçon d’histoire de l’art libanais

César Gemayel, « Dialogue », huile sur toile, 46 x 70 cm. Photo DR

Gynécologue de profession, grand pianiste par passion et collectionneur par amour de l’art, le Dr Tony Karam décide, après une rencontre avec le doyen du département des arts et sciences de la Lebanese American University (LAU), de prendre à sa charge pour une année une salle abandonnée dans le bâtiment du département. Objectif ? En tirer profit par amour de l’art et, surtout, s’en servir, à raison d’une exposition chaque deux semaines, comme de petites leçons d’histoire de l’art ouvertes au grand public, aux élèves et aux professeurs de l’université.

Collectionneur lui-même, il gravite dans ce monde de passionnés et compte dans son carnet d’adresses, parmi ses proches connaissances, des amoureux de l’art comme lui et de grands collectionneurs. « Ce n’était pas évident, raconte le Dr Tony Karam, d’obtenir le feu vert, et j’ai été agréablement surpris par l’entière coopération de la part des collectionneurs, sans aucune retenue. » Le projet adopté, il décrochera d’un mur de salon, d’une salle à manger ou d’une entrée des œuvres de quatre des plus grands peintres libanais : César Gemayel, Omar Onsi, Moustapha Farroukh et Saliba Douaihy, et réussit ainsi à récupérer cinq œuvres pour chacun de ces artistes, soit 20 toiles au total. « L’exposition n’est pas du tout à titre commercial, précise le médecin/curateur, mais un moyen de revenir à la genèse de l’art libanais, de comprendre comment l’art abstrait et moderne est né, et c’est surtout une occasion d’aller à la rencontre de ces géants dont les œuvres ne sont plus visibles dans les galeries mais sont la propriété de collectionneurs. Nous avons réalisé ce qu’un musée a l’habitude d’entreprendre comme initiative. »

Saliba Douaihy, « Maison à Ehden », huile sur toile, 50 x 64 cm. Photo DR

Retour aux sources

Voilà donc quatre des plus grands artistes libanais qui ont expérimenté la vie à l’étranger, ont côtoyé l’art européen au début du XXe siècle avant de revenir dans leur pays d’origine porteurs de nouvelles méthodes et de nouvelles visions.

César Gemayel, considéré comme l’un des pionniers de l’art moderne libanais, est né en 1898 dans le village de Aïn al-Touffaha. Élève de Khalil Saleeby, il s’était établi à Paris durant trois ans et en avait tiré grand bénéfice quant à la direction que son art devait prendre. Il marque une transition entre l’ère des portraits commandités par des particuliers et la période révolutionnaire des paysages où les couleurs font leur apparition ainsi que les dessins de nus. La toile exposée, Dialogue, montre deux sujets nus. « César Gemayel, précise le Dr Karam, sort des couleurs sombres, ose deux femmes nues ensemble, tente l’imperfection des corps et les coups de brosse forcés pour appuyer sur le fait que, même imparfait, le corps d’une femme constitue à lui seul une œuvre d’art. Carnaval, quant à elle, est une toile qui décrit une scène de fête où les protagonistes n’ont pas de visage excepté un personnage qui semble regarder hors champ, encore une idée novatrice. » L’art se développe, se démocratise, se libère des carcans des commandes de portraits et autres toiles où l’on posait uniquement pour l’artiste. C’est à partir de César Gemayel que l’impressionnisme tente une percée et apporte à l’art libanais la fonction de pivot. Voilà pourquoi César Gemayel, Moustapha Farroukh, Omar Onsi et Saliba Douaihy sont désignés comme étant les piliers, les précurseurs de l’art moderne libanais. Né en 1901, Moustapha Farroukh, qui a grandi dans une demeure modeste de Basta, est considéré comme l’un des pères fondateurs les plus accomplis de l’art moderne au Liban. Après des études en Italie, au Collège royal des beaux-arts de Rome, il poursuit son apprentissage à Paris sous la houlette de Paul Émile Chabas et Jean-Louis Forain. Durant son séjour en Europe, il participera à plusieurs événements artistiques. Dès son retour au pays, les couleurs vont s’éclaircir, les toiles s’éclabousseront de lumière, l’artiste tentera les ombres et la figure humaine s’introduit. Il contribuera à l’établissement d’un lexique visuel libanais moderne. « Farroukh était particulièrement humaniste, raconte l’artiste Zeina Nader, il aimait traduire la nature humaine, insistait sur ses valeurs, donnait autant d’importance au boucher du village, à sa femme en train de préparer le café du matin. » L’abstraction se profile déjà dans le traitement des lignes qui, au fil du temps, ne seront plus que des formes géométriques. Le modernisme s’installe. Né en 1901 à Beyrouth, Omar Onsi a grandi au sein d’une famille aisée, avec un père médecin et une mère très cultivée issue de l’une des familles politiques montantes de la ville.

Moustapha Farroukh, « Café turc en hiver », huile sur toile, 45 x 56 cm. Photo DR

Onsi était un artiste réservé qui avait vécu difficilement le deuil de sa première femme. Contrairement à ses pairs, Moustapha Farroukh et César Gemayel, Onsi est entré dans l’histoire de l’art en tant qu’esthète apolitique et reclus social. Dans une deuxième période, à la rencontre de sa seconde femme et à la sortie de son deuil, sa palette va se transformer. « La toile Jabal el-Drouze est révolutionnaire dans sa façon de traiter la monochromie et marque le début de l’abstraction de l’artiste, explique le Dr Karam. Grâce à Onsi qui a imprimé sa vision de l’art moderne, nous sommes dans un nouveau courant qui se dessine et qui s’apprête à prendre naissance. » Né à Ehden, au Liban, en 1915, Saliba Douaihy est aussi considéré comme le plus précurseur de l’art abstrait au Liban. Son père, décelant en lui un certain talent, l’envoie à Beyrouth faire son apprentissage chez Habib Srour. Grâce à des fonds récoltés, il rejoint l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Il en sort diplômé avec distinction et exposera au Salon des artistes français. De retour au Liban, il ne tardera pas à déconstruire ses paysages, à styliser ses formes qui, avec le temps, prendront des allures de plus en plus minimalistes. À New York en 1950, il découvre Rothko, Hans Hofmann et Reinhardt, ce qui le confortera dans sa direction vers la peinture abstraite. Il travaille beaucoup les ombres et la lumière dans toutes ses déclinaisons. Dans l’une de ses toiles exposées à la LAU, intitulée Hassroun, on voit les montagnes prendre petit à petit des lignes abstraites.

Omar Onsi, « Paysage Jabal el-Drouze », huile sur toile, 50 x 64 cm. Photo DR

Dans ce lieu hautement académique, l’exposition initiée par le Dr Tony Karam avec l’aide de l’artiste Zeina Nader a permis aux professeurs de la LAU d’utiliser ce matériel comme outil d’apprentissage pour replonger aux sources de l’art libanais. Une belle initiative à but éducatif pour les étudiants et un voyage dans le temps pour les amoureux de l’art.

« Pioneers : César Gemayel, Omar Onsi, Moustapha Farroukh et Saliba Douaihy »

À la Lebanese American University (LAU), campus Ras Beyrouth, Safadi Fine Arts Building.

Jusqu’au samedi 25 mars.

Gynécologue de profession, grand pianiste par passion et collectionneur par amour de l’art, le Dr Tony Karam décide, après une rencontre avec le doyen du département des arts et sciences de la Lebanese American University (LAU), de prendre à sa charge pour une année une salle abandonnée dans le bâtiment du département. Objectif ? En tirer profit par amour de l’art et, surtout, s’en...

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ON PEUT DIRE L’HISTOIRE DE L’ART AU LIBAN AVEC LES QUATRE PREMIER ARTISTES AMATEURS QUI ONT OUVERT LE CHEMIN DE L’ART VISUEL DANS CE PAYS. CHAPEAU ET GRAND MERCI.

Gebran Eid

12 h 23, le 24 mars 2023

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Commentaires (1)

  • ON PEUT DIRE L’HISTOIRE DE L’ART AU LIBAN AVEC LES QUATRE PREMIER ARTISTES AMATEURS QUI ONT OUVERT LE CHEMIN DE L’ART VISUEL DANS CE PAYS. CHAPEAU ET GRAND MERCI.

    Gebran Eid

    12 h 23, le 24 mars 2023

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