Le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, a été auditionné jeudi pendant plusieurs heures au palais de justice de Beyrouth, par le premier juge d'instruction de Beyrouth Charbel Abou Samra dans le cadre d'enquêtes européennes lancée contre lui pour malversations financières. Des juges européens étaient présents à cette audience, selon l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle).
M. Salamé a été entendu en tant que témoin, a indiqué une source judiciaire à l'AFP, précisant qu'il pourrait être interrogé pendant plusieurs jours.
Déploiement policier
L'audience de jeudi a été marquée par un important déploiement sécuritaire dans les alentours du palais de justice.
Une centaine de questions ont été posées par les juges européens durant cette audition. M. Salamé a répondu à 100 questions, fournissant des réponses "détaillées" et "réfutant tous les soupçons de blanchiment d'argent", a indiqué une source judiciaire à l'AFP qui a précisé que l'audition avait duré plus de cinq heures.
D'après une source à l'intérieur du Palais de Justice interrogée par L'Orient-Le Jour, à un moment de l'audience le ton est monté entre les différentes parties, à l'intérieur de la salle.
La séance a été levée vers 16h. L'audience se poursuivra vendredi en présence des juges européens, au cours de laquelle une centaine d'autres questions seront posées au patron de la BDL, a indiqué une source judiciaire à L'Orient-Le Jour. Selon l'Ani, l'audience de vendredi débutera à 10h.
Selon la source judiciaire interrogée par l'AFP, les juges européens quitteront Beyrouth samedi et reviendront à une date non précisée pour interroger le frère du gouverneur de la BDL, Raja Salamé, et son ancienne assistante Marianne Hoayek. Ces deux personnes ont également été convoquées dans le cadre d'une enquête au Liban portant sur plus de 300 millions de dollars de mouvements de fonds suspects opérés par le gouverneur et son frère.
Arrivé à la tête de la BDL en 1993, M. Salamé est accusé par de nombreux Libanais, comme une grande partie de la classe politique du pays, de corruption et d'être l'un des principaux responsables de la grave crise financière qui frappe le Liban.
Le gouverneur est l'objet d'une série d'enquêtes judiciaires aussi bien dans son pays qu'à l'étranger, portant sur des soupçons de blanchiment d'argent et d'"enrichissement illicite".
Convoqué de nombreuses fois après une série de plaintes et d'enquêtes, le gouverneur de la BDL nie catégoriquement toutes les accusations à son encontre.
Le juge Abou Samra avait programmé une audience le mois dernier après avoir lancé des poursuites contre Riad Salamé, son frère Raja et Marianne Hoayek. Ils sont accusés d'avoir détourné des fonds provenant de la vente d'actifs de la BDL - qui, selon les médias suisses, ont été placés dans une douzaine de banques en Suisse - par l'intermédiaire de la société de courtage Forry Associates Ltd, dont Raja Salamé est un bénéficiaire économique.
L'interrogatoire devait avoir lieu mercredi matin mais avait été reporté après que l'avocat de M. Salamé avait soumis un mémo à la Cour de cassation pour tenter d'empêcher les juges européens d'assister à l'audition. Ce mémo avait été rejeté par le juge Charbel Abou Samra.
Pas de démission
Plus tôt jeudi, une source au sein de la BDL avait démenti à L'Orient-Le Jour des informations de presse selon lesquelles Riad Salamé avait présenté une lettre de démission non-datée au Premier ministre sortant Nagib Mikati.
L'audience de ce jeudi a eu lieu alors que mercredi, l'État libanais, représenté par la cheffe du service du contentieux de l'Etat, dépendant du ministère de la Justice, la juge Hélène Iskandar, avait déposé une plainte contre Riad Salamé et son frère Raja. Cette démarche de l'État intervient alors que le Liban s'inquiète du fait qu'un procès à l'étranger contre le directeur de la banque centrale, accusé de détournement de fonds, pourrait mettre en péril les actifs de l'État.
En janvier, des enquêteurs de France, d'Allemagne et du Luxembourg avaient interrogé à Beyrouth des responsables du secteur bancaire sur des mouvements de fonds vers plusieurs pays où Riad Salamé dispose d'un important patrimoine. En mars 2022, les trois pays avaient gelé 120 millions d'euros d'avoirs libanais à la suite d'une enquête visant cinq personnes dont le gouverneur de la BDL.
Le comptable de la Mafia étatique.
11 h 40, le 17 mars 2023