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Politique - Décryptage

Pourquoi le Hezbollah a choisi d’appuyer ouvertement Frangié

Alors que les milieux politiques attendent ce que dira Sleiman Frangié dans sa première apparition médiatique après l’appui officiel à sa candidature de la part du tandem chiite, de nombreuses questions continuent à se poser au sujet du timing de cette annonce et de la position réelle du Hezbollah, sachant que le choix de Frangié a augmenté encore les divergences entre cette formation et le CPL.

S’il est encore trop tôt pour déchiffrer les dessous de la position du Hezbollah, et pour savoir si – comme le disent des sources proches du CPL – le choix de Frangié est dicté par un sentiment de force qui pousse le Hezbollah à sentir qu’il n’a plus besoin de la couverture chrétienne que lui apportait ce parti, on peut toutefois donner déjà quelques explications.

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Des sources proches du Hezbollah affirment ainsi que ce qui a été dit sur le fait que l’annonce de Nabih Berry dans le cadre d’un entretien au quotidien al-Akhbar aurait pris de court, voire dérangé, Sleiman Frangié, est totalement faux. La décision d’annoncer publiquement l’appui du mouvement Amal à la candidature du chef des Marada a été prise de concert avec ce dernier, à partir de Aïn el-Tiné. Auparavant, le président de la Chambre s’était concerté avec le Hezbollah et c’est ensemble que ces trois parties ont décidé de mettre un terme à la tactique du vote blanc lors des séances parlementaires destinées à l’élection d’un nouveau président. D’ailleurs, lundi dernier, le secrétaire général du Hezbollah a suivi l’exemple de Berry pour déclarer ouvertement son appui à la candidature de Frangié. Nasrallah a même insisté sur le fait que le Hezbollah n’a pas de plan B au sujet de l’élection présidentielle. Il a ainsi rappelé implicitement la position du candidat Michel Aoun en 2016, lorsque ce dernier avait ouvertement déclaré qu’il est candidat, sans plan B, car dès qu’on laisse entendre qu’il en existe un, c’est qu’on n’appuie plus le plan A. Le tandem chiite a donc ouvert la campagne, mais c’est désormais au candidat Frangié de s’exprimer et de présenter son programme. Ce qu’il devrait faire dans les plus brefs délais. Amal et le Hezbollah ont donc donné le ton et il ne s’agit pas, affirment les sources proches des deux formations, d’une manœuvre électorale pour finir par un compromis sur un autre candidat. La question qui se pose toutefois est la suivante : pourquoi avoir choisi de le faire maintenant ? Selon les sources proches du Hezbollah, des éléments internes et externes ont poussé les deux formations à choisir ce timing. D’abord, il y a bien sûr la situation du pays qui ne peut plus supporter une longue attente, alors que les institutions s’effondrent l’une après l’autre sur fond de crise économique et sociale aigüe. Le temps serait donc venu pour entrer réellement dans « le vif du sujet », c’est-à-dire pour mettre cartes sur table et déclencher un débat sérieux et concret. Le second élément, c’est qu’aussi bien le Hezbollah que le président de la Chambre ont mené un large éventail de concertations avec de nombreuses parties internes – certaines se sont réunies ouvertement avec des représentants du Hezbollah et d’autres ont préféré la discrétion –, et il leur est apparu que le candidat Frangié, si une séance parlementaire d’élection est fixée, part avec un paquet de 60 voix. Ce qui signifie qu’il est assez proche des 65 requises. L’enjeu n’est donc pas là. Il se situe au niveau du quorum requis qui est, lui, de 86 voix. Les sources précitées préfèrent rester discrètes sur les noms des députés qui seraient prêts à voter pour Frangié, mais elles précisent que plusieurs d’entre eux préfèrent ne pas le déclarer ouvertement à l’heure actuelle. Avec 60 voix comme point de départ, ajoutent les sources précitées, on ne peut pas dire que Sleiman Frangié est isolé ou qu’il ne représente pas grand monde. Et, selon les mêmes sources, si le climat régional et international se dirige vers des compromis, cela ne peut qu’avoir un impact positif sur le nombre de voix que pourrait obtenir Frangié.

Justement, les sources proches du Hezbollah considèrent que les indices régionaux et internationaux sont plus favorables désormais à des ententes. D’abord, le rapprochement entre l’Iran et l’Arabie saoudite se précise et les pourparlers devraient reprendre à Mascate (sultanat d’Oman) pour définir les modalités de la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays. Toujours à Mascate, le dialogue saoudo-syrien devrait reprendre et se préciser, après notamment la visite du président syrien au sultan. Ce qui aura forcément des répercussions sur le dossier libanais. De plus, dans un contexte purement libanais, les sources proches du Hezbollah confient que le contact n’est pas totalement coupé entre le Hezbollah et l’Arabie saoudite. C’est vrai que le dossier libanais n’est pas en tête des priorités saoudiennes, qui commencent par la situation interne du pays, le royaume étant actuellement en pleine transformation, suivie par le dossier yéménite. Mais un groupe d’hommes d’affaires libanais a proposé une sorte de médiation avec l’Arabie et il a rencontré récemment des dirigeants saoudiens dans ce but. La réponse des Saoudiens se résume ainsi : le royaume n’a pas de problème avec le Hezbollah au Liban, mais c’est la présence de ce dernier au Yémen qui est condamnable. Par conséquent, les sources précitées considèrent qu’une telle réponse signifie que la porte n’est pas totalement fermée et qu’il serait possible, dans certaines circonstances, d’établir un dialogue plus précis. Pour les sources proches du Hezbollah, ce qui se dit dans les médias au sujet d’un veto saoudien sur Frangié ne serait donc pas précis et serait plus le fruit de souhaits internes que d’informations précises.

Enfin, toujours selon les mêmes sources, des diplomates européens en poste à Beyrouth ont récemment relancé l’équation d’un président proche du tandem chiite avec un président du Conseil proche des Occidentaux. Les noms ont même été clairement cités : Sleiman Frangié à la présidence et Nawaf Salam à la tête du gouvernement. Ce qui, pour le Hezbollah, signifie qu’il n’y a pas un veto occidental sur Frangié. Mais le Hezbollah serait-il prêt à accepter Nawaf Salam à la présidence du Conseil ? Les sources proches du parti répondent que c’est une possibilité, dans le cadre d’un compromis global. Finalement, toujours selon les sources proches du Hezbollah, la candidature de Frangié n’a donc pas pour objectif de défier le camp chrétien et en particulier le CPL. Elle s’impose, dans les circonstances actuelles, comme un compromis qui permettrait de stopper l’effondrement actuel. Et l’échéance pourrait ne pas être lointaine.

Alors que les milieux politiques attendent ce que dira Sleiman Frangié dans sa première apparition médiatique après l’appui officiel à sa candidature de la part du tandem chiite, de nombreuses questions continuent à se poser au sujet du timing de cette annonce et de la position réelle du Hezbollah, sachant que le choix de Frangié a augmenté encore les divergences entre cette formation...

commentaires (4)

L’an dernier, lors de sa visite en Russie, Frangié déclarait qu’il serait le prochain président du Liban, mais c’était avant les dernières élections législatives. Toujours est-il que le "candidat naturel", ainsi présenté par les médias, n’a pas encore présenté sa candidature, selon l’autre de ses déclarations. Récemment à sa sortie de Bkerké, quelle n’était sa déclaration envers le Hezb avec le sous-entendu qu’il ne veut pas être coupé du camp chrétien. Nos chers candidats naturels sondent le terrain, pendant la campagne pour les présidentielles, ce qui correspond bien entendu au jeu démocratique. Les prétendants au fauteuil présidentiel hésitent encore, candidat, pas encore candidat, prennent le temps, ne parlent pas de programme, surtout pas celui du FMI, qui sera le programme que chaque candidat est censé connaître. On l’a compris, on sonde le terrain pour évaluer et compter le nombre de députés… Si quelqu’un leur pose LA question : quel le taux (à l'heure qu'il pose la question) de la livre libanaise par rapport au dollar…

Nabil

17 h 08, le 11 mars 2023

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Commentaires (4)

  • L’an dernier, lors de sa visite en Russie, Frangié déclarait qu’il serait le prochain président du Liban, mais c’était avant les dernières élections législatives. Toujours est-il que le "candidat naturel", ainsi présenté par les médias, n’a pas encore présenté sa candidature, selon l’autre de ses déclarations. Récemment à sa sortie de Bkerké, quelle n’était sa déclaration envers le Hezb avec le sous-entendu qu’il ne veut pas être coupé du camp chrétien. Nos chers candidats naturels sondent le terrain, pendant la campagne pour les présidentielles, ce qui correspond bien entendu au jeu démocratique. Les prétendants au fauteuil présidentiel hésitent encore, candidat, pas encore candidat, prennent le temps, ne parlent pas de programme, surtout pas celui du FMI, qui sera le programme que chaque candidat est censé connaître. On l’a compris, on sonde le terrain pour évaluer et compter le nombre de députés… Si quelqu’un leur pose LA question : quel le taux (à l'heure qu'il pose la question) de la livre libanaise par rapport au dollar…

    Nabil

    17 h 08, le 11 mars 2023

  • Mais qu'est-ce que vous avez tous contre Sleimène Beik ? C'est un homme à poigne pareil , qui n'hésite jamais devant les mesures à prendre , dont le pays a besoin !

    Chucri Abboud

    13 h 33, le 11 mars 2023

  • L'avènement de Sleiman Frangieh a la présidence dans les années 70 a marqué le début du déclin de la souveraineté libanaise, une corruption a plus large échelle, et le début de la guerre civile. L'avènement du petit fils au même poste sera également le marqueur d'un Liban qui ne sera plus qu'une province syro-iranienne au service des mafia reignantes..

    Jules Lola

    10 h 51, le 11 mars 2023

  • Mme Haddad, l’effondrement actuel est dû principalement à la politique de destruction des institutions nationales menée par le duo Hezbollah/CPL notamment pour que le Hezbollah termine sa mainmise totale sur le pays. Ensuite, l’éventuelle élection de Sleiman Frangieh signifiera la victoire du Hezbollah contre le camp qui lui est opposé grâce aux armes du Hezbollah et les chrétiens se sentiront totalement humiliés par cette élection (CPL compris) car cela mènera vers le retour de l’hégémonie syrienne sur le Liban sans ses soldats mais avec 2 millions de syriens présents au Liban qui ne sont là que pour porter préjudice au Liban. Cela mènera inévitablement vers une guerre civile et le Hezbollah utilisera ses armes à l’intérieur alors qu’il clame haut et fort que ses armes sont dirigés contre Israël. Réfléchissez un peu, l’élection de Sleiman Frangieh aura pour résultat la fin du Hezbollah et de ses armes. En tous cas économiquement le Liban ne peut plus se relever et la république libanaise de 1943 n.existe plus. Il faut absolument trouver une nouvelle équation géopolitique. Le conflit entre une grande partie de la population et le Hezbollah est trop profond pour prétendre de continuer à jouer la comédie du vivre ensemble

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 40, le 11 mars 2023

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