Les services de renseignement libanais ont lancé plusieurs opérations contre des agents de change dans le sud du Liban et la plaine de la Békaa, menant à plusieurs arrestations, rapportent nos correspondants locaux, alors que la livre libanaise était fortement volatile dimanche matin.
Selon une source sécuritaire contactée par notre correspondant à Saïda, Mountasser Abdallah, trois changeurs du marché parallèle ont été arrêtés par les services de renseignement pour "spéculation sur la livre libanaise (...) et d'autres sont recherchés pour des faits similaires". Suite aux descentes des forces de l'ordre, les rues principales et les places de Saïda, où opèrent généralement des dizaines de changeurs à la sauvette, se sont vidées.
Les services de renseignement ont également perquisitionné l'un des plus grands changeurs de la Békaa, surnommé "la baleine", dans la ville de Chtaura, indique notre correspondante sur place, Sarah Abdallah. Après une perquisition, l'homme s'est rendu aux autorités.
Ces arrestations ont été effectuées alors que la livre a atteint un niveau record de 64.000 LL contre le dollar la semaine dernière, après que le taux fixe de 1.507,5 LL pour un billet vert - qui était en vigueur depuis 25 ans - a été officiellement abandonné le 1er février, pour un nouveau taux fixé à 15.000 LL. Elles ont provoqué une forte volatilité de la monnaie nationale sur le marché parallèle : après s'être échangée à plus de 64 000 LL pour un dollar samedi, la livre est passée à environ 58.500 LL dimanche matin, avant de retomber à 62.000 LL, quelques heures plus tard.
Groupes WhatsApp supprimés
Suite aux opérations de la police, l'Association des déposants libanais, un groupe qui défend les droits des déposants contre les mesures restrictives imposées par les banques, a twitté dimanche un message circulant sur les réseaux sociaux dans lequel des changeurs affirment qu'ils refusent d'être considérés comme la tête de turc des autorités pour la dernière baisse drastique de la livre. "Si le gouvernement nous fait tomber, nous entraînerons avec nous des patrons de banques, des hauts fonctionnaires et des revendeurs de chèques", auraient menacé les changeurs informels, selon ce message.
L'Association a également rapporté que, selon ses informations, "tous les groupes WhatsApp de changeurs illégaux dans la ville de Tyr ont été supprimés" samedi soir.
Les Forces de sécurité intérieure (FSI) n'ont pas pu être jointes dans l'immédiat pour commenter ces récentes arrestations.
En proie à une crise économique sans précédent, le Liban a vu sa monnaie nationale perdre plus de 97 % de sa valeur par rapport au dollar au cours des trois dernières années. Le taux de change reste très volatile, impactant directement la population, tandis que les autorités continuent de repousser l'adoption de réformes pour la reprise économique.
En novembre 2021, alors qu'un dollar s’échangeait autour des 25.000 LL, la mesure prise par les autorités avait été de demander "à Google et Facebook" la fermeture des applications et des sites web relayant les taux de change sur le marché parallèle. Un an auparavant, ces sites avaient déjà été bloqués par la compagnie de gestion du réseau des télécoms au Liban, Ogero.
Le change illégal n'est pas la source du mal, mais bien la résultante de la captation des avoirs du pays par les banques. A vouloir confondre les responsables, on en oublie la cause !
22 h 02, le 06 février 2023