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Lifestyle - Antiquités

Le Libanais Ali Aboutaam condamné par un tribunal genevois pour trafic illicite

Surnommé le « roi du commerce d’antiquités », il est accusé d’avoir introduit illégalement des biens culturels en Suisse et d’avoir utilisé de faux documents.

Le Libanais Ali Aboutaam condamné par un tribunal genevois pour trafic illicite

Ali Aboutaam condamné à une peine de 18 mois de prison avec sursis par le tribunal genevois. Photo tirées de la page officielle Phoenix Ancient Art

Le 10 janvier, suite à une enquête qui avait débuté en 2016, le tribunal genevois a reconnu le Libanais d’origine Ali Aboutaam coupable d’avoir introduit illégalement des pièces archéologiques en Suisse et utilisé de faux documents pour leur vente, mais aussi pour fraude à la TVA. L’antiquaire, mondialement connu dans le milieu des marchands d’art ancien, a été condamné à une peine de 18 mois de prison avec sursis et à payer une amende d’environ 500 000 dollars pour les frais de justice. La peine comprend une période de probation de trois ans et peut faire l’objet d’un appel. Selon la décision, 46 objets resteront sous la garde du gouvernement suisse. Concernant ce dossier toujours, le magazine Paris Match cite parmi l’entourage de l’antiquaire Aboutaam, le collectionneur et directeur de la galerie Dyonisos à Hambourg, en Allemagne, Roben Dib, également condamné et avec lequel Ali Aboutaam a entretenu des liens d’affaires. « Ce Germano-Libanais est au cœur d’une vaste enquête internationale qui se ramifie jusqu’à Bruxelles et dans laquelle tout le désigne comme la cheville ouvrière d’un gigantesque trafic d’antiquités. »

Hicham Aboutaam dirige avec son frère la société Phoenix Ancient Art, fondée par leur père Sleiman Aboutaam. Photo tirées de la page officielle Phoenix Ancient Art

Les Art Fair des antiquités

Ali Aboutaam et son frère, Hicham, dirigent la société Phoenix Ancient Art, fondée par leur père Sleiman Aboutaam. Propriétaires de deux galeries, l’une au centre de la vieille ville de Genève et l’autre à Fifth Avenue à New York (l’Electrum), les frères sont considérés comme leaders mondiaux dans le monde des antiquités grecques, romaines et égyptiennes, provenant essentiellement du Proche-Orient. Leurs artefacts sont acquis aussi bien par des collectionneurs que par de grands musées, comme le musée de Cleveland (Ohio) qui leur a acheté une de leurs plus belles pièces, un Apollon de bronze. Sur leur site, ils soulignent qu’ils sont « les gardiens temporaires d’une petite partie de l’important patrimoine culturel et artistique mondial ».

Leur enseigne Phoenix Ancient Art est présente dans de prestigieuses foires aux antiquités et objets d’art, notamment The European Fine Art Foundation (Tefaf) à New York, le Pavillon d’art et de design (PAD) de Paris, la Brafa de Bruxelles et la PAD London Art Fair qui expose des œuvres allant de l’Antiquité jusqu’à la fin du XXe siècle. Le press release Newswire.com rapporte qu’en octobre 2018, « Phoenix Ancient Art, éternel favori du public à la foire de Londres, est de retour avec ses chefs-d’œuvre pour la cinquième fois ». Et qu’un client leur a déclaré : « Entrer dans le stand de Phoenix Ancient Art, c’est comme visiter tous les départements des antiquités du British Museum en même temps ! »

L’affaire des trois sarcophages

La société Phoenix Ancient Art était dans le viseur des autorités judiciaires depuis longtemps. Pour ne citer que quelques exemples, en 2010, les autorités douanières puis le ministère public saisissent aux Ports francs de Genève trois sarcophages. Toutefois, en 2014, la justice lui rend un premier cercueil gréco-phénicien et, deux ans plus tard, son jumeau. Ne reste que le cercueil romain, qui sera exposé à l’Université de Genève avant d’être restitué à la Turquie. L’expertise, réalisée par le Musée d’art et d’histoire et l’Office fédéral de la culture en mars 2011, avait conclu que l’objet provenait des ateliers de la cité antique de Dokimeion, réputée pour son marbre, dans l’actuelle région d’Antalya, en Turquie, et avait probablement été sculpté à la fin du IIe siècle. L’OFC soupçonnait que le sarcophage était le produit d’une fouille clandestine et d’une exportation illégale.

Pour mémoire

Le pillage des antiquités a pris de l’ampleur pendant la pandémie de Covid-19

En 2021, le « roi des antiquités » avait écopé d’une amende de 1,6 million de francs suisses pour s’être soustrait à payer la TVA sur des artefacts évalués à 37 millions importés en Suisse entre 2010 et 2017. Selon l’Agence télégraphique suisse ATS Keystone, « quatre millions de francs d’impôts lui ont été réclamés ». Des démêlés aussi avec les autorités égyptiennes qui l’ont accusé d’avoir des liens avec Tarek al-Seweissi, arrêté en 2003 pour exportation illégale d’antiquités. Ali Aboutaam accusé de contrebande d’objets d’Égypte en Suisse a été jugé par contumace, déclaré coupable et condamné à une amende et à 15 ans de prison par le tribunal égyptien en avril 2004.

Le griffon iranien

La même année, son frère Hicham Aboutaam a reconnu lors d’une audience devant le tribunal de district des États-Unis à Manhattan qu’en 2000 il avait falsifié un document douanier sur les origines d’un récipient en argent en forme de griffon (représenté avec la tête, les ailes et les serres d’un aigle, le corps, les pattes arrière et la queue d’un lion, et des oreilles de cheval) que sa galerie a vendu pour 950 000 dollars à Paula Cussi, collectionneuse et fiduciaire du Metropolitan Museum. Il lui avait affirmé que l’objet provenait de Syrie alors qu’il était issu d’Iran. Selon les experts, le griffon pourrait faire partie du Western Cave Treasure, où des centaines d’œuvres en argent ont été découvertes dans une grotte près de la frontière irano-irakienne à la fin des années 1980. Le site a été pillé peu de temps après et de nombreuses pièces, datant de 700 avant J-C, sont sur le marché.

Rappelons qu’en 2018, les autorités américaines avaient restitué au Liban cinq sculptures d’Echmoun volées des dépôts du site de Byblos pendant la guerre civile. Datant de diverses périodes, ces pièces archéologiques sculptées dans du marbre importé de Grèce provenaient des fouilles du temple d’Echmoun à Boustan ech-Cheikh, non loin de Saïda. Le récit de leur restitution au bout d’une âpre bataille juridique et sécuritaire est relaté par Anne-Marie Afeiche, dans le n° 18 de la revue BAAL (Bulletin d’archéologie et d’architecture libanaises, publication officielle du ministère de la Culture/Direction générale des antiquités).

L’antiquité pillée

Pour un petit rappel, en 2015, le Conseil de sécurité de l’ONU avait adopté une résolution interdisant le commerce des biens pillés en Irak et en Syrie, et imposé à tous les États membres de prendre des mesures pour empêcher ce trafic. Cette résolution assimilait ce trafic au financement du terrorisme. En Libye, Syrie ou au Yémen, pays encore aujourd’hui déchirés par des conflits armés, la sécurité défaillante a favorisé les fouilles clandestines, le pillage de musées et le trafic d’antiquités. Selon Gilles de Kerchove, coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme, un grand nombre d’antiquités volées en Syrie et en Irak pendant le « califat » du groupe État islamique (EI) ont été cachées dans la région en attendant d’être revendues.

Ce commerce illicite occupe le troisième rang des activités criminelles internationales, après le trafic d’armes et de stupéfiants. Il génère des milliards de dollars de revenus et prive des pays d’une partie de leur histoire. « Le trafic d’antiquités a pris une ampleur insoupçonnée pendant la pandémie et, au cours de ces dernières années, une quantité incroyable d’objets ont disparu à cause des pilleurs », indique Lazare Eloundou Assomo, directeur adjoint de la division du patrimoine de l’Unesco, au magazine d’archéologie de France culture, dans l’émission Antiquités de sang. « Pour saisir la gravité du phénomène, il suffit de voir les images de Mari, d’Apamée et autres sites en Syrie qui portent les profonds stigmates des fouilles clandestines. Nous ne pouvons plus ignorer que le pillage est une des principales ressources des groupes terroristes », souligne encore Lazare Eloundou, ajoutant que le phénomène est mondial et qu’il touche également l’Afrique, notamment le Mali (Gao, Essouk, Tombouctou), et même des pays d’Amérique latine qui ne sont pas en situation de conflits. « Le nombre des vestiges pillés est inquantifiable aujourd’hui. »

Le 10 janvier, suite à une enquête qui avait débuté en 2016, le tribunal genevois a reconnu le Libanais d’origine Ali Aboutaam coupable d’avoir introduit illégalement des pièces archéologiques en Suisse et utilisé de faux documents pour leur vente, mais aussi pour fraude à la TVA. L’antiquaire, mondialement connu dans le milieu des marchands d’art ancien, a été condamné à une...
commentaires (1)

Eh oui, que voulez-vous, même les humbles “gardiens temporaires” doivent aussi toucher leur modeste commission… Les temps sont durs. Bah, en Suisse, faute avouée est à moitié pardonnée.

Mago1

03 h 18, le 31 janvier 2023

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Commentaires (1)

  • Eh oui, que voulez-vous, même les humbles “gardiens temporaires” doivent aussi toucher leur modeste commission… Les temps sont durs. Bah, en Suisse, faute avouée est à moitié pardonnée.

    Mago1

    03 h 18, le 31 janvier 2023

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