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Culture - Exposition

Haibat Balaa Bawab : du chaos à l’œuvre d’art

À la galerie Art on 56th, utilisant différents médias et techniques mixtes, Haibat Balaa Bawab offre dans son exposition « Local Inspirations » (Inspirations locales) une série de collages comme le reflet de scènes quotidiennes libanaises et de moments d’actualités.

Haibat Balaa Bawab : du chaos à l’œuvre d’art

Beyrouth plongée dans l’obscurité et sa population impuissante : une scène de collage par Haibat Balaa Bawab. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la galerie Art on 56th.

Il est fort probable que lorsqu’on évoque le collage, il nous revient en tête les cours d’arts plastiques à l’école primaire. Mais voilà qu’aujourd’hui, des artistes à travers le monde entier ont prouvé que cette pratique était devenue un genre aussi respectable que la peinture. Les œuvres de Kurt Schwitters, Hannah Höch, Barbara Kruger, Richard Hamilton, Peter Beard, Jacques Villeglé et tant d’autres en attestent.

Lorsque durant son parcours universitaire, Haibat Balaa Bawab présente un projet de collage, son professeur Adel Saghir l’encourage fortement à continuer dans cette voie : « Le collage est votre futur », lui prédit-il. « Amine el-Bacha, qui était un grand ami, témoigne pour sa part l’artiste, soutiendra cet avis en me disant : « Tu maîtrises très bien la matière, tu iras loin. »

C’est ainsi que pour cette future grande artiste de collage, les ciseaux, les découpes et la colle deviendront sa vie. Vieux journaux, magazines, papiers ou emballages de couleur, fragments de photos, tissus, matériaux solides ou peinture accumulée, pages arrachées de revues, lettres oubliées au fond d’une boîte, tickets d’avion, billets de cinéma, factures de restaurant, tout deviendra matière à faire partie d’une éventuelle toile. À travers ces éléments, Haibat Balaa Bawab parviendra à créer une composition originale et imaginative. « Je découpais, je triais, par matière, par couleur, par thème et lorsqu’une texture ou une scène de rue m’interpellait, cela me renvoyait à une idée, alors je prenais mon critérium et mon cahier de croquis pour vite coucher ma composition, témoigne l’artiste. Un jour, en chemin pour l’université où j’enseignais, un bus qui traversait une avenue, plein à craquer de visages et de silhouettes qui se serraient, m’inspire une toile. J’avais hâte de terminer mon cours et de rentrer à mon atelier. Une voisine qui aère son tapis persan sur les rambardes d’un balcon avec l’ombre des arbres et voilà que ma toile était déjà construite. Ma tête ne s’arrête jamais de travailler. »

À la galerie Art on 56th, Balaa Bawab donne à voir des œuvres où elle expérimente une nouvelle technique.

Beyrouth plongée dans l’obscurité et sa population impuissante : une scène de collage par Haibat Balaa Bawab. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et la galerie Art on 56th.

Du découpage à la création

Née à Beyrouth en 1952, Haibat Balaa Bawab obtient son Bachelor of Arts (BA) en beaux-arts en 1975 à la Beirut University College (BUC, devenue Lebanese American University – LAU) et y enseigne depuis 17 ans. De 2001 à 2022, elle a été coordonnatrice des beaux-arts et enseignante à l’Université américaine des sciences et technologies (AUST). Diplômée au début de la guerre civile libanaise, elle commence naturellement par représenter des scènes violentes : une voiture qui explose, les dégâts dans une ville qui vit l’enfer, une famille coincée entre ciel et terre, une femme en deuil, des familles qui se cachent dans les cages d’escaliers. La force de cette artiste réside dans le fait qu’elle réussit à donner au collage le statut d’une pratique en soi, d’un genre défini, d’un langage comme un autre, soucieuse d’équilibres, de formes et de valeurs colorées, au même titre que peuvent l’être la peinture figurative ou l’abstraction.

Elle parvient à faire du neuf avec de l’usagé, à composer des totalités en faisant triompher le fragment. De ses œuvres se dégage une volonté, celle de réussir des accords, de prendre soin et de veiller aux concordances de tons, aux groupements de couleurs, tout en recourant à des contrastes étudiés. Toujours attentive à construire ses assemblages ou ses collages aussi savamment et avec autant d’attention particulière qu’avec des toiles à l’huile.

Comme un acte de magie

À première vue, ses œuvres se démarquent par des couleurs vives, des visages de femmes, d’hommes et d’enfants. Plus on regarde de près, plus on aperçoit tantôt du papier arraché à la main, tantôt l’utilisation des morceaux de soie, ou encore des matériaux associés principalement à la peinture. Elle qui a toujours basé son travail sur la reconversion de divers matériaux utilisés comme matière première, en combinant plusieurs médiums : extraits de journaux avec ou sans texte, photos, papier peint, documents... jouant avec la fine frontière entre peinture et montage, décide de créer son propre matériau de collage. C’est ainsi que le collage se fera à partir de papier créé par elle-même utilisant plusieurs techniques : sur du papier de soie, sur du canson, avec de la gouache ou de l’encre. Il n’est plus question de récupération de papier, mais de création pour élaborer ses compositions qui sont bien plus que de jolies images mises ensemble. Son art se caractérise par un processus et une esthétique unique, et ses œuvres artistiques loin de l’abstraction racontent toujours une histoire, dégagent une émotion ou expriment une pensée. C’est dans ce processus créatif que l’artiste trouve une forme de libération : il est question de la révolution d’octobre, de la jeunesse dans les rues, des grands départs et de la fuite, de Beyrouth dans l’obscurité, d’une jeunesse désœuvrée, des files interminables devant les ambassades pour un visa de liberté et des silos du port. Pour l’artiste, il est nécessaire d’être en communion avec son peuple et ses souffrances comme moyen de prendre conscience et de partager avec le public. L’artiste parvient, presque comme un acte de magie, à marier les morceaux de papier et à leur donner un sens malgré leur manque de relation les uns avec les autres.

« Local Inspirations » par Haibat Balaa Bawab, à la galerie Art on 56th, Mar Mikhaël, jusqu’au 4 février 2023.

Il est fort probable que lorsqu’on évoque le collage, il nous revient en tête les cours d’arts plastiques à l’école primaire. Mais voilà qu’aujourd’hui, des artistes à travers le monde entier ont prouvé que cette pratique était devenue un genre aussi respectable que la peinture. Les œuvres de Kurt Schwitters, Hannah Höch, Barbara Kruger, Richard Hamilton, Peter Beard, Jacques...

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