Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Lettre ouverte à messieurs les députés

L’affaire William Noun a fait couler ces derniers temps beaucoup d’encre. Chacun a mis du sien dans cet épisode judiciaire épineux.

Noun a sa propre façon d’agir, sa manière particulière de s’exprimer en faveur du bien-fondé de la cause des parents des victimes – paix à leurs âmes. Il est clair que sa conduite a été prise comme prétexte pour l’arrestation qu’il a subie. Prétexte qui, comme toujours au Liban, découle de considérations politiques manifestes.

Il ne faut nullement perdre d’esprit que sa bataille est en soi pour une cause morale et sociale des plus nobles, mais avec des retombées politiques évidentes. Son comportement contestataire propre à lui pour protester contre ce qui est perçu par lui et par une large tranche de la population comme une injustice flagrante mérite qu’on s’y arrête.

Une injustice flagrante due surtout au flou judiciaire qui entoure jusqu’à présent le dossier de l’explosion du port et sa lenteur délibérée. Une violation criante des droits qui nous secoue et devant laquelle on ne peut rester impassible.

Ne doit-on pas, alors, commencer à réfléchir à un projet de loi qui consisterait à instaurer une sorte de proportionnalité entre le crime initial odieux et la réaction populaire spontanée face à ce crime, même si cette réaction est a priori condamnable ? Il est vivement conseillé que l’acte répréhensible soit légalement acquitté, surtout lorsqu’il est minime et dérisoire par rapport à l’atrocité du crime originel (dans notre hypothèse précise, l’explosion du port). Ou du moins qu’il bénéficie de par la loi de larges circonstances atténuantes.

Acquittement légal ou circonstances atténuantes de par la loi, sans aucune place à l’arbitraire ou au pouvoir discrétionnaire. Surtout lorsque cette réaction (quelques paroles dites à chaud ou quelques vitres cassées) vient en réponse à un événement beaucoup plus grave au niveau des droits fondamentaux censés être assurés et protégés dans un État de droit respectable.

Une idée ad hoc vu son acuité qui mérite, à mon avis, d’être largement explorée et approfondie afin de faire barrière à toutes sortes d’abus de la part des juridictions pénales. Surtout que le parquet a quelquefois tendance à occulter et même à refouler, pour des raisons suspectes évidentes, des dossiers d’une gravité considérable ayant des répercussions politiques importantes. Et cela, d’une part pour détourner l’attention de l’opinion publique concernant des affaires à étouffer et, d’autre part, pour cibler, pour des raisons purement politiques, des opposants dans des affaires relativement dérisoires et de moindre importance.

Des affaires souvent insignifiantes proportionnellement et en comparaison avec celles dramatiques dont elles découlent. Une attitude indécente et impudique qui ajoute encore plus d’injustice à la situation initiale déjà insupportable. Des cas de figure qui existent très souvent et qui malheureusement sont d’actualité dans notre pays, vu la fréquente politisation latente, toujours omniprésente, de plusieurs affaires justes, légitimes et en même temps d’une alarmante gravité.

Ce qui fait le plus de peine, c’est qu’il s’agit horriblement d’une stratégie sournoise utilisée très souvent par le pouvoir, via la justice, pour réprimer des droits humanitaires et des libertés fondamentales. Oui, souvent par l’intermédiaire de la justice, et c’est là que le bât blesse le plus.

Un principe de proportionnalité imminent s’impose alors comme l’exigence d’un rapport, d’une adéquation entre les moyens employés par l’action publique et le but qu’elle vise. Et cela pour plus de cohérence, de justice et d’équité.

Il faut qu’elle cherche à promouvoir une action répressive mesurée respectueuse des droits fondamentaux. Surtout que le but initial de l’action publique est d’engager au nom de la société des poursuites judiciaires pour réprimer un trouble à l’ordre public et non pas pour créer un préjudice personnel aux individus. Dans un État de droit, pour aucune raison la justice n’a le droit de tendre des pièges. Sauf si on bascule vers l’absolutisme de l’État policier.

Tout en étant presque sûr que ma requête va rester lettre morte pour la simple raison que les hommes au pouvoir actuellement n’ont aucun intérêt à ce que ce genre de loi soit publié. Ces derniers tiennent mordicus à toujours exercer leur tyrannie sur leurs opposants et leurs détracteurs. Je le dis, hélas, en souhaitant vivement avoir tort.

En espérant également avoir exprimé convenablement l’imminence d’une telle législation, veuillez agréer, chers parlementaires, l’expression de mes sentiments les plus respectueux.

Michel Antoine AZAR

Avocat à la cour

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

L’affaire William Noun a fait couler ces derniers temps beaucoup d’encre. Chacun a mis du sien dans cet épisode judiciaire épineux.Noun a sa propre façon d’agir, sa manière particulière de s’exprimer en faveur du bien-fondé de la cause des parents des victimes – paix à leurs âmes. Il est clair que sa conduite a été prise comme prétexte pour l’arrestation qu’il a subie....

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut