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Moyen-Orient - FOCUS

Les influenceurs du Yémen en ligne de mire des houthis

Au cours des dernières semaines, trois personnalités des réseaux sociaux yéménites ont été arrêtées après avoir critiqué les rebelles dans le nord du pays. 

Les influenceurs du Yémen en ligne de mire des houthis

Quatre hommes accusés d’avoir diffusé de fausses informations lors de leur procès le 11 janvier au parquet de Sanaa, sous contrôle des rebelles houthis. Photo tirée du compte Twitter du ministre yéménite de l’Information Mouammar al-Eryani

Trois youtubeurs yéménites ont comparu mercredi devant un tribunal de Sanaa, accusés de « diffusion d’informations mensongères » et d’« incitation au chaos ». Ahmad Hajar, Moustapha el-Mawmari et Ahmad Elaw ont été arrêtés ces dernières semaines après avoir critiqué notamment la corruption et l’inaptitude des autorités houthies de sortir de la crise économique qui plombe la population sous administration du groupe rebelle. Soutenu par l’Iran dans sa lutte contre les forces progouvernementales, appuyées quant à elles par la coalition arabe menée par l’Arabie saoudite, Ansarallah gère la majorité du nord du pays, plongé dans une guerre depuis bientôt neuf ans. En proie à une crise humanitaire aiguë et à des difficultés financières, les autorités houthies cherchent à museler les voix contestataires dans les territoires sous leur contrôle.

Cette série d’arrestations a commencé après la diffusion d’une vidéo d’Ahmad Hajar, dans laquelle il critique vigoureusement les autorités houthies, les accusant d’imposer de lourdes taxes sur la population, d’échouer à réduire la pauvreté du pays et de favoriser une corruption endémique. Fort de ses 244 000 abonnés, l’influenceur entendait ainsi exprimer un ras-le-bol généralisé au sein de la population : « Houthis ! Tous les Yéménites, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, se plaignent de vous… Les gens vous accusent d’être des criminels et des fraudeurs, venus à Sanaa pour les voler (…) Ils ont faim et essaient en même temps d’économiser afin de payer l’éducation de leurs enfants dans des écoles privées. » Le 22 décembre, deux jours après la diffusion de cette vidéo, qui a suscité plus de 8 000 réactions sur les réseaux, Ahmad Hajar est porté disparu. D’après la chaîne d’informations qatarie al-Jazeera, l’influenceur aurait été « traîné dans un bus en plein jour dans une rue de Sanaa », « enlevé par des hommes armés qui feraient partie des rebelles houthis », selon des témoins.

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Peu après, les deux autres influenceurs, ayant réagi à cette disparition, ont été arrêtés suite à leur soutien affiché à Ahmad Hajar. Ahmad Elaw avait ainsi réclamé la libération du youtubeur en stipulant qu’il était porteur d’une vérité déniée par les houthis : « Le peuple meurt de faim. (…) Nous ne resterons pas silencieux. Mettez-nous en prison et tirez-nous dessus jusqu’à la mort. » Pour sa part, Moustapha el-Mawmari avait lui aussi prôné le combat contre la corruption peu avant son arrestation. L’influenceur, qui dispose d’une base de plus de 2 millions d’abonnés sur la plateforme vidéo, encourt comme ses pairs les « peines les plus sévères prévues par la loi », dont le parquet n’a pas cependant précisé l’étendue. Ahmad el-Mesbahi, un réalisateur qui aurait aidé l’un des youtubeurs, a également été arrêté dans le cadre de ce procès.

Une censure généralisée

Profitant de l’actualité, le ministre yéménite de l’Information, de la Culture et du Tourisme, Mouammar al-Eryani, basé à Aden, a condamné sur son compte Twitter « l’enlèvement » d’Ahmad Hajar le 25 décembre. « Ce crime odieux s’inscrit dans le prolongement des actes de répression et d’abus pratiqués par la milice houthie depuis son coup d’État contre tous les porteurs d’opinion, et de ses misérables tentatives de museler les professionnels des médias, journalistes, artistes et militants. » D’après certains médias, une centaine d’ONG locales ont signé la semaine dernière une pétition demandant à la communauté internationale d’intercéder auprès des autorités houthies pour la libération de milliers de détenus yéménites. Le ministre a, quant à lui, récemment appelé la communauté internationale, les Nations unies et les organisations de défense des droits de l’homme à « exercer une pression sur la milice pour qu’elle arrête d’utiliser la justice comme outil de répression et de terrorisme politique ». Des accusations qui évoquent les appels de la Ligue arabe à désigner les houthis comme organisation terroriste après leurs frappes du début d’année dernière contre Abou Dhabi, qui participe à la coalition arabe progouvernementale au Yémen.

Néanmoins, la liberté d’expression individuelle et de la presse dans le pays n’est pas seulement violée par la milice houthie au nord du pays, mais aussi par le gouvernement yéménite. « Les belligérants semblent avoir des différends sur de nombreuses choses, mais s’il y a un point de ralliement, c’est sans aucun doute le musellement des voix dissidentes », explique Afrah Nasser, chercheuse non résidente à l’Arab Center Washington DC. Durant la première moitié de 2022, le Syndicat national de journalistes a en effet rapporté à Amnesty International onze attaques, neuf cas de détention et six cas de poursuite judiciaire contre des journalistes, à l’échelle de tout le pays. Ahmad Maher, journaliste yéménite, a ainsi été capturé en août 2022 par les forces du Conseil de transition du Sud, composante du Conseil présidentiel reconnu internationalement et soutenu notamment par les Émirats arabes unis. Il est l’un des nombreux activistes détenus arbitrairement par les forces yéménites. Après le changement du gouverneur Farag al-Bahsani dans la province de Hadramout, Reporters sans frontières avait appelé en août dernier son successeur à améliorer la sécurité et la liberté d’expression des journalistes dans cette zone qui a enregistré le plus de violations de la liberté de la presse parmi celles contrôlées par les autorités « légitimes ».

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