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Agenda - Hommage

À Chadia

Son prénom la prédestinait au charme et à l’harmonie que sa seule présence déployait dès qu’elle traversait un seuil. Il lui conférait cet attribut de confiance et de courage que ses yeux communiquaient dès qu’ils croisaient un regard. Tel un pôle magnétique, son charisme, sa finesse et son affabilité innée attiraient irrésistiblement tout le monde.

Penser qu’elle n’est plus nous rend un peu orphelins.

Alors que son départ creuse un grand vide dans nos cœurs, remontent instantanément des moments merveilleux et le privilège d’avoir pu la côtoyer dès l’enfance et de la connaitre de près. Aussitôt un petit sourire surgit à travers les larmes.

Elle a depuis toujours appartenu à mon paysage familial et personnel, à travers l’amitié indéfectible qui la liait à ma mère Nicole et qu’elles avaient tissée sur les bancs de l’école. Cette amitié a été pour elles deux une force et un recours lorsqu’il leur a fallu surmonter les pertes et les peines et péniblement rejoindre la vie à l’autre bout du tunnel.

Grande perte, celle de son époux, Dr Nicolas Nini, disparu trop tôt dans un accident tragique. Figure tripolitaine notoire et médecin chirurgien émérite – dont le père a fondé l’un des premiers hôpitaux de la ville – ils ont élevé ensemble et dans la même foi ardente et profonde leurs trois enfants, Wahib, Émile et Karim qui restent aujourd’hui des amis proches. Elle, modérant de sa douceur et de sa poésie la discipline et l’exigence quasi spartiates qui le caractérisaient à lui.

En grande lectrice et femme de lettres qu’elle était, son destin a croisé quelques années plus tard l’homme de la plume et du panache, Ghassan Tuéni, avec qui elle écrit un nouveau chapitre de sa vie.

Il est vrai qu’elle avait tant à donner, tant d’amour et de joie. Elle fut la compagne et l’amie. Elle fut aussi la gardienne discrète mais résolue du patrimoine poétique de Nadia Tuéni. À Ghassan Tuéni, elle apporta (selon ses propres dires) l’un des sentiments les plus essentiels à la volonté de vivre : la consolation.

Discrète, elle s’installa à l’arrière de la façade flambant neuve du an-Nahar, dans les murs de la librairie al-Borj qu’elle fonda. Elle s’y sentait chez elle, au milieu des auteurs et des livres, dans cet « Hôpital de l’âme » pour la guérisseuse qu’elle était. Et lorsque ce lieu dut fermer ses portes, après des années de résistance et d’insistance, ce fut comme une préfiguration des temps sombres qui allaient s’abattre sur notre pays, et de la maladie qui la rongeait et finit par l’emporter.

Chère Chadia, je reste là, non pas avec un simple souvenir, mais avec quelque chose de bien plus grand. Je reste avec tes mots d’encouragement, avec tes conseils et ton soutien dans ma charge de ministre de la Culture et aussi de ta fierté exprimée pour mon action qui redoublait mon énergie. Je reste avec une mémoire que tu as gravé dans mon esprit, où se réunissent petite et grande histoire.

« Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents, dans la mémoire des vivants », disait Jean d’Ormesson.

Et toi, chère Chadia, tu appartiens à la mémoire de tout un pays.

Son prénom la prédestinait au charme et à l’harmonie que sa seule présence déployait dès qu’elle traversait un seuil. Il lui conférait cet attribut de confiance et de courage que ses yeux communiquaient dès qu’ils croisaient un regard. Tel un pôle magnétique, son charisme, sa finesse et son affabilité innée attiraient irrésistiblement tout le monde. Penser qu’elle...