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Économie - Focus

La Coupe du monde 2022 a relancé la scène libanaise des jeux d’argent légaux et... illégaux

Plus de 35 milliards de dollars ont été pariés à travers le monde pendant l’événement, mais au Liban les options restent limitées.

La Coupe du monde 2022 a relancé la scène libanaise des jeux d’argent légaux et... illégaux

Une agence de l’établissement Whish Money sur la place Sassine à Beyrouth. Photo João Sousa

Alors qu’il n’avait plus parié sur des matches depuis plus de trois ans, Ghassan Doulani, 42 ans, marié et père de deux enfants, s’y est remis lors de la Coupe du monde de football 2022, qui s’est achevée dimanche au Qatar.

Il confie avoir saisi l’opportunité du tournoi pour s’amuser et gagner un peu d’argent au milieu de la crise économique actuelle au Liban, qui a considérablement déprécié son salaire d’enseignant dans une école publique. « Je n’ai pas visé haut, peut-être l’équivalent de mon salaire (mensuel), mais j’ai plus perdu que je n’ai gagné », a-t-il déclaré à L’Orient Today.

Selon les analystes de Barclays PLC, un fournisseur mondial de services financiers, la Coupe du monde de la FIFA 2022 aura généré quelque 35 milliards de dollars à travers le monde, soit une augmentation de 65 % par rapport à la dernière coupe internationale, suite à l’essor des jeux en ligne pendant la pandémie. Mais au Liban, plongé dans une crise économique sans précédent, les paris sportifs représentent un drôle de luxe.

« Je n’ai misé que des montants raisonnables. Mon objectif n’était pas de devenir riche », assure Ghassan Doulani, ajoutant : « Je n’accepterais jamais que ma fille ne puisse pas s’acheter le vêtement qu’elle voulait à cause d’un pari que j’ai fait. » Sa stratégie consistait ainsi à placer une faible somme d’argent sur un pari à haut risque, avec l’espoir de récolter de grandes récompenses. Pour cette compétition, il dit avoir parié un total de 1,5 million de livres libanaises, soit moins de 35 dollars à un taux récent du marché parallèle.

La légalité ou non des opérations

Le site de paris sportifs le plus populaire au monde, Bet365, est interdit au Liban, mais face à ce genre de restrictions, les Libanais trouvent des moyens créatifs de les contourner. Hamad*, 29 ans, ingénieur en mécanique, affirme que dans sa famille, seule sa femme est au courant de son hobby de parieur car il est mal vu. Elle-même n’est d’ailleurs pas fan de cette idée.

Il précise qu’avant cette Coupe du monde, il plaçait ses mises par l’intermédiaire d’un bookmaker ou d’une agence avec un compte bancaire étranger. « Une fois, j’ai voulu récupérer mon argent et le bookmaker m’a dit de le rencontrer quelque part. Il est venu avec une voiture à fenêtres fumées, il avait un pistolet, et une femme sexy était assise sur le siège avant. C’était comme une scène de film », se rappelle Hamad.

De nombreuses maisons de jeu où il avait l’habitude de placer des paris ont été perquisitionnées et fermées par les forces de sécurité, témoigne l’ingénieur. Le même sort a également été réservé à plusieurs cafés où il avait l’habitude de placer des paris.

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Contactés par L’Orient Today, plusieurs avocats précisent que parier reste illégal au Liban, à l’exception notable des paris effectués au Casino du Liban et à l’Hippodrome de Beyrouth. Les avocats ont ajouté que tout endroit voulant devenir un lieu de paris doit obtenir un permis du ministère des Finances. Cependant, malgré ces restrictions, de nombreux casinos restent opérationnels dans plusieurs villes côtières, dont Jounié (Kesrouan). Whish Money, une société de transfert de fonds très répandue dans le pays, permet aussi à ses clients de placer des paris sportifs via le site web PlayLira.com. Or un porte-parole du ministère des Finances nous a déclaré que le ministère n’avait pas délivré de nouveaux permis de paris sportifs. Mais de nombreuses personnes comme Hamad continuent de participer, sans donner plus d’importance à la question de la légalité ou non de ces opérations.

Avant cette Coupe du monde, Hamad n’avait jamais misé plus d’un million de livres. Cependant, « je me suis emballé (cette fois) et j’ai parié une fois la somme de 2 millions de livres, que j’ai ensuite perdue. Je me console en me disant que j’aurais pu dépenser cette somme en mangeant au restaurant », souligne-t-il. Malgré cette perte, il précise être sorti globalement gagnant de cette Coupe du monde, encaissant près de 8 millions de livres de gains.

Une porte d’entrée pour d’autres pays

Parallèlement, certains Libanais qui vivent à l’étranger dans des pays où les paris sont complètement illégaux ont eux aussi trouvé moyen de tirer profit de la situation au Liban.

Nader*, 26 ans, résident en Arabie saoudite, raconte son addiction aux paris sportifs. « À un moment, il était possible d’accéder au site Bet365 par le biais des banques. Je ne pouvais pas récupérer mon argent, mais malgré cela, je pariais pour le plaisir », confie-t-il. « Sur une période d’un mois, il y a trois ans, je n’arrêtais pas de parier. Je pariais sur tout, parfois sur l’équipe de football féminine israélienne – dont je ne sais rien – juste pour continuer à parier », ajoute-t-il.

Il affirme avoir arrêté parce qu’il ne pouvait pas toucher ses gains et a fini par perdre tout l’argent qu’il avait. Cependant, à l’occasion de cette Coupe du monde, Nader a décidé de recommencer pour rendre les matches plus agréables à regarder. Cette fois, cependant, il essayait de se ménager. Il pariait désormais par le biais du compte Whish Money d’un ami au Liban. Lui et ses amis ont créé un groupe WhatsApp dans lequel ils discutaient de leur stratégie de pari. Pour ceux qui ont choisi de parier sur les outsiders, cette Coupe du monde a porté ses fruits, en raison des nombreuses surprises. De fait, au premier tour, l’équipe d’Arabie saoudite a fait sensation en battant l’Argentine – sacrée championne du monde dimanche en battant la France – 2 buts à 1, sans toutefois réussir à se qualifier pour le deuxième tour. En parallèle, le Maroc a battu la Belgique, l’Espagne et le Portugal pour devenir la première équipe arabe et africaine à atteindre le stade des demi-finales. Pour Nader, les cotes élevées que les sociétés de paris donnent aux équipes moins bien classées ne sont « pas justes » car il pense que la Coupe du monde est différente pour elles. « Pendant la Coupe du monde, ils jouent avec beaucoup de passion et y donnent de leur cœur. Prenez l’exemple de l’Arabie saoudite contre l’Argentine, les petites équipes sont plus motivées pour gagner, et donc les cotes n’ont pas de sens. »

*Les noms ont été modifiés.

Alors qu’il n’avait plus parié sur des matches depuis plus de trois ans, Ghassan Doulani, 42 ans, marié et père de deux enfants, s’y est remis lors de la Coupe du monde de football 2022, qui s’est achevée dimanche au Qatar.Il confie avoir saisi l’opportunité du tournoi pour s’amuser et gagner un peu d’argent au milieu de la crise économique actuelle au Liban, qui a...
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