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Société - Reportage

Ces métiers qui réapparaissent avec la crise au Liban

Ces dernières années, des petits métiers en voie de disparition connaissent un regain d’activité. Mine d’artisans, le quartier historique de Bourj Hammoud offre un exemple de la survie au Liban.

Ces métiers qui réapparaissent avec la crise au Liban

Nora, couturière, est débordée par les demandes. Photo Nada Ghosn

Il est midi dans ce quartier populaire situé à la périphérie de Beyrouth, à deux pas des rues branchées de Mar Mikhaël. Au contraire des quartiers commerçants jadis animés de Hamra et du centre-ville, aujourd’hui quasi déserts, les ruelles vétustes de Bourj Hammoud, bordées d’immeubles construits à la va-vite et d’anciennes usines, témoignent d’un flux continu de passants. Les badauds sont au rendez-vous dans les commerces, échoppes et ateliers d’artisan, souvent tenus par des Libano-Arméniens.

Affectés dans leur pouvoir d’achat par la grave crise économique qui sévit dans le pays depuis 2019, les Libanais seraient de plus en plus nombreux à recourir au savoir-faire des artisans, redynamisant ainsi des activités que l’on pensait condamnées à disparaître il y a encore quelques années. À Bourj Hammoud comme dans d’autres quartiers connus pour leurs petits commerces, ce regain d’activité est évident.

Un nouveau magasin de chaussures de seconde main qui fait fureur. Photo Nada Ghosn

« Je travaille sans arrêt mais les dettes s’accumulent »

Au lieu d’acheter de nouveaux produits, une grande partie de la population, dont 80 % vit désormais sous le seuil de pauvreté selon les chiffres de la Banque mondiale, semble opter pour la réparation de ses objets et vêtements usagés. « Les gens sont plus nombreux qu’avant à raccommoder leurs sacs et leurs chaussures », déclare Vatché, un vieux cordonnier rencontré au détour d’une rue, dans une échoppe discrète, équipée d’une simple machine manuelle d’un autre âge. « Je maintiens des prix “populaires” pour rester accessible. Mon métier était sur le point de disparaître… Mais avec le déclin de la production locale de chaussures, les commerçants importent de Chine et de Turquie, et leurs tarifs sont souvent trop élevés pour les clients. »

À l’entrée de Bourj Hammoud, Nora, une couturière réputée du quartier, tient un petit atelier de retouche. Entre ses quatre murs délavés, les sacs de vêtements à retoucher s’empilent. « J’ai toujours plus de demandes qu’avant la crise, parfois pour réparer des sous-vêtements ! Regardez comme ce vêtement est usé, c’est un avocat qui me l’a déposé ! » lance-t-elle. La situation ne l’avantage pas pour autant. « Je n’ose pas augmenter mes prix. Si les gens viennent chez moi, c’est qu’ils n’ont pas d’argent pour acheter des habits. J’ai pitié, il m’arrive parfois de travailler gratuitement. Dans tous les cas, je suis perdante car les aiguilles, le fil et l’abonnement au générateur ont augmenté et rognent mes maigres bénéfices. Je travaille sans arrêt et, malgré tout, les dettes s’accumulent. Avant la crise, j’avais moins d’activité mais je faisais plus d’argent. Aujourd’hui, personne n’est content. »

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En face de l’atelier de Nora, Pierre, menuisier quinquagénaire, remarque que la demande en restauration de meubles s’est accrue du fait de la crise économique, mais aussi de la double explosion au port, survenue le 4 août 2020 à quelques encablures de son atelier. « Le travail de confection est devenu rare, admet-il. Les gens n’achètent pas de mobilier neuf car ils n’ont pas le budget. Au lieu de ça, ils préfèrent rénover. »

Vatché, le vieux cordonnier rencontré au détour d’une rue. Photo Nada Ghosn

Une seconde vie pour les objets

La demande en vêtements de seconde main a elle aussi explosé. C’est ce qui a poussé Hagop, vendeur de linge de maison situé non loin de la rue Arax, à se reconvertir dans la fripe. « Avec la crise, je me suis mis à acheter des fins de série ou des vêtements très peu utilisés pour les revendre dans mon magasin. Même avec ça, les gens hésitent à venir, car le prix du transport est élevé. »

Dans une rue moins fréquentée de Bourj Hammoud, Ibrahim, employé d’une échoppe, explique : « Chez nous, les prix des vêtements et des chaussures sont restés les mêmes qu’avant la crise : 5 000 LL et 10 000 LL. Comme ça, les gens continuent à acheter. »

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Là-bas, un nouveau commerce bien achalandé de chaussures seconde main semble rencontrer un franc succès. « Nous achetons des stocks en bon état de l’étranger, raconte le propriétaire. Il y a une forte demande, pour ne rien vous cacher. Avant d’ouvrir ici, il y a tout juste une semaine, nous travaillions à Nabaa, Sabra et Dora (d’autres quartiers populaires de la capitale et de ses proches banlieues, NDLR). Les gens vivent une situation difficile. Au lieu d’acheter une paire de chaussures neuves de mauvaise qualité à 20 dollars, ils viennent ici et repartent avec des chaussures en cuir, parfois de marque, pour seulement 200 000 LL (5 dollars). Je suis ravi que les clients puissent trouver leur bonheur. »

Au sortir de Bourj Hammoud, des camions de vendeurs stationnent le long du trottoir de la rue d’Arménie, chargés de bûches de bois de chauffage. Dans un pays où le prix du mazout alimentant les poêles et les générateurs est devenu inaccessible pour le plus grand nombre, certains reviennent aux bonnes vieilles habitudes des feux de bois. Des mankals, réchauds traditionnels au feu de bois, refont leur apparition dans les foyers, pour cuire les plats ou procurer de la chaleur en hiver.

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Il est midi dans ce quartier populaire situé à la périphérie de Beyrouth, à deux pas des rues branchées de Mar Mikhaël. Au contraire des quartiers commerçants jadis animés de Hamra et du centre-ville, aujourd’hui quasi déserts, les ruelles vétustes de Bourj Hammoud, bordées d’immeubles construits à la va-vite et d’anciennes usines, témoignent d’un flux continu de passants....
commentaires (3)

Dire que les dirigeants israéliens menaçaient de renvoyer le Liran 50 ans en arrière. Ça me rassure de savoir qu’on est entièrement capable de le faire tout seul, sans avoir à compter sur leur sionisme. Merci qui? Eh oui, merci le Liran Fort!!! O’rangina, secouez-moi secouez-moi!

Gros Gnon

20 h 01, le 29 novembre 2022

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Commentaires (3)

  • Dire que les dirigeants israéliens menaçaient de renvoyer le Liran 50 ans en arrière. Ça me rassure de savoir qu’on est entièrement capable de le faire tout seul, sans avoir à compter sur leur sionisme. Merci qui? Eh oui, merci le Liran Fort!!! O’rangina, secouez-moi secouez-moi!

    Gros Gnon

    20 h 01, le 29 novembre 2022

  • On retourne à des dizaines d'années d'avant, et on revit la pauvreté et le manque de moyens pour survivre.

    Esber

    17 h 03, le 29 novembre 2022

  • Il faut rendre hommage à la communauté Libanaise d'origine Arménienne qui a su parfaitement s'intégrer à la société Libanaise et enrichit le Liban de sa culture. Active économiquement, ingénieuse et industrieuse. Bravo !

    K1000

    01 h 44, le 29 novembre 2022

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