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Société - Reportage

« Le choléra n’est rien par rapport à ce que nous vivons »

A Minié, les habitants ont accueilli sans grand enthousiasme le lancement samedi de la campagne de vaccination.

« Le choléra n’est rien par rapport à ce que nous vivons »

Les personnes âgées vaccinées en priorité, sauf opposition de leur part. Photo João Sousa u

Midi trente à la municipalité de Bhanine, dans le caza de Minié, près de Tripoli au Liban-Nord. Le convoi du ministère de la Santé arrive, attendu par quelques dizaines d’habitants venus assister au premier arrêt d’une tournée de vaccination qui se poursuivra ensuite dans le Akkar, la région la plus touchée par l’épidémie de choléra qui s’est déclarée depuis le 5 octobre au Liban. Après les personnels médicaux et les prisons, 600 000 doses de ce vaccin contre le choléra devraient être administrées d’ici à trois semaines aux habitants du Nord et de la Békaa, les régions les plus affectées par cette maladie qui, dans sa forme sévère, provoque une déshydratation nécessitant une hospitalisation.

Vaccination au porte-à-porte des habitants de la localité de Bhanine, le 12 novembre 2022. Photo João Sousa

« Nous sommes là pour vacciner les adultes et les enfants, syriens et libanais, en coordination avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) et en appui aux efforts de la Croix-Rouge libanaise et de Médecins sans frontières, déclare le ministre de la Santé Firas Abiad, au cours d’une conférence de presse sur place. Des agents de l’ONG française Medair se déplacent depuis ce matin dans la région pour vacciner ceux qui le souhaitent et inscrire leurs coordonnées dans le système MERA, mis en place par le ministère. » « Mais le problème principal demeure au niveau des infrastructures et du traitement des eaux usées dans le pays », souligne le ministre, en allusion au principal vecteur de la bactérie a l’origine du choléra.

Le ministre de la Santé Firas Abiad au cours de la conférence de presse pour le lancement de la campagne de vaccination, à la municipalité de Bhanine, le 12 novembre 2022. Photo João Sousa

Jusqu’à samedi, il y avait au Liban 532 cas avérés, 3 340 cas suspects et 18 décès dus au choléra. La campagne de vaccination est destinée à contenir la maladie dans les régions où elle s’est déclarée, en vue d’empêcher sa propagation et qu’elle devienne endémique au pays, a expliqué à maintes reprises le Dr Abiad.

« Tout ce qu’on veut, c’est quitter ce pays »

Quinze cas de choléra ont été confirmés à Minié, selon le bilan publié dimanche par le ministère de la Santé. Et le programme de vaccination vise à éviter une expansion plus importante de l’épidémie dans les régions limitrophes du grand foyer qu’est le Akkar, plus au Nord.

« Nous avons arrêté de manger des légumes crus et désinfectons l’eau avec du chlore. Mais pas de vaccin. Il y a déjà assez de problèmes de santé comme ça à la maison », déclare Nida’ à L’Orient-Le Jour dans son salon de coiffure vide de clients, où elle boit le café du matin avec ses voisines. « J’ai reçu mes trois doses contre le corona, et j’attends le vaccin contre le choléra », rétorque néanmoins sa camarade plus âgée.

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À quelques enjambées de là, dans le camp informel de réfugiés syriens de Sofrein Sabe’, dans la commune de Bhanine, les familles se bousculent pour se faire vacciner dans les minces allées de tentes déchiquetées par les dernières pluies torrentielles. « Le choléra n’est rien par rapport à ce que nous vivons. Nos maisons ont été inondées et personne n’est venu nous aider. Tout ce qu’on veut, c’est quitter ce pays, même si c’est pour aller n’importe où ! » s’indigne le jeune Ahmad, ouvrier agricole arrivé de Syrie il y a une dizaine d’années et vivant depuis dans ce camp de fortune.

Les allées de tentes déchiquetées par les pluies torrentielles. Photo João Sousa

Pour se protéger du nouveau fléau qui vient ajouter à leurs malheurs, les réfugiés de Sofrein Sabe’ ont arrêté de manger des légumes et se suffisent de féculents. La viande est, quant à elle, devenue une denrée inabordable depuis longtemps.

« Il n’y a pas de choléra ici, mais tout le monde va se faire vacciner. Nous faisons très attention car d’autres camps sont contaminés. Mieux vaut prévenir que guérir », affirme Imad, père de trois enfants, tous handicapés. « Je n’ai pas peur du vaccin car il nous protège du choléra », déclare la petite Yakout après avoir vaillamment avalé le liquide blanchâtre. « Tout ce que je veux, c’est rejoindre ma tante en Suède », lance Rym en attendant sa dose.

« Je n’ai pas peur du vaccin, car il nous protège du choléra », dit cette fillette du camp de Sofrein Sabe’ à Bhanine. Photo João Sousa

Juste une précaution

« Outre les camps informels, les équipes de Medair font du porte-à-porte auprès des habitants de Bhanine », déclare Dalal Harb, responsable de la communication à l’UNHCR. Elle ajoute que les personnes ne présentant pas de symptômes apparentés au choléra se voient administrer le vaccin à titre volontaire, seulement s’ils le souhaitent.

« Certains disent qu’ils n’en ont pas besoin, ou ont peur car ils ont déjà été vaccinés contre le Covid-19 », confie Mounir, agent mobile de l’ONG. Muni de sa glacière et de son registre, il arpente les routes, arrêtant les passants à pied ou en scooter depuis le début de la journée. « On repassera demain, peut-être qu’ils auront changé d’avis... » espère-t-il.

« Nous lavons soigneusement les fruits et les légumes à la maison. Ma femme et mes enfants n’ont pas besoin du vaccin, je suis le seul à sortir pour aller travailler », estime un père de famille sur le porche de sa modeste demeure. « De quoi s’agit-il ? » interroge son voisin. « On se protège déjà en désinfectant l’eau. Le vaccin, c’est juste une précaution », fait remarquer Nazira, une autre habitante du quartier.

Sauf opposition ferme de leur part, les personnes âgées sont vaccinées d’office, selon le programme. « C’est important, car nous sommes à proximité d’un camp et la communauté syrienne est très affectée, poursuit Mahmoud, un soixantenaire. Nous n’avons pas les moyens d’aller à l’hôpital si nous sommes malades. Les frais sont trop élevés et personne n’est là pour nous aider. »

Midi trente à la municipalité de Bhanine, dans le caza de Minié, près de Tripoli au Liban-Nord. Le convoi du ministère de la Santé arrive, attendu par quelques dizaines d’habitants venus assister au premier arrêt d’une tournée de vaccination qui se poursuivra ensuite dans le Akkar, la région la plus touchée par l’épidémie de choléra qui s’est déclarée depuis le 5 octobre au...

commentaires (3)

Dans notre pays, plus les emmerdes s’accumulent et plus les libanais crient, même pas mal. Cela encourage les fossoyeurs à continuer leur massacre.

Sissi zayyat

11 h 47, le 14 novembre 2022

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Commentaires (3)

  • Dans notre pays, plus les emmerdes s’accumulent et plus les libanais crient, même pas mal. Cela encourage les fossoyeurs à continuer leur massacre.

    Sissi zayyat

    11 h 47, le 14 novembre 2022

  • Mais tout ce qu'on veut, c'est que vous quittiez ce pays aussi. Surtout, ne vous genez pas...

    Mago1

    15 h 27, le 13 novembre 2022

  • Vive le "règne fort". Non, je ne dis pas que le aounisme est responsable du choléra. Par contre il est largement partie prenante dans la situation catastrophique dans laquelle se trouve notre pauvre pays, surtout de ne pas pouvoir venir en aide à la population la plus dans le besoin (c'est à dire 90%). Allah, Lebnen, LA HON 'ou bass!

    Gros Gnon

    13 h 54, le 13 novembre 2022

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