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Moyen-Orient - Éclairage

À la veille des élections israéliennes, le malaise émirati

L’extrême-droite anti-palestinienne s’apprête à faire une percée historique lors des élections israéliennes du 1er novembre. De quoi interroger sur l’avenir de la politique émiratie, aux avant-postes de la normalisation arabe avec Israël.

À la veille des élections israéliennes, le malaise émirati

Un soldat israélien et un passant devant une bannière électorale en soutien à Benjamin Netanyahu, le 30 octobre courant, à Tel-Aviv, en Israël. Corinna Kern/Reuters

Selon les derniers sondages réalisés par les médias israéliens, le bloc réuni sous la houlette de Benjamin Netanyahu, chef de l’opposition depuis juin 2021 après avoir passé 15 ans à la tête de l’État hébreu, frôlerait les 61 sièges, seuil de la majorité à la Knesset. En face, la coalition anti-Netanyahu dirigée par le Premier ministre sortant Yaïr Lapid reste à cinq ou six sièges du seuil de la majorité, et les partis arabes en son sein se présentent en ordre dispersé.

L’enjeu majeur de ces cinquièmes élections organisées en moins de quatre ans tourne certes autour du retour potentiel de l’inébranlable M. Netanyahu, malgré son inculpation pour corruption, pour un sixième mandat de Premier ministre. Mais pour les Émirats arabes unis, l’un des huit pays arabes ayant normalisé leurs relations avec Israël, c’est surtout l’alliance de M. Netanyahu avec des partis d’extrême droite et le rôle qu’il entend leur donner en cas de victoire qui seront scrutés.

Admirateur de l’auteur d’un massacre de Palestiniens

Anciens marginaux de la vie politique israélienne, Itamar Ben-Gvir, chef de file du parti Otzma Yehudit (Force juive), et Bezalel Smotrich, leader de Sionisme religieux, ont forgé une alliance électorale créditée de 12 à 15 sièges, selon les derniers sondages de plusieurs médias israéliens. Lors des dernières élections en mars 2021 sous la houlette de M. Netanyahu, l’alliance entre Force juive et le parti sioniste religieux anti-LGBT Noam avait obtenu six sièges, un score déjà sans précédent à l’époque pour ce parti extrémiste.

D’un côté, le colon et suprémaciste juif Bezalel Smotrich, 42 ans, est notamment connu pour s’être prononcé en 2016 en faveur d’une politique de séparation aux relents nauséabonds d’apartheid entre les femmes juives et arabes dans les maternités en Israël.

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D’un autre côté, Itamar Ben-Gvir, 46 ans, est un fervent admirateur de Baruch Goldstein, extrémiste ayant tué 29 Palestiniens et blessé 125 autres lors du massacre du caveau des Patriarches à Hébron, en 1994. M. Ben-Gvir n’a décroché le portrait du tueur du mur de son salon qu’en 2020, et ce afin de pouvoir siéger à la Knesset. Avocat de formation, il est actuellement le seul député du parti Force juive, condamné à plusieurs reprises pour racisme. Pinacle d’une longue liste d’appels à la violence contre les Palestiniens, le 14 octobre, le député extrémiste a brandi une arme à feu dans le quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, exhortant la police à tirer à vue sur tout Palestinien muni d’un caillou.

Ces deux formations alliées au Likoud de M. Netanyahu s’inscrivent dans la droite lignée de l’ancien parti Kakh du rabbin israélo-américain Meïr Kahane, assassiné en 1990 par un militant palestinien, qui notamment prônait la déportation des Arabes vers la Jordanie. Vivant dans une colonie parmi les plus radicales de Cisjordanie occupée, M. Ben-Gvir défend ainsi l’annexion par Israël de la Cisjordanie, où vivent 2,9 millions de Palestiniens, et le transfert d’une partie de la population arabe d’Israël vers les pays voisins.

Or, en cas de victoire, Benjamin Netanyahu a officiellement envisagé d’octroyer un ministère à M. Ben-Gvir. De quoi alarmer les Palestiniens et leurs soutiens arabes de plus en plus évanescents dans la région. Mais est-ce suffisant pour remettre en cause la politique des Émirats arabes unis, fer de lance du rapprochement des pays arabes avec l’État hébreu ?

Intérêts stratégiques vs cause palestinienne

Selon le site d’information Axios, le ministre émirati des Affaires étrangères Abdallah ben Zayed a alerté M. Netanyahu que toute coopération avec des partis d’extrême droite pourrait endommager les relations naissantes entre les deux pays, et ce lors d’une discussion privée de deux heures en septembre dernier.

Les relations entre les deux hommes remontent à 2012, selon Axios. Huit ans plus tard, sous la houlette de l’ex-président américain Donald Trump, elles ont abouti à la signature historique, en décembre 2020, des accords d’Abraham garantissant la normalisation des relations diplomatiques entre Israël, d’une part, et les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc, de l’autre. Depuis, les deux pays n’ont eu de cesse de resserrer leurs liens.

En mars 2022, les chefs de la diplomatie émirati, américain, israélien, égyptien, marocain et bahreïni se sont réunis lors du sommet de Néguev dans un kibboutz où repose la dépouille du fondateur d’Israël David Ben Gourion. À cette occasion, l’État hébreu a qualifié l’Iran d’« ennemi commun ». Le 31 mai 2022, Israël et les Émirats ont signé un accord de libre-échange devant permettre, sous cinq ans, la levée des tarifs douaniers sur 96 % des biens échangés entre les deux pays.

Et les relations bilatérales ont récemment pris un tournant plus stratégique. Vendredi 28 octobre, des images satellite ont révélé l’usage par les Émirats arabes unis du système de défense aérienne israélien Barak, selon le site Tactical Report. La publication de ces images sur les réseaux sociaux survient un mois après l’accord d’Israël pour vendre son système de défense aérien avancé aux Émirats, selon Reuters, qui a également rapporté que les Émirats cherchaient à se procurer des missiles israéliens Spyder.

Selon le quotidien israélien Haaretz, le système de défense aérienne Barak doit permettre aux Émirats de se prémunir contre de possibles attaques de drones et de missiles balistiques lancés par les rebelles yéménites houthis soutenus par l’Iran. En janvier 2022, les Émirats avaient subi trois attaques consécutives lancées par les houthis, dont une lors de la première visite officielle du président israélien Isaac Herzog à Abou Dhabi.

Les Émirats iront-ils jusqu’à s’allier avec un gouvernement ouvert à l’extrême droite en Israël pour préserver leurs intérêts sécuritaires et économiques, au détriment de la cause palestinienne dont ils n’ont eu de cesse de s’éloigner depuis la signature des accords d’Abraham ? Nul doute que cette question sera au cœur du 31e sommet arabe qui se tiendra les 1er et 2 novembre à Alger.

Lors des travaux préparatoires du sommet samedi 29 octobre, le secrétaire général de la Ligue arabe Ahmad Aboul Gheit a rappelé que la phase actuelle, marquée par une recrudescence des violences en Cisjordanie occupée où plus de 100 combattants et civils palestiniens ont été tués depuis le début de l’année selon l’ONU, exigeait « de tout un chacun un travail sérieux pour le renforcement de la résistance palestinienne sur les plans économique et politique ».

Or, ce travail s’effectuera sans les dirigeants de six pays du Golfe. Selon l’agence turque Anadolu, outre le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane, excusé pour raisons médicales, les leaders des Émirats arabes unis, de Oman, du Koweït, de Bahreïn et du Liban ne se rendront pas non plus à Alger.

Selon les derniers sondages réalisés par les médias israéliens, le bloc réuni sous la houlette de Benjamin Netanyahu, chef de l’opposition depuis juin 2021 après avoir passé 15 ans à la tête de l’État hébreu, frôlerait les 61 sièges, seuil de la majorité à la Knesset. En face, la coalition anti-Netanyahu dirigée par le Premier ministre sortant Yaïr Lapid reste à cinq ou six...

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