Critiques littéraires

Sur un paquebot, le naufrage d’un monde

Sur un paquebot, le naufrage d’un monde

Dans son dernier livre qui vient de paraître chez Gallimard, l’infatigable Pierre Assouline nous offre un merveilleux voyage romanesque à bord d‘un paquebot de luxe. Cela se passe en 1932. Jacques-Marie Bauer, libraire spécialisé en livres anciens et rares, est l’un des 767 passagers de la croisière inaugurale d’un paquebot flambant neuf, le Georges Philippar qui, parti de Marseille, vogue vers Yokohama. Assouline affectionne les huis clos. Que ce soit dans un hôtel (Lutetia), un appartement (Les Invités) ou un château (Sigmaringen), les espaces clos sont des lieux où sa virtuosité excelle. Il a donc trouvé à bord du Georges Philippar un théâtre à sa mesure où il se plaît à observer, croquer ses personnages et laisser libre cours à sa culture littéraire et son goût pour les clins d’œil que le lecteur relèvera s’il partage la bibliothèque de cœur de l’auteur, où l’on croise Flaubert, Claudel, Cendrars, Proust et plusieurs autres encore. Quant à Jacques-Marie Bauer, il est plongé dans la lecture de La Montagne magique de Thomas Mann. À l’intérieur de ce théâtre flottant – structuré par ses rituels et dont le pont-promenade est le « boulevard à ragots » – qui vogue à l’écart des turbulences du monde mais qui finira néanmoins par être percuté par elles, le ballet des relations humaines inspire à Assouline le beau portrait d’une Europe au bord du naufrage. Un roman érudit et inquiet, qui résonne avec encore plus de force dans le contexte actuel.

Une des forces du roman d'Assouline tient à la qualité impressionnante de sa documentation. Dans un précédent entretien, il avait dévoilé à L'Orient littéraire sa méthode pour se documenter sur un paquebot qui a fait naufrage :

« Je suis biographe et j’ai une longue habitude de cette étape qui, dans le cas présent, a duré près de trois ans. Mon genre littéraire idéal croise l’histoire et le roman : je me sers de tous les instruments de la fiction pour mettre en scène l’histoire. Alors je commence par lire beaucoup sur l’époque elle-même. Comme j’y ai déjà placé pas mal de mes ouvrages, je la connais très bien. Ensuite pour les vêtements à bord, très importants puisqu’au cours d’une croisière, on est en représentation permanente, j’ai consulté les magazines de mode des années 30 sur Gallica.fr : ils sont incroyablement détaillés. Idem pour les chaussures, les accessoires, les parfums. Ma hantise est l’anachronisme et je ne veux pas qu’on vienne me dire que tel parfum n’était pas encore sur le marché ! Pour les chansons et les musiques les plus appréciées, je me suis également amplement documenté. J’ai consulté des thèses universitaires sur les techniques et matériaux de construction des bateaux, et sur les systèmes électriques utilisés. Enfin, la Chambre de commerce de Marseille m’a permis d’accéder aux archives des Messageries maritimes. Comme il y a eu naufrage et décès du grand Albert Londres, la compagnie d’assurance a rédigé un rapport très détaillé : j’ai donc pu consulter les listes des passagers, les dépositions des rescapés et même les menus du jour ! »


Le Paquebot de Pierre Assouline, Gallimard, 2022, 416 p.

Pierre Assouline au Festival :

Rencontre avec l’académie Goncourt, présentée par Salma Kojok, mercredi 26 octobre à 18h (Amphithéâtre du Musée Sursock).

Dans son dernier livre qui vient de paraître chez Gallimard, l’infatigable Pierre Assouline nous offre un merveilleux voyage romanesque à bord d‘un paquebot de luxe. Cela se passe en 1932. Jacques-Marie Bauer, libraire spécialisé en livres anciens et rares, est l’un des 767 passagers de la croisière inaugurale d’un paquebot flambant neuf, le Georges Philippar qui, parti de...

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