« Un gaspillage d’essence pour rien. » Ce constat, non sans ironie, de Paula Yaacoubian résume le mieux la séance de la Chambre qui devait se tenir jeudi pour élire un nouveau président, mais qui, au final, a été ajournée au 20 octobre... faute de quorum. Cette arme qu’on manipule depuis quarante ans à « bon escient », alors que la Constitution ne fait aucune référence au nombre de députés requis pour que la séance se tienne. Selon les règles du jeu, 86 députés doivent être présents à l’hémicycle pour chaque séance électorale. Le même nombre doit voter pour un candidat afin qu’il soit élu président au premier tour. Au second tour, 65 votes suffisent. Jeudi, le chef d’orchestre était, encore une fois, le Hezbollah. C’est lui qui jusqu’ici tire les ficelles. Comme lors de la première séance tenue le 29 septembre, il a répété le même scénario, à quelques nuances près. Et il a marqué trois buts. En provoquant avec ses alliés un défaut de quorum avant même que les bulletins ne soient distribués, il a d’abord fait comprendre que l’heure de l’entente n’a pas encore sonné. Le camp adverse ne pourra jamais parvenir à faire élire son président au sein d’une Chambre à majorité étriquée, et la confrontation ne le mènera nulle part. Ensuite, il s’est montré solidaire de son allié chrétien, le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, qui avait crié au scandale en apprenant que les députés ont été convoqués un 13 octobre. Et enfin, il a privé le candidat de l’opposition, Michel Moawad, de marquer une victoire symbolique en améliorant son score aux dépens de son candidat « blanc », privé des votes du bloc aouniste.
L’entente, encore et toujours
C’est le CPL qui a ouvert le bal du boycott. Gebran Bassil a rapidement compris le message de Nabih Berry qui a choisi une date qui coïncide avec la commémoration de l’assaut syrien contre le palais de Baabda où se trouvait le général Michel Aoun, alors chef du gouvernement de transition, en 1990. Le Hezbollah a joué sur cette fibre. « On verra » était jusqu’à la dernière minute le maître mot des 15 parlementaires du parti chiite interrogés au sujet de leur participation à la réunion. Certains députés de la formation pro-iranienne pénétraient au Parlement, mais prenaient le chemin de leurs bureaux plutôt que celui de l’hémicycle où finalement seulement quatre d’entre eux ont fait acte de présence.
Le Hezbollah n’était pas le seul à jouer ce double jeu. Il a pu compter sur son partenaire traditionnel, Nabih Berry. S’il était monté sur ses grands chevaux ces derniers jours pour confirmer le maintien de la séance en dépit de l’objection d’un large groupe parlementaire chrétien, le chef du législatif a contribué au défaut de quorum en demandant à seulement certains de ses députés d’y prendre part. « Une majorité des membres du groupe ont fait leur entrée à la Chambre », affirme tout de même à L’Orient-Le Jour Mohammad Khawaja, député Amal de Beyrouth. Et de poursuivre : « Le défaut de quorum est un instrument démocratique qui pourrait être utilisé jusqu’à l’aboutissement à une entente. » Pour le tandem chiite, l’équation est désormais claire : sans entente, pas de quorum. Incapables d’imposer un candidat et ne voulant pas dévoiler toutes leurs cartes, les deux alliés trouvent leur compte dans cette solution miracle. « Nous ne voulons pas faire partie d’une dynamique axée sur un candidat de défi », nous explique Rami Abou Hamdane, député Hezbollah, en allusion à Michel Moawad, candidat d’une large frange de l’opposition (36 voix lors de la première séance). Le camp du 8 Mars est donc déterminé à faire barrage aux plans du camp adverse qui aborde l’échéance dans une logique de confrontation. « Ce qu’il faut, c’est un président qui soit le fruit d’une entente », insiste Rami Abou Hamdane. « Tant qu’elle n’a pas concocté un compromis, la classe dirigeante torpillera toute séance, comme cela a toujours été le cas », dénonce Halimé Kaakour, députée de la contestation, dans une déclaration à notre journal en marge de la séance. « Il est honteux qu’ils parviennent à s’entendre avec l’ennemi (sur le tracé de la frontière maritime) et n’arrivent pas à élire un président », renchérit Oussama Saad, député indépendant de Saïda.
Candidat « sérieux »
De son côté, Michel Moawad tient à sa candidature, en dépit du veto annoncé du camp adverse. « Je suis un candidat dont le positionnement est clair. Je suis le président du retour à l’État », a lancé le député zghortiote à sa sortie de la Chambre. Mais M. Moawad n’est pas au bout de ses peines. Non seulement il est difficile pour lui de faire fléchir la position du camp mené par le Hezbollah, il a aussi encore du pain sur la planche au sein du camp duquel il se revendique. Le parlementaire du Nord continue de bénéficier de l’appui des Forces libanaises, des Kataëb et du Parti socialiste progressiste, en plus de certains indépendants à l’instar d’Ihab Matar et de Bilal Hechaïmi. Mais il peine toujours à convaincre les députés de la contestation et ceux du Akkar. Ces derniers, à majorité sunnite, s’apprêtaient à voter pour « le nouveau Liban », car pour eux, M. Moawad n’a pas de chances d’être élu tant qu’il ne fait pas l’objet d’une entente élargie entre les composantes d’une Chambre à majorité étriquée.
Quant à la contestation, elle insiste à ne pas soutenir le député de Zghorta, lui préférant une figure non affiliée aux camps politiques traditionnels. Les 13 députés du « changement » avaient lancé une initiative et mené des contacts avec tous les bords politiques pour parvenir à l’élection d’un « président de sauvetage ». Lors de la première séance électorale, ils avaient glissé le nom de l’homme d’affaires Salim Eddé, qui n’était pas favorable cependant à l’idée de se porter candidat. D’autres noms, comme Ziyad Baroud ou Salah Honein, ont été mis en avant par ces élus, mais leurs contacts n’ont pas porté leurs fruits.Les soutiens de M. Moawad insistent, eux, sur le caractère « sérieux » de cette candidature, comme le souligne Achraf Rifi, député membre du bloc du Renouveau, dont font partie le député de Zghorta et ses collègues Adib Abdel Massih et Fouad Makhzoumi. Une position que partagent les FL, hostiles à tout président qui résulterait d’une entente avec le Hezbollah. « Si certains pensent pouvoir miser sur le temps pour nous mener vers des candidatures à la Abou Melhem (figure télévisée libanaise symbolisant bonté et naïveté), ils sont dans l’erreur », a tonné Georges Adwan, député FL du Chouf.
PENSEZ-Y BIEN... PLUS ENCORE... OUI AINSI... PENSEZ-Y TRES BIEN ET VOUS VERREZ QUE CET ACCORD DE LA TRAITRISE A DONNE AU HEZBOLLAH UNE AUTRE DIMENSION LOCALE. SI ON VEUT LE DESARMER... IL N,A MAINTENANT PLUS UN MINI ETAT MAIS UN ETAT PETROLIER.
12 h 52, le 14 octobre 2022