L’entrée d’une députée de la contestation, Cynthia Zarazir, dans le club des déposants qui forcent leur banque à leur livrer une partie de leurs avoirs a divisé hier l’opinion publique entre ceux qui ont approuvé et applaudi ce coup d’éclat, et ceux qui y ont vu un « coup de com » malvenu de la part d’une élue. Déjà sur les réseaux sociaux, l’affaire a fait grand bruit et a divisé les internautes. « Le directeur de la banque lui a proposé de prendre l’argent sans faire de scandale, elle a préféré en parler tout haut et attendre des heures dans sa banque. Bravo ! » écrit une internaute. « Au lieu d’apprendre aux gens à violer la loi, faites adopter une loi qui protège les droits des déposants », lance une autre, à l’intention de la députée et de tout son bloc de la contestation.
La députée issue de la contestation avait récupéré de force le matin même une partie de ses économies bloquées en banque, après plusieurs heures de négociations dans une agence de la Byblos Bank à Antélias, au Metn. La parlementaire a déclaré avoir besoin de ces fonds pour payer les frais d’une intervention chirurgicale. La quadragénaire, ancienne aouniste repentie depuis 2005 et fervente partisane du soulèvement populaire du 17 octobre, a été élue en mai dernier à Beyrouth I, sur la liste de la députée Paula Yaacoubian. Depuis, elle a fait parler d’elle à plusieurs reprises, notamment lorsqu’elle a dénoncé le « machisme » au Parlement libanais.
Hier, l’action de la députée était clairement soutenue par ses collègues du bloc issu de la contestation. Deux d’entre eux, Halimé Kaakour et Yassine Yassine étaient présents sur les lieux.
Ibrahim Mneimné, député du même bloc, confirme ce soutien à Cynthia Zarazir (qu’il a d’ailleurs exprimé sur Twitter). Il assure à L’Orient-Le Jour que tout le groupe « est solidaire de la députée dans son combat pour récupérer son argent ». Il met en avant le fait qu’elle a agi « en sa qualité personnelle », et qu’elle « a mené son action sans aucune violence et sans enfreindre aucune loi ». « Qu’elle soit députée ou non, elle est déposante et avait une très bonne raison d’exiger une partie de son argent pour des besoins médicaux, dit-il, en réponse à une question concernant le message qu’elle transmet ainsi au public. Cynthia Zarazir fait partie de ce peuple qui subit des restrictions bancaires illégales depuis trois ans, sans aucune transparence, et qui est dans la réaction. »
La députée Najat Aoun Saliba, elle aussi du même groupe parlementaire que Cynthia Zarazir, comprend l’action de sa collègue.
« Nous ne sommes pas loin des gens, nous avons les mêmes inquiétudes et les mêmes peurs qu’eux, dit-elle à L’OLJ. Cynthia a eu une urgence médicale et elle a eu besoin de son argent. » Interrogée sur le message que renvoie cette action pour le public, la députée du changement affirme que le travail au Parlement est complémentaire de la vie d’un député, qui est affecté autant que les autres par les effets de la crise. En tant que députée, n’aurait-elle pas eu une marge de manœuvre à l’intérieur des institutions ? « Cynthia, comme tout le reste du groupe, fait son devoir à l’intérieur de l’hémicycle, répond Ibrahim Mneimné. Nous traitons avec beaucoup de sérieux la protection des intérêts des déposants. » Selon lui, après trois ans de flou, seule une restructuration des banques pourrait sortir le secteur et le pays du pétrin dans lequel ils se trouvent.
La question de l’impunité ne se pose pas
Un ancien ministre interrogé par L’OLJ « n’est pas choqué » par l’action de la députée fraîchement élue, qui est « un citoyen et un déposant comme un autre ». « Au contraire je respecte qu’une députée ait choisi de réclamer son dû sans violence et sans avoir recours à une influence quelconque », dit-il. « La seule question que je me pose est de savoir si elle a fait cela réellement par besoin de débloquer une partie de ses avoirs, ou par pure action médiatique », poursuit-il, notant que son groupe s’est démarqué depuis son arrivée au Parlement par des « coups de com ».
Toutefois, toujours selon ce même ancien ministre, « la question de l’impunité de la députée, qui lui accorderait un avantage dans une situation telle que celle-là, ne se pose pas ». « D’une part, elle n’a rien fait de répréhensible comme utiliser la force ou quoi que ce soit, et si elle l’avait fait, elle aurait alors été en flagrant délit, explique-t-il. Or l’immunité ne s’applique pas en cas de flagrant délit. Elle n’en aurait donc profité en aucun cas. »
Devant la banque où la députée attendait son argent, un petit sit-in d’activistes s’était tenu pour la soutenir. Mais tous les militants de la société civile ne sont pas de son avis. Un activiste politique, qui a préféré rester anonyme, n’est pas tendre envers la députée. « Il faut arrêter ces actions populistes et ne plus céder au jeu des réseaux sociaux et des coups publicitaires », s’insurge-t-il. Pour lui, « un député ne peut pas agir comme un déposant lambda, il devrait rechercher des solutions qui conviennent à toute la population et pas simplement à sa personne ». Cet activiste exprime sa crainte que « cette action ne jette le discrédit sur le travail de l’opposition au sein du Parlement ».
commentaires (10)
Continuez vos actions et nous verrons quand les banques vont fermer ,dailleurs ils n attendent que ça et le peuple souffrira plus encore pour recuperer les salaires .....
Le juste milieu
16 h 12, le 06 octobre 2022