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Lifestyle - Urbanisme

Repenser le front de mer de la banlieue nord de Beyrouth

L’architecte urbaniste Gabriel Mattar prend à contre-pied le projet « Linord » sur le littoral du Metn.

Repenser le front de mer de la banlieue nord de Beyrouth

« LiNOrd », le projet de diplôme de Gabriel Mattar, a décroché la mention très bien de l’Institut d’urbanisme de l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA). Photo DR

Intitulé « LiNOrd », le projet de diplôme de Gabriel Mattar a décroché la mention « très bien » de l’Institut d’urbanisme de l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA). Sa conception du front de mer, sur le tronçon situé entre le Fleuve de Beyrouth et Antélias, est à l’opposé du « Linord » adopté par le gouvernement de Rafic Hariri en 1995 et imaginé en 1981 par Amine Gemayel, alors député du Metn-Nord. Ce projet vise à confier à une société privée l’aménagement de plus de 200 hectares sur le littoral du Metn, au moyen de remblais permettant la récupération de terrain sur la mer.

Le jardin central. Photo DR

Comme son nom l’indique, le « LiNOrd » de Gabriel Mattar se veut un contre-projet de celui des années 90. « Je l’ai conçu comme une extension de la ville vers la mer, plutôt qu’une “Mega-Gated Community”, une communauté fermée sur le littoral nord », souligne le jeune architecte. Il explique que « le “NO” dans le titre correspond aux éléments principaux de “Linord” qui font de lui un projet erroné, notamment par la privatisation du domaine public maritime plutôt que la mise en place d’espaces publics de front de mer. Par la prolifération des voies rapides pour décongestionner l’autoroute Beyrouth-Tripoli plutôt que l’implantation d’un système de transport en commun régional ». Dans le plan de transport du Grand Beyrouth, des solutions ambitieuses avaient toutefois été évoquées dès 1995 pour résoudre les problèmes de trafic. Le plan défini par le groupement Laurif (l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France) et la Sofretu (Société française d’études et de réalisations de transports urbains) prévoyait alors la construction d’importantes infrastructures routières, mais surtout le développement des transports collectifs. Les décideurs politiques ont finalement choisi de privilégier les réseaux routiers au détriment des transports collectifs. Le « NO » est également mis en exergue en raison de « l’emprise importante des équipements d’infrastructure au détriment des fonctions publiques comme le port de pêcheurs de Bourj Hammoud », indique Gabriel Mattar. Alors que celui-ci, apparu dans les années 1940 avec une dizaine de barques, affichait ces dernières années une capacité de 680 bateaux et est classé par le ministère des Travaux publics comme le second port de pêche après celui de Tripoli.

« The Nexus », station d’échange multimodale. Photo DR

Une nouvelle ville

D’autre part, pour créer une nouvelle ville de front de mer multifonctionnelle, le projet de Gabriel Mattar propose « un plan flexible qui permettra la division de quatre quartiers en îlots, parcelles et bâtiments ». L’architecte urbaniste signale que ces quartiers, baptisés « super-îlots », sont placés de part et d’autre d’un nouveau port de pêcheurs de Bourj Hammoud qui devient « l’élément central du projet », jouant le rôle à la fois de port de pêcheurs, de port de plaisance et d’arrêt des « water-taxi » (taxis maritimes). Dans son projet, l’architecte relève aussi qu’une nouvelle promenade de front de mer sera aménagée, en contact direct avec un nombre d’espaces publics, notamment un grand jardin central et un pont piéton survolant le port, permettant ainsi de relier les deux rives du bassin. Il fait remarquer par ailleurs que « la station de traitement des eaux usées planifiée dans le projet de 1996 sera enterrée pour libérer le rez-de-chaussée et créer un parc de front de mer ». Il précise aussi que le stockage pétrolier prévu également par « Linord » sera relocalisé dans des zones moins densément peuplées pour laisser la place à une grande esplanade. « Celle-ci va assurer une transition douce de la zone industrielle de Bourj Hammoud/Bauchrieh aux nouveaux quartiers à vocation résidentielle », précise Gabriel Mattar.

Vue aérienne du projet. Photo DR

Une énergie propre

Une station d’échange multimodale dite « The Nexus », située à l’intersection de l’autoroute Beyrouth-Tripoli, de la route maritime et de l’autoroute Metn Express, va permettre de gérer des flux des voitures en provenance (et en direction) de Beyrouth, du Nord et du Haut-Metn. Cette gare comprendrait des fonctions commerciales et un grand jardin avec une zone d’exposition ainsi que des aires de jeux pour enfants au rez-de-chaussée. Pour alimenter en « énergies propres et renouvelables » cette infrastructure et les quartiers avoisinants (7 millions de mètres carrés selon l’architecte-urbaniste), les vitres de la gare seront photovoltaïques et toute la circonférence de son toit sera dotée d’éoliennes.

« The Nexus » est de surcroît « adaptable à tous les plans directeurs de transports proposés, depuis le plan de transport du Grand Beyrouth de 1995, à, plus récemment, le plan de réhabilitation du réseau de chemin de fer, planifié par le ministère des Travaux publics et la compagnie française Alstom en janvier 2022 », relève l’architecte-urbaniste.

Les plages du Metn. Photo DR

Le Prado du Metn

En cas de construction de lignes de métro, des excavations nécessaires seront entreprises au nord de Nahr el-Mott. Les matériaux qui résultent de cette opération serviront à la création de plages publiques (à la façon du parc balnéaire du Prado à Marseille) et à une série d’espaces publics communicants : « Des promenades scéniques avec un parcours qui s’étend sur tout le long du front de mer, qui continue vers le remblai de Joseph Khoury, jusqu’à la corniche de Nahr el-Kaleb, rendant les 10 km de la côte du Metn accessible librement au public », précise Gabriel Mattar.

Ziad Akl, directeur de l’Institut d’urbanisme de l’ALBA, souligne à son tour que « “LiNOrd”, imaginé par Mattar, constitue un exercice intéressant. Le travail accompli a été gigantesque et très bien finalisé, même si le projet qu’il propose est un peu utopique ».

Intitulé « LiNOrd », le projet de diplôme de Gabriel Mattar a décroché la mention « très bien » de l’Institut d’urbanisme de l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA). Sa conception du front de mer, sur le tronçon situé entre le Fleuve de Beyrouth et Antélias, est à l’opposé du « Linord » adopté par le gouvernement de Rafic Hariri en 1995...

commentaires (6)

Un métro ou tramway aérien plutôt ? Pourquoi creuser ?

Wow

16 h 02, le 30 septembre 2022

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Commentaires (6)

  • Un métro ou tramway aérien plutôt ? Pourquoi creuser ?

    Wow

    16 h 02, le 30 septembre 2022

  • Les municipalités au Nord de Beyrouth s'opposaient a ce projet car les bâtiments construits (illégalement?) au bord de la mer vont se retrouver éloignes, donc a valeur moindre, donc produisant moins de taxes pour ces municipalités

    Kettaneh Tarek

    12 h 35, le 30 septembre 2022

  • "… En cas de construction de lignes de métro, des excavations nécessaires seront entreprises au nord de Nahr el-Mott …" - Vous savez que le sous-sol du littoral est plein de nappes phréatiques sous-terraines? Non? Alors renseignez-vous…

    Gros Gnon

    09 h 39, le 27 septembre 2022

  • Bravo M Mattar. Excellente idée pour changer le cadre de l'entrèe Nord de Beyrouth et comme il se doit pour imaginer ce projet avec tous ses détails ceci t'a certainement pris des années de travail assidu. Bonne chance pour l'application et pour ta prochaine vie professionelle.

    Oscar

    08 h 08, le 27 septembre 2022

  • La vue aérienne de ce projet montre une masse énorme qui bloque comme un rideau la vue de l'arrière pays sur la mer. Cette masse est tellement énorme par rapport à tout ce qui l'entoure que la seule description que je puisse attribuer à cette proposition urbaine; c'est une horreur qui fait fi de toute échelle humaine, de la qualité de vie, et de la douceur méditerranéenne.

    Ramzi Salman

    07 h 43, le 27 septembre 2022

  • waouh.. quelle poudre aux yeux.. des métros , des water-taxis et pourquoi pas des navettes volantes... avant cela il faudrait déjà que l'état libanais soit capable d'organiser un transport terrestre digne de ce nom avec des simples lignes de bus. pensez vous qu'un investisseur veuille investir un seul denier dans cette marmite du diable ? réveillez vous !!! désolé de vous faire part de mon pessimiste mais rien ne va dans le sens de ces projets pharaoniques alors que plus de 80% de la population ne mange plus à sa faim.

    Rod PAris

    02 h 14, le 27 septembre 2022

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