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Moyen-Orient - Protestation

Au Kurdistan d'Irak, des Iraniens portent en eux la peur de la répression

Les Iraniens kurdes rencontrés à Penjwen refusent de parler devant la caméra, craignant d'être interrogés par les services de renseignement ou d'être détenus à leur retour en Iran. Quand ils évoquent Mahsa Amini, ils utilisent son prénom kurde, Jhina.

Au Kurdistan d'Irak, des Iraniens portent en eux la peur de la répression

Manifestation à Erbil, au Kurdistan d'Irak, le 24 septembre 2022, en signe de solidarité avec une jeune femme kurde décédée en Iran après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour avoir porté le voile de manière "inappropriée". Photo SAFIN HAMED / AFP

Grève générale, jeunes scandant "mort au dictateur", portraits incendiés du guide suprême: pour évoquer les manifestations en Iran et la répression, la parole se libère difficilement chez les Iraniens qui franchissent quotidiennement la frontière pour aller au Kurdistan d'Irak.

A Penjwen, ville du Kurdistan irakien située à dix kilomètres de la frontière iranienne, l'AFP a rencontré des Iraniens kurdes, en visite chez des proches ou à la recherche d'un travail. Tous requièrent l'anonymat pour parler de la contestation qui secoue leur pays à la suite de l'annonce mi-septembre de la mort de Mahsa Amini après son arrestation à Téhéran pour "port de vêtements inappropriés".

Depuis, des vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux montrant des femmes brûler leur voile et d'autres manifestants scander des slogans hostiles au guide suprême iranien Ali Khamenei. "Une grève générale a commencé le 19 septembre (dans l'ouest de l'Iran). Tous les commerces et marchés sont fermés" en signe de protestation, confie Kawa Krimi (nom modifié), un quinquagénaire venu de Marivan, en Iran.

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Dans cette ville, ni les arrestations, ni les tirs des forces de l'ordre qui ont blessé un garçon à la tête selon lui, n'ont suffi à éroder la mobilisation, dit cet homme vêtu du traditionnel sarouel bouffant qui attend son bus pour retrouver sa famille à Souleimaniyah, grande ville du Kurdistan d'Irak. Autour de lui, des dizaines de travailleurs journaliers kurdes, originaires du nord-ouest de l'Iran. Tout comme Mahsa Amini, dont le prénom en kurde est Jhina.

"Contre la mort de Jhina" 

Les échanges entre Kurdistan d'Irak et Kurdistan d'Iran sont vitaux et constants: on parle le même dialecte kurde et nombreux sont ceux qui comptent des parents dans les deux pays. Samedi à Erbil, capitale du Kurdistan irakien, quelques centaines de manifestants se sont rassemblés, brandissant des portraits de Mahsa Amini et dénonçant la répression. Au moins 35 personnes ont été tuées dans "les émeutes", selon le dernier bilan de la télévision d'Etat iranienne. Mais l'ONG d'opposition Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, fait état vendredi d'au moins 50 morts dans la répression par les forces de sécurité des manifestations.

Amnesty International a dénoncé une "répression brutale" et "le recours illégal aux tirs de grenailles, billes d'acier, gaz lacrymogènes, canons à eau et coups de bâton pour disperser les manifestants". Les Iraniens kurdes rencontrés à Penjwen refusent de parler devant la caméra, craignant d'être interrogés par les services de renseignement ou d'être détenus à leur retour en Iran. Quand ils évoquent Mahsa Amini, ils utilisent son prénom kurde, Jhina.

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Dans un champ près de Penjwen, Kochar s'active avec d'autres journaliers chargeant des tomates dans une camionnette. Cela fait deux jours que le jeune homme est en Irak, laissant derrière lui les troubles à Marivan. "La plupart des manifestants sont des jeunes hommes et femmes", raconte-t-il. "Face aux forces (de sécurité) ils brandissent des portraits de Jhina et scandent des slogans hostiles à la République islamique devant les bureaux du gouverneur de la ville", ajoute Kochar. Il évoque lui aussi la fermeture des commerces, "en protestation contre la mort de Jhina et les politiques de la République islamique".

"Mort au dictateur" 

Illustrant l'ampleur de la crise économique dans son pays, le jeune homme de 27 ans restera un mois au Kurdistan d'Irak. "Dans nos régions il n'y a pas de travail", déplore Kochar. "Et même si on en trouve, on est payé deux fois moins qu'au Kurdistan d'Irak". Azad Husseini rentre chez lui à Souleimaniyah, après une dizaine de jours dans son Iran natal, à Baneh.

Le charpentier dit ne pas avoir participé aux rassemblements. Même si une fois il s'est retrouvé près d'une manifestation où les policiers ont eu recours, dit-il, aux gaz lacrymogènes, matraques et tirs à balles réelles pour disperser des protestataires équipés "de bâtons et de cailloux". "Ils scandaient +Mort au dictateur+, +La femme, la vie, la liberté+", poursuit-il, évoquant des portraits incendiés du guide suprême iranien. Les raisons de la colère? "La conjoncture économique difficile", avance M. Husseini, citant également "la répression des libertés, en particulier celles des femmes". "Je doute que les manifestations en Iran se finissent de sitôt", conclut-il.

Grève générale, jeunes scandant "mort au dictateur", portraits incendiés du guide suprême: pour évoquer les manifestations en Iran et la répression, la parole se libère difficilement chez les Iraniens qui franchissent quotidiennement la frontière pour aller au Kurdistan d'Irak.
A Penjwen, ville du Kurdistan irakien située à dix kilomètres de la frontière iranienne, l'AFP a...

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