
Des policiers devant une branche de la Blom Bank où une prise d'otage a eu lieu mercredi matin, le 14 septembre 2022 à Sodeco, à Beyrouth. Photo ANWAR AMRO / AFP
Deux prises d'otages ont eu lieu coup sur coup mercredi au Liban, la première dans une branche de la Blom Bank à Sodeco, à Beyrouth, et la seconde à Aley, au sud-est de la capitale. Des actions "coordonnées" par des associations de défense des droits des déposants, a confirmé l'avocat et activiste Rami Ollaïk à L'Orient-Le Jour. Avec ces prises d'otages, les déposants veulent pouvoir accéder à leurs propres fonds bloqués en banque, alors que ces dernières ont imposé des restrictions aussi draconiennes qu'illégales sur les comptes de leurs clients depuis 2019.
Un agent de sécurité dans la Blom Bank, peu de temps après la prise d'otage. Photo Matthieu Karam
M. Ollaïk, fondateur de l'alliance Mouttahidoun, qui défend les déposants libanais face aux banques, a confirmé mercredi dans un message vocal à L'OLJ que plusieurs actions coordonnées avec des clients de banques et l'Association des déposants, avaient été menées mercredi contre des établissements bancaires du pays et que d'autres auraient encore lieu. Les banques ferment généralement en début d'après-midi au Liban.
Treize mille dollars
A Sodeco, dans la matinée, la jeune femme Sali Hafez s'est filmée en train de réclamer son propre argent "pour sa sœur qui a un cancer et se meurt à l'hôpital". "Je ne suis pas là pour tuer ou mettre le feu... Je suis là pour réclamer mes droits", lance-t-elle. D'après un témoin, interrogé par notre journaliste sur place Matthieu Karam, la jeune femme s'est également aspergée d'essence et a menacé de s'immoler par le feu. Sa sœur malade se trouvait également sur les lieux et Sali Hafez était soutenue par des activistes et des proches, a indiqué M. Ollaïk. Le mari d'une cliente présente lors de l'opération, Dani Daher, a de son côté témoigné que son épouse "a été menacée, pistolet sur la tempe" par Sali Hafez.
La preneuse d'otage "est ma cliente". "Je suis allé avec eux à la banque, je soutiens cette action, et je les ai aidés à l'accomplir, avec la force nécessaire, pour qu'ils puissent récupérer leurs dépôts, leur épargne", a déclaré l'avocat dans un message envoyé sur WhatsApp. "La sœur de la preneuse d'otage a un cancer terrible et les banques refusent de donner de l'argent pour ce genre de cas", a-t-il dénoncé, avant d'"encourager les gens à utiliser ce type d'action pour récupérer leurs fonds, mais uniquement à cette fin".
Dans une interview accordée à un média local après le braquage, Sali Hafez assure avoir récupéré environ 13.000 des 20.000 dollars déposés par sa famille dans la banque. Les soins de sa sœur coûtent 50.000 dollars, précise-t-elle, affirmant encore que l'arme utilisée était factice.
Des policiers debout près d'un pistolet factice utilisé par la preneuse d'otage dans la Blom Bank, le 14 septembre 2022 à Beyrouth. Photo ANWAR AMRO / AFP
Arrestations
Après avoir obtenu ses fonds, et moins d'une heure après le début du braquage, la jeune femme et ses complices ont réussi à s'échapper par une fenêtre avant l'arrivée des forces de sécurité. Deux personnes ont toutefois été arrêtées par les forces de l'ordre, selon M. Ollaïk.
Sali Hafez, architecte d'intérieur âgée de 28 ans, est une militante du mouvement de contestation déclenché en octobre 2019 contre la classe politique, a indiqué sa sœur Zeina à l'AFP. Selon elle, la famille n'était pas au courant de son intention de braquer la banque.
Elle a été saluée comme une héroïne par de nombreux internautes au Liban où les images de la jeune femme, debout sur un bureau, ont fait le tour des réseaux sociaux. "Merci ! Il y a deux semaines, j'étais en pleurs à la Blom Bank. J'avais besoin d'argent pour une opération", a écrit un internaute.
Quelques heures après le braquage, la Blom Bank a confirmé, dans un communiqué, que la cliente s'était présentée à l'agence mardi et s'était entretenue avec son directeur. Elle lui aurait demandé de retirer une certaine somme d'argent afin d'aider sa sœur et le directeur aurait "fait preuve d'une coopération totale", selon le communiqué. Le texte précise que "la cliente ne s'était pas rendue à l'agence et n'avait pas effectué de transaction bancaire depuis plus d'un an et demi". "Les employés de la branche ont été surpris par l'arrivée de la cliente, de sa sœur et d'un grand groupe de personnes, qui ont pris en otage les employés et les clients", a également dénoncé la Blom Bank. Avant de poursuivre : "Ils ont aspergé d'essence les personnes présentes et menacé de les brûler. Ils ont aussi détruit certains biens de la banque et menacé (les employés et les clients] avec des armes". Le communiqué indique que l'incident a été "planifié à l'avance dans le but de causer du mal".
"La banque a succombé"
Par ailleurs, en début d'après-midi, l'Association des déposants a annoncé qu'un nouveau braquage était en cours dans une branche de la BankMed de Aley. "La filiale BankMed de Aley succombe devant les déposants", a simplement écrit l'association sur son compte Twitter mercredi. Quelques minutes plus tôt, la même association indiquait simplement : "Irruption immédiate dans une banque de Aley". Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), l'homme a été arrêté. Elle ne précise pas cependant s'il était parvenu à retirer de l'argent.
Le 11 août dernier, un client armé, rendu fou par les mesures de sa banque, avait retenu des heures durant employés et clients dans la branche de Hamra de la Federal Bank. Brièvement placé en détention par la police, il s'était vu remettre 35.000 dollars et avait indiqué qu'il allait entamer des négociations avec la Federal Bank afin de réclamer de pouvoir retirer le solde de son compte, soit 137.000 dollars. En guise de solidarité, des citoyens s'étaient mobilisés devant la banque.
En janvier dernier, un client en colère avait pris en otage des dizaines d’employés et de personnes présentes dans une banque de la Békaa, qui refusait de lui verser ses économies en dollar. L’homme, qui avait finalement obtenu gain de cause, s’était rendu aux forces de l’ordre, sans qu’aucune victime n'ait été signalée.
commentaires (17)
Si les juges faisaient correctement leur travail, au lieu d'etre vendus aux banquiers et aux politiciens vereux, les gens n'auraient pas besoin de se faire justice eux-memes.
Michel Trad
20 h 55, le 14 septembre 2022