Critiques littéraires Bande dessinée

Une saga faite d'énergie brute

Une saga faite d'énergie brute

Le Clan des Otori, Tome 3, Le Silence du Rossignol de Benjamin Bachelier, Gallimard, 2022, 96 p.

Benjamin Bachelier n’en est pas à son premier travail basé sur des grands romans. En 2014, il avait été approché par les éditions Tishina, spécialisées dans l’édition de versions grand format et richement illustrées de textes romanesques, pour s’attaquer à la mise en image du Soleil des Scorta de Laurent Gaudé. Deuxième publication de la maison, le livre succédait à une somptueuse version de Soie, d’Alessandro Baricco, illustrée par Rebecca Dautremer. Bachelier y proposait des dessins d’une beauté brute, aux aquarelles et aux gouaches, faites de masses qui sculptent la lumière.

Il s’était ensuite intéressé au Great Gatsby de F. Scott Fitzgerald, aux côtés du scénariste Stéphane Melchior. Il s’agissait cette fois d’une adaptation en bande dessinée, avec pour parti pris de transposer le récit dans un monde extrême-oriental, contemporain et citadin. Là encore, Benjamin Bachelier usait d’un dessin fait de lumières et de sensualité, que l’outil numérique servait à merveille. On se souviendra de la très belle couverture, riche et planante, de cet album.

Aujourd’hui, il se penche sur une série de romans qui a marqué nombre de lecteurs : Le Clan des Otori de Lian Hearn, publiée de 2002 à 2007. La vaste saga suit Takeo, un jeune homme élevé dans une communauté pacifique, et dont le village a été anéanti par l’armée du seigneur du clan Tohan. C’est dans le clan rival des Otori que le jeune homme sera recueilli, et qu’il suivra le chemin tortueux de la vengeance.

Lecture de jeunesse passionnée pour Benjamin Bachelier, il trouve aujourd’hui, aux éditions Gallimard, l’occasion de se confronter à cet univers.

Pour l’adapter, c’est à nouveau à Stéphane Melchior qu’il s’associe. Chaque tome de la saga romanesque se voit divisé en trois volumes de bande dessinée. Le troisième et dernier tome du Silence du Rossignol, premier volet de la saga, sort tout juste, en octobre 2022. Au bout de l’aventure, force est de constater que c’est une réussite : il s’agit d’une réelle adaptation, dans le sens où il y a la volonté d’une véritable transposition vers ce qui caractérise le medium bande dessinée, et en particulier l’art de la synthèse. Stéphane Melchior parvient à synthétiser l’abondance du roman dans un enchaînement de scènes marquantes.

Quant à Benjamin Bachelier, fidèle à son naturel expérimentateur, il s’essaie pour l’occasion à un nouvel outil : un pinceau japonais, fait de moustaches de rat. Avec cet outil, il fait le choix d’un dessin qui passe par le moins possible de phases de préparation. Pas de crayonnés préparatoires chargés. Au lieu de cela, un lâcher-prise et des images qui doivent leur beauté à une justesse sentie plutôt que construite.

En cela, l’album est traversé par une énergie brute, et les errances graphiques de Benjamin Bachelier, son audace, sont autant de surprises, de page en page. On retrouve dans ces planches la force qu’il insuffle à ses carnets de croquis et ses toiles de très grand format, qui constituent l’autre versant, hors de toute narration, de son travail de dessinateur.


Le Clan des Otori, Tome 3, Le Silence du Rossignol de Benjamin Bachelier, Gallimard, 2022, 96 p.Benjamin Bachelier n’en est pas à son premier travail basé sur des grands romans. En 2014, il avait été approché par les éditions Tishina, spécialisées dans l’édition de versions grand format et richement illustrées de textes romanesques, pour s’attaquer à la mise en image du...

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