Le patriarche maronite Béchara Raï a plaidé dimanche pour un président de la République qui "définisse les frontières intérieures de l'Etat". Une énième critique implicite à l'adresse du Hezbollah, poids lourd de la politique libanaise et seule formation à avoir conservé ses armes après la fin de la guerre civile, qui se retrouve accusé de constituer un Etat dans l'Etat. L'appel du cardinal Raï intervient alors que le mandat du chef de l'Etat, Michel Aoun, expire le 31 octobre, faisant craindre une vacance au pouvoir faute d'entente politique autour de l'élection de son successeur, dans un Liban en plein effondrement économique depuis quatre ans.
Résister aux tentations
"Nous réclamons un président qui soit à la hauteur de l'entité, du peuple et de la symbolique nationale, qui œuvre pour la renaissance de la population et délimite les frontières de l'Etat, pas seulement avec les pays voisins, mais également avec certaines parties libanaises qui se comportent comme s'il n'y avait pas de frontières, ni de dignité de l'Etat, ni de légalité ni d'armée", a plaidé le patriarche Raï, dans une critique claire à l'adresse du Hezbollah.
Lors de son homélie dominicale, il a également adressé une pique au chef des Forces libanaises, Samir Geagea, candidat officieux à la présidentielle et qui avait réclamé un président "de défi". "Lorsque nous disons que nous ne voulons pas d'un président de défi, cela ne veut pas dire que nous plaidons pour un président qui soit défié par tout le monde", a précisé le patriarche maronite. "La capacité du président à affronter les défis réside dans ses valeurs morales et son immunité face aux tentations, ainsi que sa résistance face aux menaces, tout en recourant à la Constitution et au peuple dans les décisions cruciales", a-t-il ajouté, appelant à un président "ayant de l'expérience dans les affaires publiques et qui ne soit pas le fruit d'un cahier de charges émis par des forces politiques ici ou là. "C'est pourquoi nous demandons à toutes les parties concernées par la présidentielle à lancer une série de contacts et de concertations afin de s'entendre sur un candidat qui possède ces qualités", a ajouté Béchara Raï.
Il a enfin appelé les dirigeants à former un gouvernement et à élire un président dans les délais constitutionnels. Le Liban est sans cabinet depuis le 22 mai, après les élections législatives. L'équipe actuelle est dirigée par Nagib Mikati, qui a à nouveau été désigné Premier ministre. Elle se limite à gérer les affaires courantes, mais des craintes se font sentir quant à une éventuelle vacance à la présidence, à l'ombre d'un gouvernement sortant qui devrait alors assumer les prérogatives du chef de l'Etat.
Ces derniers jours ont été placés sous le signe de la radicalisation des positions en vue de l’échéance présidentielle. À une dizaine de jours du début du délai pour élire un nouveau président, les principaux leaders chrétiens maronites du pays, Samir Geagea, chef de Forces libanaises, et Gebran Bassil, chef du Courant patriotique libre, que tout sépare, se sont retrouvés sur le chemin de l’escalade verbale dans la perspective de cette échéance. Tous deux perçus comme de sérieux présidentiables, ou du moins de faiseurs de président, les deux hommes ont haussé la barre dans leur discours respectifs, posant chacun leurs conditions pour élire un successeur à Michel Aoun. Parmi les candidats officieux, figure le leader chrétien de Zghorta Sleiman Frangié, qui tente de se présenter comme un candidat de compromis mais qui reste proche du Hezbollah et du régime syrien de Bachar el-Assad. Le nom du commandant en chef de l'armée libanaise, le général Joseph Aoun, circule également.
Le Hezbollah veut hâter l'élection
Commentant également le dossier de la présidentielle, samedi, le chef du groupe parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, a plaidé pour une accélération de l'élection d'un chef de l'Etat, notamment pour des raisons de sécurité, selon lui.
"Chaque camp peut faire usage de son droit légal et constitutionnel par rapport à cette échéance, mais de notre point de vue concernant l'équilibre des forces politiques et parlementaires (...), nous appelons tout le monde à préserver la sécurité et la stabilité dans le pays en hâtant l'élection d'un nouveau président" a affirmé le député lors d'un événement partisans à Zrariyé au Liban-Sud. "(...) La vacance affaiblit la position nationale face aux défis extérieurs", a encore estimé Mohammad Raad, en allusion aux négociations en cours avec Israël autour de la délimitation de la frontière maritime. "C'est pourquoi nous espérons que toutes les parties œuvreront à accomplir cette échéance dans les temps", a insisté le député.
Le Hezbollah avait dernièrement mis en garde à plusieurs reprises contre une vacance à la tête de l'Etat. Signe de ces craintes, le chef du parti chiite Hassan Nasrallah a plaidé lors d'un récent discours pour la formation d'un gouvernement doté de pleins pouvoirs, ce qui laisse traduire ses craintes quant à une vacance à la présidence de la République.
commentaires (5)
Monseigneur, il faut maintenir le cap et ne pas se mélanger les pinceaux en vous dispersant dans les cancans des camps opposés qui sont manipulés par les fossoyeurs pour vous distraire. Le CPL et les FL ne sont pas le sujet ni le problème de notre pays, ce sont surtout les vendus armés par un autre pays pour détruire le notre. Alors de grâce concentrez-vous sur leur désarmement et la neutralité du pays et le reste suivra, c’est mathématique.
Sissi zayyat
11 h 23, le 22 août 2022