Élire les membres de la Haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres. Le Parlement a rempli ce devoir lors de sa première séance plénière tenue mardi place de l’Étoile. Bien qu’il soit de pure forme, l’exercice a mis une fois de plus à rude épreuve la capacité du camp de l’opposition à faire barrage aux manœuvres du pouvoir.
Prévue dans l’article 80 de la Constitution, la Haute Cour est compétente pour statuer sur les accusations de haute trahison contre le président de la République et les ministres, ainsi que les manquements de ces derniers à leurs devoirs. Elle est régie par la loi 13/1990. Le premier article de ce texte stipule que lors de sa première séance législative (après celles consacrées à l’élection des président et vice-président de la Chambre et des commissions parlementaires), le Parlement élit sept députés membres de cette instance, ainsi que trois suppléants. Mais lors de la réunion de mardi, aucun scrutin n’avait eu lieu, les nouveaux membres de la Cour ayant été élus d’office. Il s’agit de Jamil Sayyed (indépendant, Baalbeck-Hermel), Abdel Karim Kabbara (mouvance haririenne, Tripoli), Fayçal Sayegh (Parti socialiste progressiste, Beyrouth), Agop Pakradounian (Tachnag, Metn), Georges Atallah (Courant patriotique libre, Koura), Imad el-Hout (Jamaa islamiya, Beyrouth) et Tony Frangié (Marada, Zghorta). À ces sept parlementaires se sont joints huit magistrats nommés par la Cour de cassation.
Instance « inutile »
Quelques heures seulement après l’élection de ses nouveaux membres, Fayçal Sayegh en a annoncé sa démission. « La Haute Cour est inutile. Elle n’a d’ailleurs jamais été saisie, d’autant que cela exige l’approbation des deux tiers des la Chambre (86 députés parmi 128), ce qui est quasi impossible », explique M. Sayegh à L’Orient-Le Jour, affirmant avoir pris sa décision à l’issue de concertations avec ses collègues du Rassemblement démocratique, groupe parlementaire affilié au PSP. Selon des informations obtenues par L’Orient-Le Jour, d’autres collègues de M. Sayegh pourraient suivre son exemple. C’est cette « inutilité » et cette inefficacité qui auraient conduit d’autres protagonistes de l’opposition, dont les Kataëb, les Forces libanaises et les treize députés de la contestation, à boycotter l’élection. « Nous ne pouvons pas faire partie d’une instance dont nous réclamons la dissolution », commente pour L’OLJ le chef des Kataëb, Samy Gemayel. « Cette Cour empêche la véritable reddition des comptes », déplore-t-il. La formation de M. Gemayel entend présenter une proposition de loi en vue de modifier les compétences de cette instance. Elle serait donc uniquement compétente pour poursuivre le chef de l’État en cas de haute trahison. Quant aux ministres accusés de corruption ou de manquement à leurs devoirs, ils seront poursuivis devant les autorités judiciaires compétentes.
L’enquête du port
L’élection des membres de la Haute Cour est intervenue dans un contexte marqué par un bras de fer politico-judiciaire corsé autour de l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020. À la veille de la deuxième commémoration du drame, l’investigation fait du surplace, en attendant que soient tranchées les demandes de dessaisissement du juge Tarek Bitar, chargé de l’enquête. De leur côté, le mouvement Amal – dont deux grosses pointures sont poursuivies dans le cadre de l’affaire – et le Hezbollah poursuivent leur forcing pour que le volet politique de l’enquête soit confié à la Haute Cour et non au juge Bitar. C’est justement pour faire barrage à une telle éventualité que les composantes de l’opposition ont décidé de boycotter l’élection de mardi.
« Nous sommes contre toute atteinte à M. Bitar et pour l’indépendance de la justice », explique Fayçal Sayegh. « Il n’est pas question d’assurer une couverture politique à ceux qui tentent d’échapper à la reddition des comptes et d’empêcher le juge Bitar de dévoiler la vérité sur le crime », renchérit un responsable FL. Mais le camp berryste ne bouge pas d’un iota. « Notre position demeure inchangée : nous voulons que les ministres soient jugés devant la Haute Cour, conformément à la Constitution », martèle un proche de Nabih Berry. Des affirmations qui suscitent des interrogations sur le rôle de l’opposition que le pouvoir en place continue d’outrepasser pour atteindre ses objectifs. « La bataille sera longue. Mais nous pouvons compter sur nos convergences ponctuelles pour unifier nos rangs dans la perspective des prochaines échéances », souligne le responsable FL.
commentaires (6)
Que du vent. Allez entre nous, qui de vous tous peut prétendre œuvrer pour le bien du pays et ses citoyens? A chaque échéance vous vous étalez et vous dispersés pour finir par ne plus exister puisque la seule arme que vous utilisez est l’abstention qui arrange les fossoyeurs du pays puisque le train reste en marche alors qu’il s’agit de le stopper net et sans tarder.
Sissi zayyat
21 h 14, le 28 juillet 2022