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Agenda - Hommage à Robert Arab

De la trempe des grands hommes

Général Mckenzie, c’est comme ça que je t’appelais. Nous avions partagé pour la première fois les planches dans Les dix petits nègres. Un de mes plus beaux souvenirs de théâtre. Sur scène, tu ne jouais pas, tu étais d’un naturel désarmant. Nous avions par la suite concocté de petites causeries sur la poésie et sur la musique. Nos répétitions étaient pour moi de grandes parenthèses de bonheur. Ensemble on relisait les classiques. On fouillait dans tes vieux disques. Tu essayais de te rappeler des paroles de Ferrat et tu trouvais ça étonnant que je les connaisse à mon âge.

Pour toi la musique était la continuation de la poésie.

Tu disais « c’est pourquoi notre ami Mozart est présent dans le débat entre chaque vers, entre chaque ligne. Il rejoint Verlaine, Baudelaire et les autres, au point précis de jonction de toutes les sensibilités ».

Des heures passées à t’écouter réciter des poèmes, raconter des anecdotes, à parler de ta carrière de diplomate et de cette (grande) époque révolue qui te manquait tant. Tu m’avais avoué à demi-mot être triste de ne plus pouvoir jouer les jeunes premiers. Mon cher Robi, tu avais la classe, la finesse, l’intelligence et l’humour qu’on ne fait plus. Tu avais la trempe des grands hommes.

Tu me faisais rire aux larmes, et pleurer aussi, quand tu récitais Aragon :

« Je vais te dire un grand secret

Je ne sais pas parler du temps qui te ressemble

Je ne sais parler de toi je fais semblant

Comme ceux très longtemps sur le quai d’une gare

Qui agitent la main après que les trains sont partis

Et le poignet s’éteint du poids nouveau des larmes. »

Aujourd’hui, je repense à ces mots impromptus de Lamartine que tu avais voulu partager lors de notre dernière « croisière en terre de poésie » :

« Le livre de la vie est le livre suprême qu’on ne peut ni ouvrir ni fermer à son choix.

Le passage attachant ne s’y lit pas deux fois.

Mais le feuillet fatal se tourne de lui même.

L’on voudrait revenir à la page où l’on aime.

Et la page où l’on meurt est déjà sous vos doigts. »

Continue de les réciter de là-haut et fais-nous signe pour qu’on tende l’oreille.


Général Mckenzie, c’est comme ça que je t’appelais. Nous avions partagé pour la première fois les planches dans Les dix petits nègres. Un de mes plus beaux souvenirs de théâtre. Sur scène, tu ne jouais pas, tu étais d’un naturel désarmant. Nous avions par la suite concocté de petites causeries sur la poésie et sur la musique. Nos répétitions étaient pour moi de grandes parenthèses de bonheur. Ensemble on relisait les classiques. On fouillait dans tes vieux disques. Tu essayais de te rappeler des paroles de Ferrat et tu trouvais ça étonnant que je les connaisse à mon âge.Pour toi la musique était la continuation de la poésie.Tu disais « c’est pourquoi notre ami Mozart est présent dans le débat entre chaque vers, entre chaque ligne. Il rejoint Verlaine, Baudelaire et les autres, au point précis de...